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(14 février 2004)

"Ce que l’on ne dit pas de l’inceste" - atelier du 17 mars 2007

1) Préambule et fonctionnement d'atelier
2) Ce que l'on sait de ce que l'on ne dit pas
3) Ce que l'on découvre de ce que l'on ne dit pas
3) Qu'est-ce qui fait qu'on est innhibé(e) ?

1) Préambule et fonctionnement d'atelier

Delphine : Alors, on va commencer… Comme vous voyez le dispositif a changé de ces ateliers, donc… après je vais garder un petit peu la parole pour expliquer pourquoi on a changé, nos objectifs de cet atelier. D’abord, on va se faire un petit bonjour, comment on se sent et tout ça, voir dans quelles dispositions, on aborde ce moment de parole…inaudible… je ne sais pas si tout le monde se connaît bien…


Moi, je m’appelle Delphine, là, ça va bien, je suis contente… je suis contente, en fait, que l’atelier, on change complètement de dispositif… j’en attends beaucoup…. je me dis que c’est une ouverture, voilà, je suis contente !
Moi, je m’appelle Loïc, moi, aussi je suis content d’être là, sauf qu’en ce moment, je vais très,très mal, je suis super-angoissé, beaucoup de problèmes au boulot, voilà, il faut que je travaille ce week-end, j’écris des articles et je fais des corrections.
Moi, je suis Florence, j’attendais avec intérêt, impatience cet atelier, surtout j’avais percuté, c’est plus long que le groupe de parole, et ce qui m’intéresse, c’est de travailler, de réfléchir, sur ce thème, c’est-à-dire… inaudible… moi, aussi je suis assez angoissée… inaudible… c’est de l’ordre de la parole.
Moi, je m’appelle Mireille, c’est vrai que je suis un petit peu désemparée… c’est vrai que le thème aussi… tous les troubles du comportement… Ma question c’est qu’est-ce qui est lié à l’inceste, qu’est-ce qui n’est pas lié à l’inceste, je n’arrive pas à faire la distinction, à la limite, je ne saurai même pas répondre. Mais c’est vrai que je suis angoissée, j’ai un souci…qui m’inhibe… et voilà !
Je suis Jacqueline, là, je me suis bien habillée, c’est vrai que je suis passée par beaucoup de couleurs avant d’arriver ici, je pensais avoir un message de Delphine que je n’ai pas eu et je me disais mais, je ne me suis pas trompée, c’est bien le dix sept. Je suis encore un peu, je dirais … j’ai une frustration qui n’est pas complètement digérée. Voilà !
Je m’appelle Stéphanie, moi, je suis très contente d’être venue aujourd’hui parce que c’est sûrement quelque chose à dire, et j’ai… C’était pas possible depuis un mois…Je suis contente d’être là ! Tout va bien il y a toujours des hauts et des bas, mais bon globalement, c’est bien.
Je m’appelle Sidonie, et c’est la première fois que je viens participer à un de ces ateliers, c’est vrai que je me sens là un petit peu… je suis contente d’être là mais je me sens nerveuse, je le sens bien puisque j’ai les mains froides, je transpire. Et puis cette semaine pour moi, c’est une semaine quand même assez importante, et riche à la fois puisque, d’abord j’ai décidé de me sevrer de mon traitement antidépresseur, j’ai pris cette décision de moi-même, mon médecin m’avait au contraire augmenté la dose et moi, je vais la réduire, doucement, mais quand même…et puis aussi, j’ai beaucoup, beaucoup, … j’avais beaucoup de choses à faire car j’ai un voyage professionnel à préparer. Toute la semaine , j’étais été tout le temps sur le site AREVI, le forum, j’ai tout exploré, l’enfant bleu, j’ai tout exploré, Alice Miller, j’ai tout exploré et j’ai commencé à lire plein de trucs d’elle et c’est vrai … ça me parle quoi ! Bref, c’était bien, je suis contente, j’ai l’impression d’avoir fait quelques pas. Voilà

Delphine : merci…. je prends juste un petit moment la parole pour faire le point, on a changé complètement de dispositif, en fait, plus pour revenir à l’idée qu’on avait originellement quand on a créé, au début, on n’appelait pas ça un atelier, il y a quatre ans, on appelait ça un groupe de recherche. En fait, ça se faisait juste après le groupe de parole et c’était un autre temps de parole, mais ça faisait des soirées trop longues, c’était un temps de parole destiné à réfléchir ensemble, sur l’inceste et donc c’était un moment, on était parti du principe : en tant que victime, puisqu’on l’a vécu, on a eu une expérience très …personnelle… on se disait qu’on peut produire un autre type de savoir que celui des professionnels… et donc, la connaissance qu’on a de l’inceste, elle est différente de celle des professionnels de la santé et du droit, d’une certaine façon, ils ne peuvent pas se substituer à nous et ils en ont pas la même connaissance que nous. Donc on voulait essayer de thématiser et réfléchir ensemble et de produire des connaissances sur l’inceste qui soient… ces connaissances… on a l’expertise, puisqu’on en a l’expérience. Alors, on avait… c’était une première, on savait pas comment s’y prendre, sous quelle forme, on voulait restituer ce savoir qu’on produirait ensemble. Il se trouve, je ne sais pas si vous savez, c’est mon métier à moi, je suis chercheur et j’écris sur l’inceste. Je peux m’occuper de faire quelque chose de ces matériaux, mais, on voulait déjà commencer par réfléchir ensemble. Et, ça fonctionnait avant, après le groupe de parole, c’était… le groupe de parole, ça permet de témoigner, d’être centré sur soi, d’être en connexion avec ses affects, c’est pas un moment où on peut prendre beaucoup de distance, donc il y avait ce deuxième temps où on pouvait.. on parlait d’un autre thème, mais on était concentré, mais on pouvait prendre de la distance par rapport à … même à notre expérience, on parlait aussi en je, à la première personne, mais en essayant de se dégager de ce qu’on avait raconté pour se dépasser. Et puis en fait, … après, c’était trop long comme soirée, donc on a commencé des rencontres le samedi après-midi.. et puis, on s’est demandé si ce serait pas mieux, plus profitable avec un modérateur extérieur, d’où la présence de F. que vous avez connu et qui était psy de métier, on avait essayé de réfléchir à ça avec lui et l’idée, c’était qu’il modère simplement la parole et plutôt le temps de parole, enfin, bon …et en fait, ça s’est peu à peu transformé en une espèce de groupe de parole bis, où il y avait très peu d’interactions, très peu de « questions –réponses ». Or, ce qui était , ce qui est très enrichissant, c’est un peu comme les groupes de paroles, les dix minutes qu’on prend pour discuter, ç’est ça qu’on aimerait bien retrouver, c’est-à-dire, un moment où on pose des questions à l’autre, parce qu’on a envie de mieux comprendre, en fait, c’est ça qu’on aimerait retrouver, avec … un certain dispositif, peu importe…c’est pas la question…mais là, c’était assez rigide comme dispositif avec lui et c’était : on peut pas sortir… c’était pris comme une interruption, si on posait une question. En fait, ça connectait trop aux affects…du coup quand on parle de soi, de son histoire et qu’on témoigne en racontant quelque chose, c’est bien, ça a sa place, en même temps, c’est difficile de s’en dégager un peu pour y penser, pour… et difficile aussi de poser des questions à quelqu’un qui est centré sur sa douleur. ça fonctionnait pas comme ça, donc on s’est dit, il faut peut-être reprendre le truc à la base, comme on l’avait pensé au départ. Alors, on a pensé à plusieurs solutions, prendre plusieurs modérateurs, mais rester entre nous… pas quelqu’un de l’extérieur… qui simplement vérifierait le temps… là, finalement, voilà… je présente cette activité –là d’AREVI que je suis de près, j’ai un peu l’habitude dans mon boulot, je le fais avec plaisir. Mais donc l’idée, c’est que on … d’abord, c’est enregistré, comme tout le monde voit, vous avez lu les transcriptions après sur le site. Ça, ça reste pareil, et après c’est une matière, ça peut servir si quelqu’un veut en faire quelque chose. C’est possible en fait, moi, j’utilise ça, comme matériau de travail , évidemment après, même si on s’interpelle par nos prénoms, je rends tout anonyme, je change même les dates, les noms de lieu… pour qu’on soit à l’aise avec ça… et voilà ! Alors là, il y a toujours un thème général pour l’après-midi, là, c’est : « ce qu’on ne dit pas » et on a pensé peut-être pour s’aider davantage, à pas rentrer trop dans l’affect, ça l’idée on encore trois sous-thèmes les deux premiers nous incitent, enfin nous engagent à témoigner sur une petite part de notre expérience autour du thème et le troisième où là, je ne sais pas si vous l’avez lu, c’est : pourquoi est-on inhibé ? Du coup, c’est quelque chose qui va nous obliger à réfléchir en fait, on n’a pas spécialement à témoigner, là on a à demander pourquoi et du coup en formulant, ce troisième sous-thème, sous forme d’une réflexion, d’une question, qui oblige à réfléchir, on s’est dit que ça permettait de se mettre sur la piste, histoire d’avoir un peu de distance… Enfin voilà quoi ! Donc j’ai pas … j’avais pensé écrire un préambule, un cadre de fonctionnement, mais en fait, je ne l’ai pas fait pour que ça reste libre et le cadre, voilà c’est l’espace de parole et en temps limité, et que on reste autour du thème, on se doute qu’on va pas mettre quelqu’un en demeure de…on veut mettre personne mal, mais par contre, on… ce qui est intéressant, mais même ce sera fructueux, c’est bien…. si c’est interactif, quoi ! si on se pose des questions mutuellement, si … et c’est pas grave, si c’est un peu cafouilleux ou si on sait pas trop comment prendre le truc au départ, on va le trouver ensemble ! c’est bien aussi, ça comme idée de travailler ensemble à élaborer un cadre qui permette ça !

Jacqueline : oui, moi, je suis d’accord … ça me changera pas du tout…

Delphine : Donc là le thème : ce qu’on ne dit pas de l’inceste, alors c’est venu de… je ne sais plus qui a eu cette idée… ça a émergé au groupe de parole ou la dernière fois à un atelier, enfin, c’est quelque chose qui est dans l’air du temps d’AREVI depuis un moment qui fait suite à d’autres ateliers qu’on avait autour de la parole : qu’est-ce qu’on dit ? du coup là, c’est plutôt : qu’est-ce qu’on ne dit pas ? les trois sous-thèmes, je sais si vous les avez lus sur le site :

Le premier, c’est : « Ce qu’on sait qu’on ne dit pas. »
Le deuxième, c’est : « Ce qu’on découvre qu’on ne dit pas »
Le troisième, c’est : « pourquoi,est-on inhibé(e) ? »

1- Ce qu'on sait qu'on ne dit pas

C’est des thèmes, on a réfléchi à ça, ensemble avec Nathalie, Judith et Jacqueline, mais s’il apparaît en cours de route une façon d’y penser, d’y réfléchir…

Jacqueline : J’ai envie de dire, c’est dire à qui ? ça dépend à qui on parle…

Florence : j’ai des problèmes, je me suis dit …la question que je vais poser, c’est pas tellement à qui, c’est justement que je n’en ai pas du tout. J’ai réfléchi du coup à ça, il y a des choses que je dis à certains et pas à d’autres, … Il y a une rationalité, derrière ça, il y a ce que je dis à mon psy, ce que je dis à mon mari, ce que je ne dis pas à des connaissances au travail… il y a clairement des choses que je dis à personne, parce qu’il n’y a pas… ce ne sont pas des choses que je dis au groupe de parole et même est-ce que je le dis à moi-même et là vraiment, ça rejoint le noyau dur de ce je ne veux vraiment pas dire du tout. Alors que si c’était acquis, bon ! j’arrive à trouver de bonne raisons de le faire, …disposer de mots, à disposer de bonnes raisons, inaudible…. Dans ma vie privée…je me suis rendue compte qu’il y avait une sorte de noyau dur de non-dit !

Delphine : est-ce que tu sais pourquoi, tu ne le dis pas ?

Florence : ben … je pense, en général… Il y a deux raisons : il a des choses parce que c’est le plus difficile, ce que je n’ai pas encore accepté moi-même, ou alors, il y a des fois des choses, comme si c’était futile, comme si elles n’avaient pas d’importance, parce que c’est trop dur d’y penser, peut-être…inaudible… dernièrement, on a parlé de ça au groupe de parole, du problème du plaisir physique, par exemple, problème de sexualité avec mon mari, j’ai réalisé que je ne lui ai pas parlé de ça. Ça fait un moment que j’y pense, ça, c’est de l’ordre du … certainement… et même quand j’y pense, je commence à avoir chaud et tout, par exemple, j’ai l’impression que c’est encore des choses où il y a de la honte qui s’attache à ça… inaudible…la honte c’était terminée, parce que j’avais clairement mis de côté, l’inceste avec mon père, donc j’ai pas à avoir honte… ça je sais que j’en parle pas, parce que je sais, parce que c’est… ce n’est pas encore évacué…c’était jusque là, tout de suite, c’était indicible.

Delphine : il se passe quoi, si tu le dis ?

Florence : ben ça, c’est tout l’histoire de la parole dans le domaine de l’inceste, c’est qu’à quinze ans, ça me paraissait, je disais juste que mon père m’avait touchée, c’est comme si le monde allait s’écrouler, je l’ai dit, le monde ne s’est pas écroulé.. à la limite, je me sens plutôt mieux maintenant. Donc ça, c’est toujours le problème de : avant d’avoir parlé, ça n’est pas rationnel, mais j’ai l’impression que quelque chose va s’écrouler, alors… c’était plutôt de l’ordre de la révélation, l’ordre de la structure familiale, là c’est plutôt personnel… et si je considère que ma sexualité est à ce point atteinte, c’est-à-dire que l’interaction telle entre le passé et le présent , c’est comme si, je perdais tout … je ne sais plus… quelque chose qui soit vraiment moi et mon père paraissait rejeté dans le passé… et là, il n’y a plus rien qui est parlé, puisque même dans la relation intime avec quelqu’un finalement, c’est là de façon non dite, mais … c’est depuis le début, depuis que je me suis construite sexuellement finalement. Ce problème-là est arrivé en même temps… comme ça m’a structurée, pas très positivement, mais là n’est pas la question, ça m’a structurée, le fait de le débusquer, c’est comme si j’allais, rendre friable toute la structure et là aussi tout s’effondre, donc c’était de l’ordre d’un effondrement extérieur et intérieur, mais c’est de l’ordre imaginaire, je sais bien que ce n’est pas le cas, mais malgré tout, il y aune sorte de peur irrationnelle, je ne peux pas parler de ça

Sidonie : est-ce que tu n’as pas l’impression… en fin de compte, c’est comme être empoisonnée ! finalement, Enfin, tu vois ce que je veux dire ?

Florence : c’est admettre la gravité des choses, admettre que ma sexualité elle n’est pas comme je voudrais qu’elle soit, elle est empoisonnée quoi ! je suis capable de l’admettre ; il faudrait savoir ce qui a rapport avec l’inceste il peut y avoir des problèmes sexuels pour des tas de raisons différentes … je pourrais dire pourquoi pas , je ne suis pas la seule, c’est clairement contaminé… or c’est quelque chose du point de vue de relations interpersonnelles, le goût de l’intime, la parole, le discours, la rationalisation, l’intellectualisation, même dans le ressenti, et puis au-delà des relations avec une autre personne, c’est même moi toute seule, c’est quelque chose où j’ai pas envie d’aller, parce que c’est admettre, en effet, il y a contamination, c’est de l’ordre de cette idée-là, comme si c’était empoisonné à la source et que je vois pas, c’est tellement emmêlé, comme dans quelque chose de liquide, je ne vois pas comment, je peux extraire la partie : problème de l’inceste d’un côté et garder la partie à moi, toute nette, de l’autre, tout se mêle comme ça parce que là, dans la sexualité, ça marche pas… ça peut marcher dans le travail parce que je suis capable, je suis adulte et je travaille …inaudible… avec mon père… ça oui, je peux le faire quand je suis avec quelqu’un et je me dis… j’ai réalisé récemment que ça pose problème, je peux avoir des désirs sexuels mais que je déteste ça, je ne sais pas pourquoi, c’est un paradoxe, c’est vraiment très déplaisant en ce sens… je ne sais pas où ça se situe, je suis incapable… et justement, je ne suis pas capable de faire moi-même le diagnostic de qu’est-ce qui se passe. Le mieux serait d’en parler et jusqu’à maintenant, je n’en ai pas parlé, j’ai louvoyé, notamment avec mon psy, c’est très amusant parce que je me débrouille toujours pour parler d’autre chose juste au moment où je pourrai pour en arriver là. Problème de fidélité ou pas fidélité ?... je me dis je vais parler de sexualité, mais non…

Mireille : comme si tu l’avais gardé secret… on a l’impression que c’est ton secret à toi et que cela ne veut pas sortir., comme si tu l’avais laissé comme un abcès et que tu ne voudrais pas que cet abcès diffuse… si c’était cet abcès qui n’était pas mis de côté, à ce moment-là…

Florence : Oui, pour circonscrire ça… il me restera celui-là qui est impossible à résoudre et je pourrai vivre hors de ça

Sidonie : je voudrais te poser une question, parce que je me la suis déjà posée : est-ce que c’est quelque chose d’irrésoluble ? On se traîne, année après année après année et qui revient toujours finalement comme quelque chose d’inopportun et toujours comme une espèce de viol répété, parce que le viol, à cause de cette contamination, il est quasi permanent quoi ! enfin c’est pas mon raisonnement ou ma bonne volonté qui va me permettre d’accéder .. à… Ok… ça y est, maintenant, je suis clean, nettoyée…

Florence : j’en sais rien, mais j’ai toujours tendance à faire de plus en plus confiance en la parole. Si c’est soluble, quelque part, c’est peut-être dans la parole, bizarrement, est-ce que je ne veux pas que ce soit ésolu, que je n’y crois pas…je ne croyais pas que ce soit soluble, c’est parce que… c’est une partie perdue et que je ne veux pas l’admettre…. Inaudible…La seule solution, j’ai l’impression que ça se dissout un peu, c’est que, en effet de parler, je me suis rendue compte… je n’en parlais pas puis, à chaque fois que j’en ai parlé, après coup, finalement, ça n’a pas disparu, mais c’est devenu moins lourd, moins obsessionnel, différent.

Sidonie : tu as jamais pu en parler à ton partenaire, ton mari ?

Florence : non, c’est la première fois ! le mot plaisir n’a rien à voir avec le mot : inceste.

Sidonie : moi, je trouve ça grave, par rapport… parce que j’ai déjà eu ce genre de problème, une espèce d’invasion quoi… que j’arrivais pas à expliciter….je ne sais pas, par gêne et j’ai toujours trouvé ça très très dommage et très handicapant dans la relation présente. Parce que automatiquement, ça crée un énorme mensonge, c’est comme ça que je l’ai toujours vécu. Si je ne peux pas sortir de ce mensonge si j’ai un partenaire et que je ne le dis pas , pour moi, l’intimité elle n’est plus là quoi ! ….J’ai toujours mis sur le compte du fait que j’avais un nouveau partenaire, qu’il était pas assez ouvert, pas assez communicatif ou quoi, mais,… Ce qui est très possible, d’ailleurs

Jacqueline : A quel moment tu te rends compte que… c’est pendant l’intimité que tu te fais un cinéma ou c’est après que tu te dis : ben là, j’ai…

Sidonie : non, c’est pendant, par exemple, je suis envahie par un fantôme, quoi… oui, effectivement, c’est pendant… pour moi, c’est quelque chose d’irrésoluble dans la mesure irrésolue, puisque je n’ai
jamais été jusqu’à ce point, capable d’en parler à mon partenaire.

Jacqueline : oui, ça reste de l’ordre du « truc pas dit »

Sidonie : Voilà

Delphine : et tu as déjà pensé le dire, le lui dire ?

Sidonie : non, j’ai déjà pensé que c’était possible, mais en l’occurrence, je trouvais que c’était pas possible avec… je pense à ma dernière relation, par exemple, c’était pas possible, je ne pouvais pas, déjà, j’avais eu l’impression de beaucoup, beaucoup m’exposer, c’était quelqu’un qui était totalement non-communicatif, c’est toujours moi qui déballais, qui déballais…j’essayais de tirer les trucs de son côté, mais ça venait guère, donc je pouvais difficilement aller jusqu’au bout.

Delphine : c’est quelque chose de se mettre avec des partenaires qui ne parlent pas eux-mêmes. Du coup, on se sent soi-même vulnérable si on se met à parler… et que l’autre ne parle pas de lui, d’elle… du coup, c’est pas pour rien… inaudible…ça me parle. J’ai déjà discuté avec ma partenaire et du coup, tu parles pas non plus, tu reste avec ton truc : ben non, je ne peux pas lui dire, il n’y a pas d’espace de parole… Moi, c’est pas ce que je ne dis pas du tout… en un mot, c’est sur les tortures que j’ai vécues… c’est plutôt une partie de ce que tu disais tout à l’heure, c’est que je pense que je pense qu’on ne va pas me croire, d’ailleurs, moi-même, quand j’en parle, des fois je ne me crois plus, et donc, j’ai la migraine, je suis malade, parce qu’en fait à chaque fois ça me rend malade de ne pas me croire, mais aussi que personne ne va me croire parce que c’est incroyable, impensable, que… même au groupe, par exemple, dès que je peux, un petit peu plus dire, mettre plus de paroles, je peux pas parce que c’est pas .. c’est … comment dire…des tortures, c’est pas quelque chose d’homologué, c’est pas quelque chose de commun aux autres… je me dis les autres ont pas vécu ça…je vais encore sentir seule avec ça, comme avec l’inceste quand on est avec d’autres, en ville, avec des amis, même quand on en parle, on est tout seul avec son truc…parce que l’autre en face, il a pas vécu ça. Là au groupe, oui, l’inceste, les autres le savent très bien, mais ça me fait pareil avec les tortures…inaudible… je disais encore me sentir seule avec ça et… qu’on va pas me croire et aussi peut-être que ça va , finalement, je dois tenir un scénario autour des tortures que j’ai vécues, des intentions de mon grand-père en me torturant, de … comment je me suis construite en défense par rapport à ça et peut-être, il y a un truc auquel je… que ça ébranlerait trop quoi ! une construction, un récit de ça qui… je sais pas… le tout un peu … c’est difficile ! je sais pas, ça fragiliserait l’édifice si j’en parlais et du coup comme j’ai pas autre chose, même ça c’est horrible .. ; mais ça me fait un récit sur lequel m’appuyer… et du coup, si je n’ai même plus ça…

Florence : …inaudible…du coup c’est comme si on repartait à zéro ! si je reprends sur d’autres bases, tout ! Ce n’est pas vrai ! ce qui est fait, est fait ! comme travail, mais si on parle, quelque soit le thème, s’il y a quelque chose dont on n’a pas parlé, on se dit, je vais en parler maintenant, ça va en effet faire bouger quelque chose qu’on avait déjà commencé à construire…qu’est-ce que c’était comme histoire, je suis victime, … j’ai été victime d’inceste… et puis si on parle d’autre chose tout d’un coup, cela devient une autre histoire et je ressens une inquiétude à injecter du nouveau… dans la parole… par les souvenirs qu’on a en tête. Il y a plein de choses, ça on le sait bien. Mais c’est dans la parole, cela veut dire qu’il va falloir l’intégrer quelque part… inaudible… un effet sur les autres, un effet sur soi…

Delphine : tu n’en as parlé à personne ? ils ont mal réagi, peut-être…

Florence : un petit peu… j’en parle pas beaucoup…

Sidonie : il y aussi que ça nous saoule trop !

Delphine : c’est dégueulasse quoi ! tu vois, je sais que en le disant, ben, l’autre, il écoute, tout simplement, donc il… se fait une représentation, mais là, tu vois la réaction, je ne peux pas accepter que l’autre ait une représentation de ce que je vais raconter, ça me resalit encore, ça me … c’est dégueulasse ! quoi !ça me remet un peu… comment dire ? il y a ça, puis il y a le fait que le truc de pas être crue, peut-être que j’ai pas envie de me reconfronter à … on ne me croirait pas … enfin, alors, , j’avais l’impression d’être sortie de ça, parce par exemple, maintenant l’inceste, je sais que … mais je vois bien ces tests, c’est vraiment… je sais pas si j’ai bien intégré qu’on me croit ou si je finis par être un peu habituée à l’idée qu’on me croit…Mais je vois bien, dès que ça change de sujet, je m’aperçois que ce sont les mêmes trucs qui me ré-assaillent…qui me persécutent, c’est qu’on va pas me croire, du coup, j’ai l’impression de n’avoir pas trop avancer là-dedans… inaudible…
Sidonie : Et là, tu veux en parler ?

Loïc : moi, j’ai un peu de mal à faire des échanges, je ne suis pas habitué, sauf que je communique pas assez sur des histoires de tortures, tout ça. Moi, j’ai vécu quelque chose de très très violentes. Je sais pas non plus… enfin, je sais pas je crois… moi-même, je ne me crois pas. Avec mon psy, là je lui raconte des trucs, des fois, je crois qu’il me croit, ou qu’il ne me croit pas. Dès qu’il ne me croit pas, j’crois que je suis fou, c’est bizarre tout ça, je sais pas … par contre, moi, j’ai besoin de parler, en fait. Au groupe de parole, comme ça parle pas beaucoup, enfin ça parle pas d’inceste… c’est mon impression, on parle rarement de ce qui s’est passé, …. Inaudible… généralement, c’est moi qui suis… inaudible…donc voilà.

Florence : il n’y a rien dont tu penses que tu ne parles jamais

Loïc : ben si , sur les histoires de pervers sexuels, sur la sexualité, … inaudible… j’ai commencé à dire un petit peu. Tout à l’heure, je me sentais exclu. Sur la question d : est-ce qu’on le dit au partenaire ? ben moi, c’est même pas cette question -là, j’en suis pas là ! merci. J’ai du mal à parler comme ça, j’arrive pas, à communiquer sur les choses,

Jacqueline : est-ce que le fait que tu es le seul homme ? … et que on est que des femmes, est-ce que ça te gêne… de parler de sexualité ? Parce que ça peut être

Loïc : non, moi, j’ai jamais parlé sur ce thème, mais parfois, j’arrive pas à faire la démarche, tellement je souffre. … mon corps est un peu comme étranger. Je ne suis pas là, même après, je ne pense pas à la sexualité, je pense si je vois une fille et que je veux aller vers elle… si je lui raconte qui je suis…je ne pense pas qu’elle m’accepte.Sidonie : Est-ce que ça vous arrive jamais, là je pense à autre chose, d’être jaloux par exemple des gens, moi, je prends cet exemple-là, parce que j’ai côtoyé des gens dont la famille a expérimenté la shoah, l’holocauste… J’allais dire quelque chose qui paraît horrible, mais souvent, il y a des dîners et on dit : oh là là, et mon grand-père et ma grand-mère…nanana… nanana…finalement, il y a une fierté quand même et là, j’espère que je choque personne ici, mais je trouve qu’il y a une fierté énorme à raconter que machin s’en soit sorti ? ben, je veux dire, il n’y a aucune pudeur par rapport à ces récits-là et… moi, ça m’est arrivée d’être jalouse, je me suis dit, merde ! c’était la galère et tout. Je peux dire moi aussi, j’ai vécu une galère, c’est tellement indécent que je peux certainement pas la raconter au cours d’un dîner. Et ça me fout en rogne, ben voilà ! je dis comme c’est ! quoi !

Mireille : aussi par rapport à ces événements, il y en a qui n’ont jamais parlé. Il y en a qui ont parlé

Sidonie : oui, je sais

Mireille : certains sont restés silencieux.

Echanges inaudibles.
Loïc : c’est de la fierté, tandis que moi, c’est une fierté, ça me redonne du baume au cœur par rapport à ce qui m’est arrivé, d’avoir pu traverser tout ça, je me sens… sur un certain plan, je me sens supérieur aux autres. Les autres, c’est des rigolos ! Quoi ! ça me donne du courage ! dans un dîner, comme j’arrive pas à communiquer, je me dis : ce sont des rigolos !

Sidonie, vous avez le même sentiment que ce que je suis en train de dire … une certaine… un certain degré de haine… parce qu’il y a frustration… quand on peut pas parler … on est frustré, mais du coup, on est jaloux de celui qui peut parler…ben, il y a une certaine haine. Florence : Oui, moi, c’est des choses horribles… quand des gens racontent des choses terribles, qui ont vécu des choses…des maladies, perdre ses parents très jeunes, des choses comme ça qui rendent la vie très difficile, on écoute… ils peuvent dire, ça a été dur et je m’en suis sorti(e) je suis contente, … je me dis moi, je peux pas encore faire ça, même si intérieurement, ça c’est assez récent, je pense que depuis que je viens ici, je ressens une forme de fierté.. pas la fierté de tout ce que j’ai vécu, mais la fierté de me dire : après tout, je suis partie avec pas tant de chances que ça et… je me débrouille, je m’en sors, je me bagarre, je parle aussi, J’ai envie de dire : moi aussi, j’ai des trucs à dire, mais ça reste, à l’intérieur…c’est difficile de dire…je pense quand je rencontre des gens, qui parlent de leur difficultés passées, qui me paraissent … pour rien… des fois, des choses qui me paraissent respectueuses, je me dis… mais ce qui m’énerve, c’est de me dire, il y a pire. … d’en parler facilement et tout le monde vat’écouter, te plaindre ou t’admirer ou quelque chose… là aussi, je me dis, … peut-être, ces gens-là, c’est la même chose, ils racontent leur histoire et ils disent tout le monde s’en fout … j’ai tendance à croire que c’est toujours plus facile chez les autres… on a l’impression que c’est plus facile, mais, il y a quelque chose de publiquement reconnu… il y a ce qui est publiquement reconnu, il y a ce qui ne l’est pas… et en parler… c’est plus facile de parler d’un souvenir, un plaisir, on écrit un bouquin… là on peut en parler. Mais l’inceste, on n’en parle du tout, , même si c’est plus qu’avant, mais malgré tout, c’est pas très…

Sidonie : on peut se faire manipuler aussi. Moi, ça m’est déjà arrivée… avec mon ex-belle-mère, une fois à un dîner, justement, j’ai voulu dire quelque chose, même pas en détail, mais tout de suite : « ferme-la »

Delphine : Et pourquoi, tu crois ? il faut la fermer !

Sidonie : Parce qu’il y a des choses dont on ne parle pas, des choses qui sont simplement… indécentes. Pourquoi, elle, ça la gênait particulièrement ? je ne le sais pas… c’est bizarre comme réflexion… ça, pourquoi ? parce que finalement, les gens qui n’ont pas vécu ça, ils ne doivent pas se sentir tellement atteint par des choses comme ça, ils pourraient dire : ben, oui, chez moi, il n’y a jamais eu rien de semblable ou quelque chose… mais … enfin, je sais pas. Moi, j’ai l’impression aussi que moi, je me sens aussi salie, par les récits comme ça dans ma famille, c’est vraiment… c’est salissant quoi ! ou bien j’ai fait d’autres expériences par le passé… assez lointain quand j’avais entre dix-neuf et vingt-cinq ans où je racontais ça beaucoup plus facilement et finalement, je me suis fait abusée encore… c’était pas une bonne idée…je m’adressais pas aux personnes…

Delphine : Qu’est-ce qu’on ne dit pas ?

Mireille : par rapport à mon mari, j’ai dit beaucoup de choses, bien sûr, il est informé… il a été informé assez tôt. Mais pendant longtemps, après on n’en a plus jamais parlé, donc en mettant ça de côté, moi, aussi, j’ai pensé que ça allait… que j’allais oublié et j’ai pensé que ce n’était peut-être pas vrai, que c’était des cauchemars, que c’était sans doute pas vrai… enfin bref… et c’est vrai que tout a ressurgi plus tard… et puis ça ressurgi toujours maintenant, et encore plus… Alors, ce que je crois, que je ne peux pas dire, lui dire, c’est que je suis toujours hantée, quoi… c’était mon beau-frère, le mari de ma sœur, je ne suis pas libérée, pourtant, il est mort et je ne suis pas libérée de ça… C’est vrai que je lui casse un peu les pieds, je ne peux pas lui dire tout le temps … Cependant, on a commencé une thérapie de couple, parce que… Il a mis du temps … d’ailleurs, il ne veut pas venir là. Je lui ai dit : tu sais, il y a des conjoints qui viennent… mais pour le moment, il ne veut pas venir… je lui dis au moins tu te sentirais peut-être moins seul en entendant certaines difficultés et ce que je crois que je ne peux pas dire : mais, ça aussi je lui ai dit quand même. Je crois que la chose la plus difficile et qui me met le plus mal à l’aise… mais malgré tout… j’avais neuf ans… je peux pas dire que … finalement, j’ai ressenti du plaisir, donc je crois que c’est ça, la chose la plus difficile à exprimer… que j’ai… nié pendant longtemps… c’est vrais que grâce à l’analyse, j’ai pu l’accepter plus ou moins quand même. Mais ça n’empêche que c’est vrai, tout de même vrai et c’est ça qui me met le plus mal à l’aise possible. Donc après, moi, j’ai l’impression que c’est une prison, on est pris la dedans et ça dure toute la vie… Au départ, on a l’impression … bon, j’ai fait ma vie normalement… on va dire…mais quand même, c’est toujours là, c’est toujours là…et j’ai l’impression que ça n’avance pas

Fin de la face de la cassette

Mireille (suite) : Ma sœur est toujours vivante…mais ma sœur, j’ai fini par lui dire, mais il n’y a pas très longtemps, elle m’a dit qu’elle s’en doutait… mais ça s’est arrêté là… mes parents, je ne leur ai jamais parlé. Est-ce qu’ils le savaient ? est-ce qu’ils ne le savaient pas ? j’avais occulté complètement. Je ne pensais même pas à le dire à ma mère… pourtant, elle a vécu assez longtemps. Je n’y ai même pas pensé…Mais disons que quand elle se trouvait là, je n’y pensais pas.

Jacqueline : …..Pas volontairement

Mireille : et alors, maintenant, c’est ma sœur… donc elle m’a dit qu’elle s’en doutait, j’ai fait un petit texte pour expliquer ça, les détails des faits : « le secret de ma vie » donc un jour je lui ai donné, elle me l’a rendu, sans dire un mot, donc du coup … bon .. et maintenant, donc maintenant, elle est malade… elle a un cancer et je suis complètement bloquée, bloquée, bloquée, je ne peux pas l’appeler, je ne peux pas la voir, je ne peux pas … parce que elle est tout le temps en train d’envoyer des vannes.. je pense qu’elle se protège, ça je le comprends, mais alors, moi, j’ai une attitude…

Delphine : pourquoi, tu peux pas l’appeler carrément… ?

Mireille : Je sais pas

Delphine : Parce que comme tu peux pas parler de ça avec elle, du coup …

Mireille : Ben voilà, c’est pas intéressant de boire un café, et puis… ça m’est arrivé d’y aller, il y a des choses importantes. Et finalement je crains que… ou c’est moi qui me lance… là je n’ai pas le courage… inaudible…

Delphine : C’est important de ne pas pouvoir dire que c’est encore hyper-présent

Mireille : oui, parce que c’est vrai, ça fait tellement longtemps…

Delphine : on dit oui, ça va mieux…

Mireille : « tout de même, depuis le temps ! tu as réussi ta vie, toi , tu as un bon marin toi, ceci.. toi cela… » moi, j’ai eu toutes les chances… voilà . Et donc là, je me sens mal, mais c’est… et ça je peux pas le dire à mon mari, je me sens mal à cause de ma sœur, parce qu’il me dirait : « attends ! arrête ! « et c’est vrai… même moi, à ce point-là, je ne m’explique pas … pourquoi je me suis foutue dans cet état-là et je sis à la limite incorrecte, elle est malade… donc je devrais prendre de ses nouvelles tout de même. Je suis odieuse, je suis monstrueuse …

Delphine : ça tu peux le dire à personne, que tu bloques

Mireille : si je l’ai dit à mon psy, quand même, je l’ai dit. Ben bon, je n’ose pas trop lui répéter chaque semaine. Ben vous savez, ça va encore pas …de toutes façons, j’ose pas.

Delphine : après tout, en particulier à un psy

Mireille : Je me dis que c’est plus profond que ça…inaudible…

Florence : On n’ose pas répéter les choses comme si on avait un devoir, comme si on devait aller mieux et dire que c’est derrière…

Jacqueline : je sais pas... si en cours d’atelier… Je revenais à ce que je crois que je ne peux pas dire. Moi, je pense qu’il n’y a rien que je crois que je ne peux pas dire. En fait, je ne dis pas tout… mais je ne peux pas dire, parce que je me dis : déjà quelque chose que j’ai dit, je me rappelle quelqu’un du groupe, quand j’ai dit que j’avais les yeux collés avec du sperme.. et puis et de tout ce que je crois que je ne peux pas dire,.. Mais là, il y a que des choses que je pourrais dire. Et ce que je crois que je ne peux pas dire… inaudible… moi, j’ai jamais eu, en dehors des violences sexuelle subies de la part de mon frère jusqu’à douze ans, je n’ai jamais eu de relations sexuelles, jamais de relation d’égalité avec un homme, ça s’est sûr ! seulement en imagination et tout , donc là, je me sens inférieure quelque part, je me sens … moche quoi ! pas capable et … quand je dis ça, je pense, j’ai même pas été capable … même me laisser aller avec un homme. Par exemple, j’en ai parlé à ma psy, j’ai eu l’occasion de correspondre avec un homme… cinq ou six messages…il m’a invitée…j’ai dit : je ne peux pas. Et pourtant, il était à plusieurs centaines de kilomètres et la psy gentiment, … là j’étais petite fille… Elle m’a dit : mais vous pourriez accepter, seulement prendre un café … A mon avis, c’est par rapport au corps, par rapport à ce que j’ai vécu, parce que il y avait une telle gentillesse de la part de cette dame, de la part de la psy, quand elle disait : « mais, seulement prendre un café avec lui, lui serrer la main pour lui dire bonjour, ce sera un contact intime » que je n’ai pas eu, par rapport à des relations administratives et professionnelles. Et donc ça me renvoie à l’infériorité, au rejet de la famille… tout le monde est marié dans ma famille, a des enfants, moi, je suis pas mariée, j’en ai pas, vraiment … inaudible… je crois que c’est … ça me renvoie à l’inceste, mais je crois que je le trimbale encore, ce rejet… ma vie sexuelle, elle se cantonne à ce que j’ai vécu jusqu’à douze ans, en fait. Et ça, je le retrouve bien dans… je me dis, celui-là, il est jeune, j’espère qu’il connaîtra un jour le bonheur et sa sexualité s’éveillera, mais moi, je me dis, moi, maintenant à soixante sept ans, ce sera peut-être de l’amitié, mais, là… c’est pas là que je me sens mal, parce que ça je le sais depuis toujours, ça ! c’est la première fois que je le dis, puis, j’en ai parlé une fois à ma psy. Une fois, je l’ai abordé ici. Il y a eu quelqu’un du groupe qui a dit : tu sais qu’elle n’avait jamais eu de relations sexuelles, je ne sais plus qui l’avait dit …. Mais, vraiment ça m’avait fait du bien qu’elle le redise, parce que j’ai dit : au moins, on l’entend, ce n’est pas moi qui le dis et j’avais dû le dire… Voilà ! ce que je peux dire !

Delphine : ça c’est quelque chose que tu peux plutôt dire

Jacqueline : ben, je l’ai dit une fois, je l’ai dit à ma psy.. ; en fait, en même temps, ce que je crois que je ne peux pas dire, il n’y a rien que je ne peux pas dire .. ou alors, ce sont des choses qui me sont inconnues, à moi-même. Et en même temps, ça me renvoie tellement, là vraiment… j’ai vu le tas de fumier du jardin, tout d’un coup, j’ai vraiment eu l’image matérielle …

Delphine : Tu t’attendrais plutôt à ce que les autres ne te disent pas, parce que tu dis : ça m’avait fait du bien, je ne sais plus quelle parole, quelqu’un avait relevé, répété tes mots… du coup, ce n’est pas ce que je ne dis pas, c’est ce que les autres disent. Est-ce que ça a à voir avec les réactions des autres de parler de ta famille… qui te renvoient … que ?

Jacqueline : j’ai toujours le sentiment que je ne vaux rien du tout… quand je dis : j’ai perdu maman, dans le groupe de parole…inaudible… hormis de celle de ne pas avoir été capable et en même temps, c’est certainement lié à l’inceste, aux violences sexuelles que j’ai subies, en même temps je l’évacue ça ! ça vient de moi qui suis une incapable, c’est lié et en même temps j’arrive pas à le lier…tout à l’heure, je pensais : c’est extérieur à moi-même. Mon histoire est extérieure à moi-même, c’est moi, là je sens quand on me rejette… mon histoire, il y a encore…toute une éducation… Je veux dire mon histoire est extérieure à moi, je me la suis pas encore totalement appropriée

Delphine : mais ton histoire… de ta vie ?

Jacqueline : Oui… inaudible… Seize années vécues au Carmel, donc seize années, c’est un trou, ça m’a complètement amené du désarroi, je n’arrive pas non plus à en parler… je le cachais … mais je ne sais pas ce que j’ai fait de ces seize ans, en plus… je n’arrive pas à mettre un mot, en quoi, ça m’a été utile ? qu’est-ce que j’ai pu en tirer, ou qu’est-ce que ça m’a… ? Comment je m’en suis sortie, avec quoi ne mieux ? quoi en mal ? je sais pas. En fait, je ne me possède pas. On m’a possédée, mais je … quand je commence à penser à moi, ben, c’est ma famille qui me rappelle que je vaux rien…

Sidonie : Et toi ? qu’est-ce que tu en penses ? qu’est-ce que tu penses ? tu penses qu’aller au Carmel, c’était un choix à toi et que tu assumes ? est-ce que tu assumes les choix que tu aurais pu faire toi-même ou bien tu as l’impression que tout s’est déroulé …

Jacqueline : Non, je l’ai choisi… maintenant, j’assume mon échec…d’un vide… que je ne remplis pas

Mireille : Est-ce que tu dis dans ta famille, ?

Jacqueline : Maintenant on ne me dit plus rien, d’ailleurs. J’ai reçu un mail d’une de mes sœurs qui m’a dit : « quand est-ce qu’on te voit ? » voilà ! .. échanges inaudibles… c’est la seule de la famille à qui j’ai dit… c’est elle qui a dit aux autres, je me suis servie d’elle, je lui disais tu peux le répéter à tout le monde… elle a dit c’est pas vrai, tu ne peux pas te rappeler, à la suite de ça, elle a raconté une histoire elle se rappelait, parce que, autrefois, c’est .. noyé en noir, donc elle m’a dit « non ! tu ne peux pas te rappeler !Moi, je me rappelle à quatre ans, quand Jean te voyait, j’me rappelle ! » « parce que tu te rappelles à quatre et moi, à sept ans, je ne me rappelle pas » donc là, je l’ai un petit peu descendue quand même. Donc, c’est ce qui est lié à la sexualité qui m’échappe… quel que soit l’âge ! mais en même temps, maintenant, je suis vieille, donc, j’espère pour les autres, je n’espère plus pour moi, je fais du social, je vais faire du soutien scolaire, j’ai l’impression que c’est pas ça … je devrais m’occuper de moi à la place. Voilà, c’est ça !

Mireille : il n’est pas trop tard !

Jacqueline : oui, mais…

Mireille : tu as droit à ta vie et tu n’as pas un âge … inaudible…

Jacqueline : Par rapport à mon âge, je suis trop vieille, parfois, je me sens trop vieille au groupe de parole…je me dis qu’est-ce que je fais là ?

Florence : on n’a pas le même âge … inaudible… c’est pas lié à un âge réel, mais c’est clairement … il y a quelque chose au début qui a été décalé, on a raté une étape, particulièrement, je me reproche d’en être que là maintenant, j’ai l’impression que je devrais être plus loin… comme si j’avais pas franchi, justement le fait d’y repenser tout le temps, je ne voudrais plus en être là, je voudrais déjà avoir… alors quand je vois des filles au groupe de parole qui font des procès ou qui parlent, je me dis, c’est ça que je devrais faire, je ne l’ai pas fait. Alors là, c’est trop tard, c’est raté.

D elphine : pourquoi tu penses que c’est raté. ?

Loïc : Il y a tellement de choses. Je ne sais plus trop quoi dire… non ben, sur la sexualité, la honte, ça me parle vachement, j’ai honte, et je me sens vraiment pas aimable du tout… je sens qu’on me déteste… c’est pas ça, mais je me déteste moi-même. Je sais pas … il y a tellement de choses que je sais pas quoi dire. Sur ce que je dis pas, moi, en fait, je dis tout sauf ce que je sais pas …inaudible… je le dis au groupe de parole, j’y viens rien que pour ça. Je dis ce qui me passe par la tête. … je me fais un devoir, même… Inaudible…


2) Ce que l'on découvre de ce que l'on ne dit pas

Delphine : On découvre ce qu’on ne dit pas ! On découvre au fur et à mesure en fait. Des fois, les autres, ils te renvoient que : tu te dis, mais ça, je n’en ai jamais parlé. On découvre qu’on se taisait

Loïc : je ne sais pas ce que c’est exactement…parler, c’est nécessaire, c’est vachement bien …

Delphine : c’est vrai, j’en ai jamais parlé, seulement avec des mots génériques genre violer, enfin,

Loïc : il n’y a qu’une solution de s’en sortir, c’est de raconter…inaudible

Mireille : écrire, c’est une bonne chose. C’est parti à l’extérieur

Sidonie : Parler c’est mieux

Mireille : je trouve que les deux se complètent

Stéphanie : justement on parlait par rapport à l’âge. Ce que tu disais… tu vois, moi, je viens d’avoir cinquante ans, j’ai pas si c’est le fait d’avoir cinquante ans, je commence à parler justement… Bon ben, mon ami, on va fêter nos vingt-huit ans ensemble, la semaine prochaine et j’en ai parlé que depuis… une dizaine d’années, et dans mon entourage, j’en ai parlé à juste …. J’en ai parlé grâce au groupe AREVI qui enfin m’a donné la force d’en parler autour de moi, c’est-à-dire à ma mère et à mon frère. Sinon, je n’en ai jamais parlé à personne. Jamais… jamais…

Delphine : et pourquoi ?

Stéphanie : … Je garde tout intérieurement. Déjà, j’ai une mère qui est… qui est … une forte personnalité et en réalité qui m’a toujours dit en deux mots : « tais-toi !» , c’est vrai, je parle rarement, et… justement le groupe m’a donné la force de l’affronter, et pouvoir dire… c’est vrai que c’est dur de parler… heureusement, mon compagnon, il est ouvert, et… c’est vrai, heureusement qu’il est là parce que… il m’a toujours soutenue, c’est vrai que bon il ne parle pas beaucoup, mais, surtout depuis le groupe, là on en parle beaucoup plus. Je commence petit à petit, à évacuer un petit peu tout ça,

Delphine : tu avais envie d’en parler et tu te réfrénais, ou ça ne te venait même pas d’en parler. Comment ça se passe .. ?

Stéphanie : non, je pense que je n’avais pas envie d’en parler, c’était toujours présent dans ma tête,mais j’avais pas envie d’en parler

Delphine : Tu luttais pas pour te taire ?

Stéphanie : non, comme de toutes façons, … non je me suis complètement refermée sur moi-même, complètement, pourtant, j’ai l’air ouverte puisque je travaille dans le médical, donc je suis en permanence avec des patients tout le temps, donc pour tout le monde, je n’ai pas de problèmes… je suis bien ouverte, je vais vers les gens, je veux dire j’ai carrément deux personnalités ! et dans mon entourage, j’ai convoqué ma mère avant Noël, quand … je sais que ma mère a beaucoup de personnalité, je lui ai dit : « tu te tais, tu t’assois et tu m’écoutes ! », pour moi, c’était un effort surhumain, surhumain et j’ai mis… je suis venue pour la première fois au mois de novembre et je trouve que j’ai fait un super-pas en avant… depuis grâce au groupe où je venais, j’essayais de venir toutes les semaines… Là dernièrement, je ne venais pas, parce que professionnellement, on a beaucoup de boulot et…ma patronne fait des conférences, bon, elle est dentiste,… ces temps-ci, elle avait beaucoup de conférences, donc le lundi, je ne pouvais pas échanger mon jour de repos, enfin pas mon jour de repos, mais mon jour où je finis un peu plus tôt le vendredi, par rapport au lundi, donc c’est pour ça que j’ai pas pu venir, ce mois-ci, mais… bon…

Delphine : ta mère, elle t’a entendue quand tu lui as dit : tais –toi …

Stéphanie : elle m’a écoutée, pendant une heure et après on a été interrompues parce que quelqu’un sonnait à sa porte, et après elle est partie dans ses délires… de toutes façons, elle part tout le temps… elle fait toujours, elle me fait toujours une grosse tête comme ça… et elle m’a écoutée, mais quand même, elle ne m’a pas entendue de toutes façons elle ne parle que d’elle… elle ne peut pas écouter … elle ne peut pas écouter…

Mireille : elle est trop centrée sur elle

Stéphanie : complètement

Delphine : et c’était ton père ?

Stéphanie : non parce que maman a pas pu m’élever avec mon frère, elle nous a placés dans une famille d’adoption, parce que nous, on appelle ça maintenant une famille d’accueil, mais pour moi, c’était mes parents adoptifs. C’était à la campagne, parce que moi, j’étais placée dès que je suis née, mon frère était plus vieux que moi de deux ans donc on était placés tous les deux dans cette famille Pour moi, c’était mes parents adoptifs et la petite fille est toujours ma sœur. Du reste, en réalité je crois que j’ai dû en parler à mon compagnon à la mort de ses parents, de mes parents adoptifs, donc à la mort de cette personne. Je crois que c’est là que j’en ai parlé pour la première fois, quand mes parents ou mes grands-parents pour moi, quand ils sont décédés tous les deux, je crois que c’est la première fois que j’en ai parlé.

Delphine : ils sont morts en même temps ?

Stéphanie : non, à deux ans près.

Delphine : et tu es victime de… du …inaudible

Stéphanie : Oui, du reste, même encore maintenant, je l’ai pas dit à sa fille qui est pour moi, ma sœur. Personne ne le sait.

Delphine : à part ta mère et ton compagnon, alors

Stéphanie : … Et mon frère. J’ai convoqué ma mère donc huit jours avant Noël et deux jours avant Noël, j’ai convoqué mon frère, parce que lui, il partait pour Noël à la campagne. Je lui ai dit, ben tu te débrouilles, il faut que je te parle. Comme il ne pouvait pas se déplacer, je suis allée à son bureau, on est allés prendre un pot dans un café, j’étais accompagnée de mon ami, parce que je lui ai dit : tu viens avec moi ! . Mes parents étaient divorcés, c’est pour ça que maman n’avaient pas pu nous élever, donc elle nous avait placés dans cette famille… pour lui, c’est son père, c’était son père. Mon père, il a fait une croix dessus, il n’a pas voulu s’occuper de nous, il nous a abandonnés, il s’est jamais occupé de nous donc cette famille, c’est comme si c’était son père et sa mère. Alors lui, il était…il est tombé en dessous de tout, il est tombé des nues, il n’en revenait pas, il était choqué. Je lui ai posé la question, si lui, il avait pas subi quelque chose, parce que, c’est pour ça que je voulais lui dire aussi en même temps… parce que on sait jamais…et non lui, il n’a rien su, il n’a pas été abusé et il n’a rien vu non plus ! ça se passait tous les soirs, c’est pareil, maman nous a repris à l’âge de dix ans, donc à mon avis, ça s’est passé, entre neuf et dix ans. Parce que j’étais tout à fait consciente, on dormait avec mon frère et « ma sœur », on dormait dans une grande chambre tous ensemble et on attendait, que … j’attendais en quelque sorte que mon frère et ma sœur s’endorment, pour aller retrouver… parce que c’est là qu’il venait me chercher… et ça se passait pendant que les enfants étaient endormis. Et mon frère, il dormait, donc il a pas pu se rendre compte… et ce que je reproche, par contre, à ma mère, c’est que quand elle nous a repris à l’âge de dix ans, mon frère et moi, mon frère, elle l’a collé en pension et moi, elle m’a repris et j’ai dit : mais tu t’es jamais aperçue que j’étais dyslexique d’abord, que j’apprenais pas, j’arrivais pas, ça rentrait pas dans ma tête. On pouvait me laisser un après-midi entier sur un bouquin ou une dicté et un truc à apprendre, de toutes façons, j’avais toujours la tête en l’air, donc j’apprenais pas si elle était pas à côté de moi pour me faire apprendre et me faire réciter de leçons… ben, ça rentrait pas. Avec toutes les difficultés, je dis, mais tu ne t’es jamais aperçue de quoi que ce soit, c’est ça que je lui reproche en réalité et ben non ! elle m’a dit : comme moi, j’étais émotive moi-même, elle m’a dit, j’ai cru qu’en réalité, je te passais mon émotivité. Et depuis que je lui ai dit tout ça, j’ai eu le courage de dire tout ça, ... donc trois jours après c’était Noël, donc Noël, c’était chez maman avec mon compagnon. On était tous les trois. Et comme d’habitude, elle parle toujours d’elle, et elle critique toujours les gens et elle monte toujours les gens, du reste, les uns contre les autres, parce que elle a toujours été… inaudible… et au fur et mesure du repas de Noël, elle nous critiquait, elle critiquait mon ami de plus en plus, et la parenthèse, ce que j’ai oublié de dire, c’est que, elle l’a ressorti encore à Noël, c’est que quand elle a su qu’elle était enceinte de moi, elle a voulu se faire avorter. Ça, rebelote, un détail important… donc à chaque fois, elle me le ressort, elle me l’a ressorti à Noël, au départ du repas de Noël ; gentiment auprès de mon compagnon, elle parlait de mes ex avec qui j’aurais pu me marier… déjà, c’est sympa, vis-à-vis de M. et à la fin de repas, le ton montait, ses propos montaient... et auprès de M. elle lui disait, c’est tout juste, si c’était pas grâce à moi que … qu’il avait réussi à acquérir des biens parce que on vivait ensemble et comme il était dans mon appartement, grâce à moi, il a pu mettre des sous de côté, et il a pu s’acheter ce qu’il s’est acheté, et voilà. J’ai dit : mais maman, est-ce que tu te rends compte de ce que tu es en train de dire ? Elle dit : non, qu’est-ce que j’ai dit ? parce que M. est monté sur ses grands chevaux, tout en étant très gentil et très poli… Tu sais : j’ai compris exactement ce que M. a compris et puisque c’est ça, on s’en va. Donc, on n’a pas été jusqu’à la fin du repas de Noël et on est partis. Donc, c’est passé. Après le réveillon du premier janvier où on était chez des amis… et donc au retour du week-end, je l’ai appelée, le mardi matin, pour lui souhaiter une bonne année. C’était pendant l’heure du déjeuner et elle m’ a dit : heureusement que j’ai mes amis, parce que s’il faut compter d sur ma famille pour qu’on me souhaite la bonne année, … bon, ben, écoute, j’ai faim, c’est l’heure du déjeuner Au revoir ! Et elle m’a raccroché au nez ! Donc depuis nos relations … ben, il n’y a plus de relations parce que encore grâce au groupe : j’ai dit : « ça suffit », elle parle toujours d’elle en permanence, moi, gentille, je l’appelais tous les dimanches, je l’emmenais au restaurant, j’ai toujours… là elle était en bise-bille, puisque de toutes façons elle agresse toujours tout le monde, donc elle était en bise-bille avec mon frère, moi, petite fille gentille, j’ai toujours fait les liens pour qu’ils s’entendent bien. Mon frère, il l’appelle une fois tous les six mois, à sa fête et au premier janvier. Alors grâce à moi, … parce qu’il a deux filles … j’essayais quand même que on se voit de temps en temps , de pas couper les ponts, et en réalité, je remarque que la finalité des choses, c’est que elle se fout de moi ! depuis qu’elle sait qu’on va se marier, ça été le fait déclenchant et depuis mes cinquante ans où M. a fait l’annonce à toute la famille, puisque deux jours après on a fait la fête en famille… l’annonce du mariage a été le fait déclenchant où là tout est tombé comme ça. Tout le monde est jaloux de nous, c’est-à-dire mon frère et maman. C’est vrai que depuis ça …

Delphine : Ton frère il t’a entendue, au café, Il t’en a reparlé, plutôt…tu as dit qu’il était sous le coup

Stéphanie : Il m’en a reparlé une autre fois et c’est pareil lui aussi a toujours été jaloux de nous, de la bonne entente que j’ai avec M. parce qu’on se connaît depuis longtemps…. Il a toujours été jaloux de notre de notre couple… parce lui a divorcé. Il faut dire que mon frère s’était marié avec la sœur de M. C’est-à-dire que c’est nous qui les avons fait connaître. Eux se sont mariés on eu deux enfants. Nous on n’était pas mariés puisqu’on va se marier au mois de septembre-là. Et déjà il y a eu des jalousies dans la famille, parce que nous on avait des biens…

Delphine : Je parlais de l’inceste ! là

Stéphanie : de l’inceste ? oui, il m’en a re-parlé une fois.

Delphine : il t’en a reparlé pour…

Stéphanie : pour dire qu’il n’en revenait pas. Quoi ! Il avait réfléchi à la chose et que … il m’a crue, il m’a crue, bien sûr. Mais c’est vrai que… il m’a redit qu’il était tombée des nues Quoi ! Il m’a dit : « mais si j’avais su j’aurais été comme M. » Quand je lui ai dit, il m’a dit : j’aurais été lui casser la gueule !

Delphine : est-ce qu’il y a autre chose ? des trucs que tu ne dis pas ? à ton conjoint ? ou dont tu ne parles pas ? que tu gardes pour toi ?

Stéphanie : …. Non, je commence à me décoincer… grâce au groupe de parole, vraiment, j’arrive à me dire plus, disons maintenant, on parle. Je ne dis pas que c’est moi qui commence. Disons qu’on a un dialogue qu’on n’avait pas avant.

Jacqueline : j’ai remarqué, quand tu l’as dit à M. il n’y avait pas tellement longtemps que tu venais, déjà le fait que tu aies pu peu de temps après, en parler à M. Là, j’ai trouvé que tu avais fait des progrès ? comme si tu étais concentrée tout d’un coup et la parole était vraiment libérée, en peu de temps

Stéphanie : oui, c’est vrai… et c’est ce que me dit M. : « Attends, tu te rends compte le bon en avant » … c’est vrai que maintenant, je parle, j’ai arrêté de me taire !

Delphine : Est-ce qu’il y a des faits, des émotions, il y a des trucs que vous découvrez que vous ne disiez pas ?

10 minutes de pause

Stéphanie : à chaque fois, il me décontracte… il y va toujours avec douceur ! Il me met à l’aise. Il ne m’a jamais provoquée, jamais … Si je veux pas, il se rend compte que je veux pas, il n’insiste pas. Je veux dire… ça se passe bien, Je veux dire… ça se passe mieux, beaucoup mieux… j’ai toujours un blocage, mais ça se passe… disons, j’ai toujours peur, j’ai toujours peur,

Mireille : la peur, effectivement, c’est un invariant…

Stéphanie : la peur, je la cache tout le temps, c’est un blocage tout le temps, tu vois. C’est un blocage immédiat, j’ai toujours peur

Delphine : tu lui dis ça à ton mari ?

Mireille : oui, je le dis… ça dépend des moments, mais ça m’arrive très souvent d’un seul coup, je dis : «j’ai peur ! »… ça me passe comme ça, je dis j’ai peur.

Stéphanie : J’ai remarqué quand je fais pas l’amour depuis longtemps, par exemple quand il se passe quinze jours ou un mois, de recommencer, alors là, c’est la panique. Si j’ai des rapports réguliers, c’est-à-dire, plusieurs fois par semaine, il n’y a pas de soucis, mais dès que je fais un break en quelque sorte, c’est jamais moi… en fait, je ne suis jamais demandeuse, ça… je le sais, c’est ce qu’il me dit : maintenant, ça va je vais plus vers lui dans le lit, mais j’dormais toujours à l’opposé et même encore maintenant, il me dit : mais quand est-ce que tu viendras de mon côté ? Dans le lit, je suis toujours côté opposé, tout le temps, si on avait un lit de deux mètres…

Florence : c’est vrai qu’il y a la peur d’avoir quelqu’un de collé à soi… La seule ça a été de lui faire comprendre au moins sur ce plan-là. Ben voilà, d’une façon générale, j’ai besoin d’un espace …Mireille : moi aussi, ça m’énerve… pas tout le temps

Sidonie : moi, j’avais le lit pour moi toute seule, c’est génial ! Après j’étais avec mon partenaire, ben, il s’est passé quelque chose de très bizarre. En fait, … c’est très bizarre, mais en fait, dans mon histoire à moi, c’est pas si bizarre que ça, c’est plutôt un schéma, c’est-à-dire que au début, je suis très.. pas agressive… si je suis agressive sexuellement, je veux dire, j’ai définitivement, fait sa conquête, on va dire, j’suis partie à l’attaque…là vraiment… Et puis il y a un moment : plus aucun intérêt et après ça bascule dans le déni le plus total, et je ne peux plus le supporter, alors là, franchement… dans la maison, c’était dramatique, quoi ! et je sais pas comment …

Mireille : tu sais pourquoi ? Qu’est-ce qui s’est passé que ça a changé comme ça ? qu’est-ce qu’il y a eu ?

Sidonie : je peux dire, il y a les faits, des faits extérieurs, on va dire, il n’a pas fait certaines choses que j’aurais aimé qu’il fasse dans notre vie commune, ça c’est clair et net. Je pense que c’est quand même un.. objectivement… je pense que c’est quand même un homme extrêmement froid, extrêmement réservé, non-communicatif, j’ai toujours eu la sensation qu’il me cachait des choses qu’il ne voulait pas dire, j’ai essayé de lui tirer les vers du nez, je me suis lassée. Et donc physiquement, ça s’est manifesté que par de … la passion physique que j’éprouvais pour lui, c’est devenu vraiment du dégoût. Quoi ! je ne pouvais plus le supporter et je le trouvais …

Delphine : Loïc demande si c’est pas le moment, si des liens d’affection ... qui s’installe au lieu de l’amour

Sidonie : non, c’est plutôt que je réalise que la personne de laquelle je suis tombée amoureuse, objectivement, je pense que je suis vraiment tombée amoureuse de cette personne, en général, d’hommes extrêmement froids… et cruels… objectivement je réalise que j’ai vraiment un …inaudible…Mon premier mari me faisait penser à ma mère , en fait par son mauvais caractère, hypercolérique, même physiquement, très brun comme elle. Et puis mon dernier compagnon, il me faisait plutôt penser à mon père, par plein de choses… ses origines de l’Est, sa froideur, sa non-communicabilité, enfin plein de choses comme ça ! il y a un moment où je me dis mais finalement, ce type-là, il est pas très sympa… mais voilà !

Florence : pour en revenir au pouvoir de la parole, il est question du stade de l’affection, de la sécurité, je l’ai senti…. Pas juste en parler comme ça, mais j’essayais de démonter le mécanisme, de réaliser que… c’était le cas avec l’homme avec qui j’étais mariée et en repensant à d’autres relations, c’est qu’il y avait un premier arrêt justement, toujours le même genre… inaudible…, justement, … et puis retrait très net de la personne … en premier temps c’était l’établissement de relations affectives … l’homme en question, c’est des hommes…inaudible… donc fait partie de la famille corse. Le jour où j’ai réalisé ça, ça s’est arrangé, d’ailleurs, je ne l’ai pas réalisé avec mon premier mari… je pense qu’après c’était mieux parce que je me connaissais mieux moi-même, donc quand on s’est rencontrés et il avait commencé à se passer la même chose… inaudible … et alors la deuxième étape , encore pire je dirais, c’est puisque dans les deux cas, j’ai été … j’ai des enfants avec mon mari, mais avec mon ex-mari, j’ai été enceinte et j’ai fait une fausse-couche et il y a eu quelque chose de l’ordre de la panique à partir du moment où, pas du fait que j’étais enceinte, avant même, c’était clairement un père pour moi. Le jour où j’ai pu dire ça, tout bêtement, c’est là que je me dis : c’est parce que j’ai du recul grâce à ma psy. Le jour où je suis allée dire clairement finalement quand l’homme que j’aime se transforme déjà en homme de ma famille, alors en plus en père, on apprend comme par hasard,

Delphine : Tu aurais pu coucher avec ton père

Florence : … J’ai pu parce que je l’ai dit, à partir de là, mais ça a été très délicat. Quand j’ai eu mes enfants, il y a des moments où c’était très très problématique, et il a fallu qu’il mette clairement le choses sur la table avec lui après, mais d’abord toute seule avec ma psy, dire clairement, que dans mon lit, j’ai plus souvent un homme et un homme étranger, que je suis allée chercher loin…c’est de la famille… du coup cela devient déjà quelqu’un de très proche et en plus c’est un père, je ne peux pas
C’était complètement mélangé, parce que c’est pas la question je n’ai pas d’inquiétude par rapport à lui, par rapport à ses enfants, parce que justement, j’en avais parlé, mais c’était, vraiment symbolique. quoi ! Il était devenu père et donc que j’avais un père dans mon lit, et le jour où j’ai pu le dire … ça veut pas dire que je n’ai plus ce problème-là… était résolu. Enfin, ça ne se pose plus cette question

Sidonie : J’allais dire que il y a un moment où … cette dernière relation s’est vraiment cassée la figure … inaudible… je suis partie en vacances, j’avais, avec moi, mon frère le plus jeune que j’avais pas vu depuis bien des années et quand mon compagnon est venu nous rejoindre, j’avais vraiment… j’avais des flashs la nuit, je pensais à mon père, ils se masturbait à côté de moi, enfin c’était horrible, du coup, je n’y arrivais plus… il m’a menacée en fait, à ce moment-là, il m’a dit : « Bon, si tu peux pas avoir de relations sexuelles avec moi, il est clair que la relation ne va pas tenir » et comme en fait, à ce moment-là, bon ben, j’avais comme le sentiment qu’on allait reconstruire une famille ensemble, on avait une maison, on avait reconstruit une famille et moi, j’y tenais beaucoup, donc moi, je peux dire que je me suis prostituée pendant le reste de toutes les années où je suis restée avec lui et je me le disais constamment, c’était vraiment terrible. Du coup ça n’a fait qu’empirer l’enfer de la relation avec lui, c’était vraiment… j’étais dissociée, j’imaginais que j’étais quelqu’un d’autre. ça marchait plus du tout ! quoi ! mais au niveau des choses, enfin pour en revenir au thème, … comment je peux dire ça ? Disons qu’il y a eu plusieurs choses dans mes relations… d’abus sexuels, il y avait mon père, mais il y avait aussi ma mère, qui m’, à quatorze ans m’a refilé un type dont elle était amoureuse et qui était en quelque sorte, son maître spirituel et ce qui s’est passé, c’est qu’en fait, c’était vraiment elle qui organisait le truc, enfin, c’est lui qui le disait, mais vraiment, elle l’a beaucoup aidé en ne m’envoyant pas à l’école, en me gardant à la maison, en le faisant venir… , je ne peux pas entrer dans les détails, mais elle était très attentionnée et très organisée pour …tout organiser quoi ! et c’est vrai qu’elle essayait de savoir comment il s’y prenait… comment il faisait avec moi ! Elle était terrible !

Delphine : c’était son amant ?

Sidonie : non, elle aurait voulu, je crois, mais lui, ça ne l’intéressait pas. Elle savait qu’il était pédophile parce que… il avait déjà eu d’autres histoires, même avec sa femme. Sa femme était déjà grand-mère et elle avait une petite-fille et elle l’avait surpris avec sa petite-fille en train de tripoter, donc elle savait parfaitement, et toutes les deux, quoi, elles ont initié le truc en m’envoyant à la cave avec lui. J’étais là : « non ! non ! je veux pas y aller ! » et elles de dire : « oh ! regarde-la, elle a la trouille ! » jusqu’à ce que ça arrive effectivement, lui soit invité à la maison… c’est vraiment une progression quoi ! et après ce qui s’est passé, je le raconte volontiers qu’elle a mis tout en marche et tout. Et après ce qui s’est passé, c’est que… moi, j’étais tellement en manque d’affection, aussi, du côté de mon père, c’était carrément nul, du côté de ma mère, elle était carrément folle quoi ! elle était d’une cruauté incroyable, me menaçant sans arrêt, m’engueulant, me disant : « si jamais ça se sait, faut pas compter sur moi pour te soutenir, je nierai ce qu’a fait ce type-là, lui aussi, il le niera ! si t’es enceinte, tu te démerderas… » Vraiment charmant quoi ! et du coup, j’ai fait une espèce de … transfert que j’ai pris tout ce qu’il me faisait… je sais pas, les sodomies, pour des mesures d’amour, des mesures d’attention, et du coup au bout d’un moment, il a même fait le nécessaire qu’elle organise quoique ce soit ! Lui, il suffisait qu’il me donne rendez-vous quelque part moi, j’y allais et j’avais vraiment le sentiment d’être amoureuse de lui. Par exemple, j’allais encore à la messe à l’époque, et pendant toute la messe, j’étais là en train de me dire, bon qu’est-ce qu’il m’a fait, je fais toute la liste de tout ce qu’il m’avait fait… comme vraiment un truc préférentiel et puis finalement je peux dire que en quelque sorte, j’étais devenue amoureuse de lui au bout d’un moment. Après l’avoir repoussé,parce que la première fois je l’avais repoussé, mais après non.. ben, j’ai jamais eu de plaisir physique avec lui, mais alors vraiment jamais, jamais de chez jamais… de toutes façons il était tellement brutal… il aurait fallu… et il était m échant, quoi, il m’insultait, en même temps… c’était vraiment l’horreur… mais, malgré tout, voilà, c’est cette partie-là que j’ai du mal à dire que quand même j’étais amoureuse de ce mec-là ! jusqu’à dix sept ans. Jusqu’à que tant dans toute la ville, … ça commençait à se savoir. Alors, une fois on était avec ma mère chez un commerçant qui n’habitait pas très loin de chez lui et ma mère lui a acheté du tissu pour faire des nappes et au moment de payer, elle se rend compte qu’elle avait oublié son porte-feuille, …c’te bonne femme commence à rougir parce qu’elle a oublié son porte-feuille « oh ! j’ai oublié mon porte-feuille, excusez-moi, machin ! et le type lui répond : « c’est pas grave, laissez-moi votre fille ! » … Bon, là elle est devenue écarlate et peu après, ils ont déménagé.

Delphine : tu te souviens de ce que tu as ressenti quand il t’a menacé de ça ?

S idonie : rien, en fait pas grand-chose… non,je ne ressentais pas grand-chose… disons, ce n’est pas que je ressentais pas grand-chose à l’époque mais, j’étais quand même assez blindée, à l’époque … je sais pas …en l’occurrence…je ne me souviens pas du tout !

Jacqueline : c’est peut-être vide. Quand on entend des propositions pareilles, moi, j’ai l’impression que…inaudible…Je me demande si dans des cas comme ça : « vous n’avez qu’à me laisser votre fille », à ce moment-là la fille en question … ne ressent plus rien, ne voit plus rien

Delphine : c’est-à-dire que c’est sidérant

Fin de la cassette

Sidonie : C’était faussé, je veux dire, après, moi, moi j’ai quitté la maison après mon bac, j’ai été paumée de chez paumée quoi ! je me suis fait violée, je me suis fait embarquée dans des histoires et tout, j’étais incapable, c’était bien parce que j’avais toujours , j’avais quand même un instinct, on va dire, une intuition par rapport … j’étais toujours en train de me dire, enfin le mot : cool n’existait pas à l’époque, mais j’étais toujours en train de me dire : oh ! oui, allez, sois gentille, enfin je sais pas, j’étais toujours en train de me forcer à apprécier les gens et à les … à faire tomber mes défenses…mais vraiment ,ça m’a foutue dans de ces histoires, j’ai mis longtemps à m’en sortir … oui, il y a eu une chose que je ne dis pas, mais ça c’est dans le cadre des relations intimes, il y a certaines choses physiques … c’est vraiment très très bizarre parce que certaines choses, d’ailleurs que je peux…, que j’apprécie beaucoup, mais il arrive un moment avec un partenaire, avec le dernier en particulier, puis même avec mon mari, c’était pareil où quand il me fait ça, je pleurais, je l’aurais vraiment tué, lui éclater… j’ai eu une violence, mais Han ! c’est là que j’ai souvent des … c’est un truc dont je parle pas beaucoup non plus… mais j’ai des actes de violence interne, mais hou ! ça m’arrive assez fréquemment, je voudrais faire gicler la cervelle de mon père,… ça, c’est sûr que on ne peut en parler à tout un chacun. Je me rappelle il y a un moment où j’ai fait pas mal de méditation, de type bouddhiste, c’était, il y a un moment. Et bon ! je suis arrivée à entrer ne contact avec des sentiments d’une telle violence, je me suis dit, je peux très bien comprendre, ce qu’a fait Hitler, les Khmers rouges et tous ces gars-là… ça veut pas dire que moi, j’ai fait ça aussi et que Dieu merci, j’espère que je le ferai jamais, mais je peux comprendre. L’état que je ressentais, c’était hard, ça aussi, c’est difficile d’en parler, parce que on a appris, on est éduqué pour être…, surtout moi, dans ma famille, j’ai été élevée en partie par ma grand-mère et puis après mes parents. J’étais super-gentille, j’étais super-bonne élève … vraiment la bonne fille quoi ! et ça a rien empêché.

Delphine : ça n’a rien empêché quoi ? tu veux dire ?

Sidonie : Ben, ça a rien empêché que j’ai subi tous ces trucs-là quoi ! quelque part, je dirais que la bonne conduite ça sert vraiment à rien !


3) Qu'est-ce qui fait qu'on est innhibé(e) ?

Delphine : la troisième question : qu’est-ce qui fait qu’on est inhibé ?

Florence : Inaudible … en fait, à chaque fois qu’on ne parle pas, … C’est nous qui nous disons : tais-toi !

Sidonie : si on est inhibée… un peu tant mieux aussi, il ne faut pas le regretter

Echanges inaudibles…

Loïc : je ne peux pas en parler, c’est secret.. inaudible…c’est une énergie, il faut que je me défoule sur quelque chose… je ressens une violence !

Jacqueline : est-ce que c’est plus précis que ça dans ton passé ?

Loïc : j’ai des images… inaudible

Dix minutes de pause.

Echanges inaudibles, parfois : Tu veux dire que tu as plus de souvenirs de ces machins que des gestes…L’inceste, c’est un peu de moi dont il s’agit….

Loïc : Par contre, l’idée de meurtre … si tu transposes… moi, je suis réveillé dans une flaque d’eau un matin ! on m’avait violé à mort, quand je me suis réveillé, je croyais que j’étais mort,

Delphine : le meurtre, c’est pas toi…. Pourquoi tu dis que ça te paraît plus normal que tu ne te souviennes pas ?... c’est plus de violence… parce que c’est plus insupportable ?

Inaudible

Loïc : ….la violence, je peux pas raconter… Si je dis, ça va choquer les gens…

Jacqueline : je commence à ma déshiniber… et dans les films, si c’est très violent, je ferme les yeux, j’essaie d’être dans ces violences pour me décharger moi-même… j’y vais prudemment…j’essaie de sortir d’une certaine inertie…C’est ma violence interne…qui passe la-dedans !

Mireille : Je pense que tu essaies de te protéger… quand je rebondis sur le meurtre, effectivement, la seule solution, que je pense que j’ai … que j’avais dans ma tête, c’était de le tuer ; si j’avais eu de la force, et j’en ai fait des cauchemars après, J’allais en prison, ou j’avais monté tout un système pour le tuer et j’avais réussi, j’avais bien caché et je m’étais dit : c’est mon rêve. Ça c’est un rêve réel, un rêve de la nuit, et j’métais dit ben, normalement personne ne pourra savoir, jamais, jamais… et puis alors donc, mon rêve c’était complètement… finalement, je me suis dénoncée parce que sinon, … alors, là, ça n’a pas de sens… sinon on aurait accusé son fils qui à l’époque du meurtre avait quatre ans… donc je me suis dénoncée pour pas que le petit de quatre ans, soit accusé. Mais moi, je pense que quand j’y pense comme ça, je serais allée en prison, voire à la limite, je crois que je m’en fichais… et bon, ben, j’ai jamais eu la force de le faire. Mais par contre, les films qui peuvent m’aider, j’en ai vu, J’ai vu : « Pas de printemps pour Marnie » de Hitchkock… tu l’as vu ? ou à la fin, cette petite fille… le violeur est tué… et elle est complètement obnubilée par des fleurs rouges… enfin, c’est un parallèle … et donc,il y a toute l’histoire où on recherche quelle est son histoire, et en fait, chaque nuit, quand elle était petite fille, sa mère avait des prétendants qui venaient chez elle et elle laissait son lit à sa mère et au mec qui venait. Et une fois, le gars a voulu abuser de la petite fille qui a pris un tison et qui l’a tué. Donc elle l’a tué. Et là j’ai revu un autre film qui m’a beaucoup marqué, c’est Viridiana de Bunuel. J’ai quelques flashs des films des années soixante … dont il ne me restait presque rien si ce n’est que ça m’avait marquée. Là je les revois. Là, c’est pareil, l’histoire, ben, elle est assez …je vous laisse le voir… le résultat, c’est que dans ce film là, celui qui viole est tué. Et je me suis dit, ça c’est marrant, ça fait deux films comme ça, le violeur est tué. Alors il y a des personnes qui protègent. Donc voilà ! Alors, ça , donc c‘est vrai que … peut-être que c’est ça l’inhibition. Peut-être que il y a trop de choses qui devraient sortir et que je ne peux pas dire, donc … ben, je sais pas…c’est une hypothèse…j’ai jamais osé … Oui, c’est ça… nous on est bien socialisés… En même temps il y a des moments, j’ai envie de dire, …

Sidonie : Moi, j’ai pas envie de me retrouver en « tôle »

Mireille : non, mais bien sûr,

Sidonie, non, mais si je vivais dans une société où je sais que j’aurais pas de problème… je pourrai le tuer. Je ne fais pas uniquement parce que, j’ai pas envie …

Mireille : c’est vrai que dans ces situations-là, j’ai envie de dire, il y a des meurtres justes. C’est vrai que socialement, on n’a pas à se faire… on n’est pas juge de soi-même. Mais il y a des moments, je me dis, ben merde ! dans ces cas-là, le meurtre devrait être juste…

Jacqueline : tu penses à la peine de mort ?

Mireille : Non, de tous ceux qui violent… brouhaha…

Jacqueline : J’ai tué mon père deux fois …J’ai tué mon père et je voulais … prier pour qu’il crève…-Ton père ? -
Oui, oui, j’ai prié tous les soirs, … peut-être, même au Carmel…ou avant …surtout je voulais que mon frère le tue…
Et je disais à ma mère…je voudrais que mon frère le tue, il faudrait le tuer…ah ! oui, je voulais qu’il le tue…Echanges inaudibles… et quand il est mort, j’étais à la maison, c’est moi, qui l’ai accompagné à l’hôpital… Et après, j’ai dit à une de mes sœurs, au téléphone : « Ecoute, je n’ai pas eu de peine quand il est mort »… et cette sœur … cette petite vache… elle a été raconter à tout le monde : « Jacqueline n’a pas eu de peine quand papa est mort ! » Et ça m’a été renvoyé par une de mes sœurs alors que… et moi, j’ai pris ça comme une accusation que je méritais, tu vois ! je me suis pourrie la vie avec cette histoire que j’ai pas eu de peine, mon père était… inaudible…je ne sais ce qui se joue par rapport à mon père, ce que mon père a pu lui faire …Il faudrait vraiment analyser… inaudible… quand mon père rentrait à vélo de son travail, il était toujours saoul, je ne l’ai jamais connu sobre … l’hiver, le soir… il était … inaudible… ma mère me demandait de l’accompagner, … et ne même temps, j’espérais qu’il soit tombé du côté de la route et non pas dans le fossé, … ça je ne l’ai pas dit à mes sœurs…Mais alors …Si, j’étais en colère, j’ai déjà dit à mon père : je voudrais que tu crèves !

Stéphanie : je ne suis pas encore capable d’être en contact avec ça… Ça c’est un truc que j’ai pas encore découvert ce que je ne disais pas, c’est un truc que je ne peux même pas m’autoriser à penser… échanges inaudibles

Jacqueline : je le dis avec un détachement ! je voudrais avancer sur ce chemin-là , mais j’y arrive pas !...Inaudible… Voilà !
Il se battait avec mon frère…moi

Echanges inaudibles

Jacqueline : qu’est-ce que tu dis ?

Loïc : j’ai cru que la psy avait émis un jugement ?

Jacqueline : Ah non, pas du tout, c’était une question et moi, j’ai dit non, je n’en ai pas le souvenir… j’ai aucun souvenir.

Delphine : un truc que j’ai découvert que je ne dis pas … vous avez la primeur… il y a un truc que j’ai découvert que je ne disais pas, c’est le … et en fait que je devais savoir, mais en fait, je ne suis pas très sûre si je le savais ou pas, si j’avais vraiment conscience ou pas, … mais, c’est d’y être allée, de l’avoir dit à mon père ? J’ai su, je suis doutée depuis longtemps que ça a commencé quand j’étais bébé ? je pouvais pas me barrer, je savais marcher, je ne parlais pas encore… j’ai subi tout ça… en fait, je me rends compte des …inaudible … je l’ai dit à ma psy… c’est que j’y suis allée, quoi ! de moi-même… inaudible…j’avais sept ou huit ans, de dix-huit mois à sept ou huit ans que …j’étais facile, mon père était pédophile aussi… il était aussi un cinglé dangereux, dès fois il était dans la séduction, et d’autres fois, il était juste cinglé, il aboyait en allemand, …inaudible… je sais pas mais je sais que j’y suis allée et que j’ai eu vachement de mal à admettre ça ! à faire avec parce que c’est … compte tenu du traitement auquel j’avais droit, je… c’est difficile de se dire… « qu’est-ce que je suis allée chercher ? » .. . –interventions inaudibles - … oui, je peux rationaliser, raisonner, je sais que … je sais tout ça quoi, mais je vois bien que je il y a un truc que je n’admets pas quand même, que je ne peux pas intérioriser, ne peux pas accepter. Et, l’autre truc que je découvre que je ne dis pas, je n’en ai jamais parlé en fait, c’est les fantasmes érotiques de viol, c’est un peu chiant aussi, ça aussi, c’est un peu persécutant !

Sidonie : le fantasme de viol, c’est un truc érotique pour moi, c’est érotisant, quoi !

Delphine : quand j’entends parler… enfin pas ailleurs… mais c’est toujours les mêmes trucs, c’est rarement que ce soit un mec, dans mon fantasme, ils sont toujours trois… mon père, mon grand-père et ce troisième mec, c’est ça qui me reste… toujours à peu près la même scène, c’est toujours hyper excitant…ça je vois bien … que j’ai jamais dit ça… et… je sais pas pourquoi, je suis inhibée de dire ça quoi ! oui, je me doute un peu, d’abord… la honte… ou difficile en fait de dire : l’inceste et le viol m’ont traumatisée et en même temps un fantasme comme ça trop excitant…c’est difficile ! -tu en as fait des cauchemars ? – oui, c’est ça …

Sidonie : aussi, je te rejoins pas mal… je crois ce qui est le plus… facilement bête, c’est de constater à quel point, je suis collée… c’est être comme empoisonnée, comme injecté dans mon sang quoi ! ça c’est … oui, c’est ça, même en pensée, en imaginaire, c’est pas juste un événement d’un moment donné, … c’est vraiment quelque chose que… je me trimballe aussi, et qui m’habite, qui fait partie de ma sexualité, qui fait partie de ma chair, c’est dur à admettre, c’est difficile de parler de ces chose…En même temps, c’est vrai que , je me dis… sexuellement pas exemple, j’ai des inhibitions, quand on peut arriver à parler de quelque chose comme ça, je ne sais pas avec des partenaires, je crois que c’est vraiment un mieux quoi ! parce que sinon, je crois ...

Delphine : j’ai pas de mal dans la réalité … enfin ça ne se pose pas dans ma vie sexuelle… ça se pose en dehors, dans l’imaginaire … c’est une chance, c’est récent … mes problèmes sont déplacés ailleurs. Je ne comprends pas d’ailleurs pourquoi, le déplacement reste.

Jacqueline : il y a quelque chose qui me vient, là ! est-ce que ça n’a pas rendu service aussi d’être violée ? parce que avec tout …au niveau travail… au point de vue professionnel ? je sais pas, je le cachais bien ! même si c’est des conséquences de l’inceste, ma conduite était telle en travaillant quand je travaillais à l’hôpital. Il y a des choses que je pense que je ne pouvais pas dire, par exemple, quand j’ai passé des Noëls toute seule. Le vingt quatre décembre quand on se quittait, on souhaitait à chacun : joyeux Noël ! j’ai jamais pu dire que j’allais être toute seule, que ma famille allait fêter … voilà, C’est des choses, là, je pouvais pas dire, mais heureusement que je l’ai pas dit, parce que j’aurais été … après en revenant, après les vacances de Noël ou après Noël, j’aurais été mal ! Je pense que c’était utilitaire !

Sidonie : Peut-être qu’il se serait passé quelque chose , que quelqu’un t’aurait dit :ben, viens !

Jacqueline : chacun racontait … ça y est, j’ai acheté tous mes cadeaux de Noël ! c’est prêt voilà, c’est ficelé, voilà !… et tout ! Si ! c’est vrai ! ça protège !

Isabelle : ça expliquerait qu’on parle des choses au fur et à mesure … parce que on est prêt à … cette histoire des fantasmes qu’on ne peut pas dire en société… là , je suis prête à commencer à en parler, j’en ai parlé ici et ça fait plusieurs fois, mais finalement, est-ce que si je n’en ai pas parlé avant ? c’est pas aussi parce que c’était pas possible, il fallait bien que je m’occupe d’autres choses, il fallait bien que j’aurais pas pu être mariée et avoir des enfants, … c’était pas une obligation en soi…si c’était ce que je voulais, je ne pouvais pas le faire ! pour le travail… par exemple, on a parlé de la violence, c’est un peu pareil. Moi, je passais beaucoup de temps à échafauder des meurtres de mon père, alors, c’était vraiment très abstrait, j’imaginais comment et après, je réalisais que c’était pas bien parce que… Moi, je faisais ça pas quand, j’étais gamine, j’étais consciente que c’était moi qui supportais pas, je pourrais peut-être m’en sortir, arriver à tuer mon père sans que personne ne le sache, d’abord cela ne résoudrait pas le problème et qu’en plus, sans doute, moi, je ne le supporterai plus jamais et que je serais rentrés dans quelque chose que j’avais pas encore clairement formulé l’histoire de victime… par contre j’avais vérifié que je deviendrai une coupable …A ce moment-là, j’étais co-coupable, j’étais coupable d’inceste, il fallait que je me taise comme lui… puisque c’était honteux. Et par contre cette histoire de meurtre, jensavais bien que c’était dans mon imaginaire, c’était une construction comme ça …… j’arrivais pas à dormir, ce n’était même plus satisfaisant comme scénario, parce que je réalisais que il n’y avait plus personne … personne ne savait et que tout était fini… je me retrouvais seule avec moi. C’était pas supportable la solitude, la culpabilité et en fait, je réalise que parce que là, ben oui, …. En même temps, je pense que ça c’est pas compatible avec… [échanges inaudibles] … avec le calme, un peu tranquille, enfin aussi, je pense que j’a besoin de ma ménager .. si je parle trop tout le temps, si je balance tout ce qui me fait le plus mal d’un coup, peut-être que ça va être trop… je l’ai fait pour… arriver à gérer d’autres choses…social…

Loïc : c’est bizarre ! je suis en inhibition, je sais pas, j’arrive pas à parler, c’est comme si j’arrivais pas à raconter mon histoire

Delphine : C’est souvent que tu peux pas parler, que tu pas raconter

Loïc : même là je ne suis pas intégré

Delphine : Pourquoi ?

Loïc : je ne suis pas intégré. Si je commence à en parler un peu comme tout le monde, à me lâcher, je ne suis pas habitué ! inaudible…

Jacqueline : tu as l’impression qu’on te dit « tais-toi, qu’est-ce que tu fais là ? qu’est-ce que tu racontes ? »

Loïc : oui, c’est pas rapport à mon passé, a chaque fois que j’ai voulu … quand j’étais petit, j’étais tout de suite violé avec mes sœurs, ça me retombait dessus. C’est bizarre, moi, j’arrive pas à communiquer, même, je ne crois pas trop aux gens, … c’est comme si, je suis concentré sur mon passé et j’ai un besoin absolu de le dire… ça, c’est… et du coup, je parle pas… je ne communique pas, je ne sais pas communiquer,

Delphine : et tes sœurs étaient témoins ?

Loïc : Oui

Delphine : et tu leur en as parlé ?

Loïc : oui, mais elles ne se souviennent pas… moi, j’étais témoin aussi de leur viol, par rapport à l’histoire d’aller vers son agresseur, finalement moi aussi, Une fois mon père il voulait me chercher … donc moi,je me suis un peu planqué,… et donc mes soeurs, et même ma mère et moi, j’y suis allée aussi, j’ai regardé par la porte, je voulais pas rester tout seul,j’avais trop peur, j’avais trop peur tout seul dans ma chambre, c’était juste la chambre à côté, et je sais pas pourquoi, il fallait que j’aille là-bas, et du coup, je me suis fait violé aussi, avec eux. Sinon, une autre fois, je suis allé vers l’agresseur, mais là c’était différent, une fois je suis monté dans ma chambre de ma petite sœur parce que mon père était en train de la violer, et là j’y suis allé, je voulais le virer de là et je ne sais pas pourquoi …[fin de la cassette]…

Delphine , il n’y avait pas de parole possible, il n’y avait que des viols chez vous ?

Loïc : comme ça tels que mes souvenirs ils apparaissent,… moi, j’étais obligé d’aller à l’école… parce qu’il faut aller à l’école quand on est gamin, c’est la loi,… mes profs et mes instits, ils appelaient les gendarmes. Donc les gendarmes étaient à la maison ..

Delphine : Pourquoi les instits, ils ont appelé les gendarmes ?

Loïc : ben parce que …inaudible … ils ont demandé à mon père ce qu’ils nous faisait. Les gendarmes viennent à la maison, ils entendent mon père. Ma mère dit : « bon, il ne se passe rien du tout », … donc mon père il revient à la maison, puis après, il nous viole…ça n’a rien apporté et après …inaudible… à chaque fois que je veux parler … je crois que je vais me faire agresser… je suis habitué, quoi ! c’est obligé...[échanges inaudibles]…ça je sais pas, parce que j’ai commencé à faire des recherches, et …

Delphine : tu es en train de dire qu’à chaque fois, que tu veux parler, on te viole, il est normal que tu aies du mal à parler…

Loïc : en fait, je ne suis pas habitué, moi, je ne comprends pas… tout à l’heure, ça me faisait penser à ça, j’avais peur, en fait, finalement je serais plus à l’aise dans une société où ce serait le bordel complet… tandis que là comme tout est organisé, il ne faut pas se bagarrer pour parler… faudrait que ce soit un gros souk en fait, mais quand tout est bien tout est gentil…je ne dois pas être normal…c’est trop gentil…j’ai du mal… au boulot, c’est trop gentil… et quand tout est normal et que je voudrais m’intégrer, je suis habitué qu’on me foute à la porte…inaudible…

Echanges en vrac : … c’est vrai qu’on se parle normalement … même de choses atroces… on ne s’agresse pas…on est calme…c’est exceptionnel

Isabelle : il y a aussi l’histoire de l’image de soi …on parle pas, parce que on est moche… mon histoire est super-moche, mon histoire quand on va la dire, la personne d’en face qui l’entend, on ne sait pas … inaudible… on ne sait pas ce qu’elle se représente dans une situation d’abus sexuel, on a beau être la victime, la personne pense que c’est un abus sexuel… une famille peu reluisante, une famille pas valorisante, donc, finalement à chaque fois qu’on en parle, on rentre dans le tableau…

Sidonie : la société … c’est rare d’entendre les gens, généralement on dit : mon père, ceci, ma mère, cela … il y a tendance à valoriser la lignée…Je pense que c’est assez mal vu d’aborder quelqu’un, par exemple , dans une relation sociale de dire, ma famille est pourrie, c’est des vrais salauds, ils m’ont jamais aimé… c’est des ordures… ça va refléter sur moi, …

Isabelle : On n’a pas totalement envie, il y a une réticence qui se reproduit, parce qu’on l’a fait une fois… il y a un avant et un après… la première fois que j’ai parlé, comme par hasard, j’étais en pleine dépression nerveuse, je n’arrivais plus à manger, j’étais dans un état de faiblesse qui m’a aidée… finalement j’ai pu parler parce que je n’avais plus d’inhibition…parce que…inaudible… et après, il faut de nouveau repenser …évidemment c’est moins difficile, mais il y a quand même quelque chose et… bon, on sait pas si c’est des images qu’on va renvoyer dans un sens… flatteuses… inaudible… franchement moches… quoi, il y a des jours, on n’a pas envie quoi ! de balancer ça parce que … je suis faible aussi !

Delphine :… et faible , aussi, je trouve, Je peux pas m’empêcher, pourtant, nana, t’es petit… n’empêche , l’autre, j’ai l’impression, que je suis moche d’être regardée et faible aussi…je pense toujours que je manque de courage… [échanges inaudibles]… j’ai jamais assez de courage…

Fragments de conversation : … quitte à paraître comme ça, c’est humiliant !... on voudrait donner une image qui soit plutôt flatteuse… Par exemple, quand tu disais que tu aimes mieux le souk… mais je vois tu es quand même habillé, … pas débraillé…tu es bien habillé… Je ne me laisse pas la liberté …

Loïc : je crois que si je faisais ça, on me virerait encore plus, tu vois !

Jacqueline : En fait, j’ai l’impression que je n’ai pas le courage, … c’est pas que j’ai pas le courage… je me dis je suis malade, … je me suis sentie comme une malade, d’être la première exclue … et je me dis que m’exclus encore,… donc…je suis malade…de ce qui s’est passé avant et…je me suis soignée et je ne suis pas guérie.

Delphine : donc l’inhibition, c’est un symptôme de la maladie ? tu veux dire ?

Jacqueline : Oui, même si parfois, volontairement, je me tais, parce que … inaudible…

Delphine : cette notion-là, c’est un méfait de la maladie, une trace…

Jacqueline : mais pas le manque de courage ! je ne trouve pas que je manque de courage !

Mireille : moi, je le ressens comme ça… j’ai un peu la flemme… c’est comme ça que je le vis…mais bon, vu de l’extérieur, ? Une autre façon de le vivre, c’est que moi, je me suis … je ne me sentais pas normale…je sais pas…Je ne suis pas normale… ça a toujours été quelque chose … j’ai voulu à un moment travailler sur la normalité et j’étais professeur de sciences naturelles et donc le mot normal apparaissait dans les livres de classe… j’ai fait un DEA dans le cadre de l’éducation à la santé…et donc, j’avais mis en place cette normalité … « le concept de normalité peut-il aider une éducation à la santé ? « et après, j’aurais souhaité faire une thèse et là, j’ai pas pu le faire parce que c’était les concepts autour de … normalité, normativité…et après quand j’en ai parlé à ma psy, elle m’a dit, vous ne le pouviez pas travailler parce que c’était trop vous ! et donc j’ai pas pu aboutir et je suis en échec ! bon tout est relatif … mais vraiment… et j’avais pris un sujet trop proche de moi… donc c’est la normalité, … inaudible… on ne peut pas dire qu’on n’est pas normal…enfin, toi tu dis , je suis malade, …

Jacqueline : oui, c’est ce que j’ai entendu dans ma famille : « tu n’es pas normale…tu es spéciale, …tu n’es pas comme les autres »… échanges inaudibles … je l’ai cru, mais je le crois encore. C’est bien intériorisé.

Delphine : en fait il est cinq heures dix, je n’avais pas regardé l’heure et donc … on va dire un dernier mot si on veut et on va terminer.

Loïc : je veux rebondir, sur le regard de l’autre, la façon dont on se voit dans l’autre… Moi en fait, à la limite, je suggérais à l’autre qu’il m’accepte, surtout une fille, qu’elle m’accepte…tellement je me sens minable, … je suggérais qu’elle veuille bien…tellement je me sens en manque d’affection…

Mireille : je peux ajouter juste quelque chose avant qu’on se sépare … ce que je dis et que je n’y pensais pas…je dis ça à mon mari très très souvent, je dis : « je suis mauvaise, je suis mauvaise » et il me dit : « arrête de dire ça… arrête de dire ça » et je le dis encore … ben je sais pas pour c’est vraiment un truc qui me colle à la peau : je suis mauvaise, je suis mauvaise…

Florence : Pourquoi, je ne parle pas…inaudible …je ne raconte pas en détail pourquoi et c’est un peu comme si les choses tournaient en rond , c’est-à-dire que j’ai l’impression que si je parlais trop, il arrive un moment si je vais trop loin, … je vais tout découvrir … de moi, je vais me découvrir, me dévoiler, et ce qu’on va finir par voir au fond, c’est quelqu’un de … moche, pas intéressant, et qui en fait, la personne que je pensais être quand j’avais honte, parce que mon père avait des relations avec moi. Là où je pense que c’est faux, c’est qu’en fait, je me rends compte à chaque fois, que réellement, je m’éloigne à cette période-là , il y a quelque chose de vrai, c’est qu’à chaque fois, que je parle, tout est loin derrière moi, … et par contre l’inhibition, elle se fait quand même à chaque fois comme si c’était pas, j’allais pas dévoiler la situation, mais j’allais me dévoiler moi et dévoiler la partie de moi, la moins attrayante de ma personne.

Delphine : C’est ton imaginaire et après dans le réel…quand tu parles, quand tu dévoiles.

Florence : Il y a un pas à franchir, mais j’ai beau le savoir, puis je l’oublie instinctivement en classe. Je vais montrer le côté le plus…Je voudrais ajouter une petite chose : la sexualité est quelque chose d’un peu tordu, mal foutu, et ma vie, la perception que j’ai de moi et la perception que j’ai eu par rapport à ça, dévoiler cette image-là, c’est moche et par contre la réalité paraît, c’est qu’à chaque fois que je parle, au fond … une espèce de larve de derrière. Voilà. Il faut, à chaque fois, quand je dis à chaque fois, c’est vraiment à chaque fois, … il faut que je refranchisse ce mur imaginaire qui est : je vais dévoiler tout ! c’est tellement moche qu’une fois que je l’ai dit, c’est dit. Il y a du moche derrière et il y a ce que j’ai construit, par ma parole. Je ne peux le sentir que quand je l’ai fait. Avant, c’est toujours, aussi dur !.

Sidonie : non, moi, j’ai envie de dire que il y a quand même eu une évolution , j’imagine, parce que je me sens plus du tout moche par rapport à ce qui m’est arrivé et ni coupable… rien de tout ça , c’est plus autre chose que … moi, j’ai envie de dire, j’ai envie de faire tourner une espèce d’inhibition qui se manifeste comme une sorte de tricherie, la tricherie étant que j’ai toujours voulu paraître plus costaude que je le suis. Mais bon, c’est bien, mais quand même, j’aimerais bien arriver à faire paraître un peu plus qui je suis réellement, plutôt que de donner une façade …ça va ! parce que c’est con, au final, c’est plutôt cette inhibition-là que je voudrais arriver à faire tomber davantage. Sinon, c’est vrai qu’il y a beaucoup de la honte que j’avais avant qui est quand même tombée… c’est assez récent en fait, je dirais de l’été dernier, je suis descendue dans l’ouest où ma mère habite et j’ai vraiment parlé à un max de gens, des gens qui la côtoie, des médecins, des assistantes sociales… j’ai vraiment parlé à des personnes de ma famille et moi, ça m’a fait beaucoup de bien, parle dans ce que j’appelle la vraie vie, avec des vrais gens, pas dans le cadre d’une thérapie, ça a changé quelque chose dans la façon dont je me sens.. Je me sens plus fière, plus combative et .. inaudible

Jacqueline : non, moi, je ne me sens pas plus combative, je crois que c’est mon âge… je suis malade, je ne crois pas qu’il y ait d’évolution possible …je vis avec des lectures, de la couture … et puis je finirai ma vie comme ça. J’ai mal au dos… je suis comme à un point de non-retour…

Stéphanie : je ne suis pas à un point de non-retour car j’étais déjà combative et je le suis encore plus ! ça m’a donné une force intérieure !

Delphine : Merci beaucoup ! de ces moments !



 
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     Mise à jour : Jeu, 11-Déc-2008