"Tout sur ma mère"
                         - atelier du 10 juin 
                            2006 
                          1 : Préambule et fonctionnement d'atelier 
                            2 
                              : Quels rôles et quelles attitudes ont été 
                              ceux ce ma mère durant la période de 
                              l'inceste ? 
                              3 : Dans 
                                le cas du dévoilement et de la reconnaissance 
                                de l'inceste, quel est ou a été l'attitude 
                                de la mère ? 
                                4 : Face à 
                                  l'évolution de mon ressenti, quelles sont mes 
                                    attentes par rapport à ma mère ? 
                          1 : Préambule et fonctionnement d'atelier 
                          Fonctionnement 
                              de l'atelier le 10 juin 2006 
                           Le psychologue : Comme à chaque 
                            début d'atelier, je vous relis le document 
                            sur la logique du fonctionnement des ateliers. 
                           1. La logique des ateliers  
                            Les ateliers sont une opportunité pour les 
                            acteurs victimes d'inceste et leur entourage impacté 
                            par les pratiques incestueuses de partager une parole 
                            sur leur expérience dans un contexte d'écoute 
                            libéré de toutes contraintes morales. 
                           2. La périodicité des ateliers 
                            Les ateliers sont proposés sur une périodicité 
                            trimestrielle avec une proposition thématique. 
                            La durée de deux heures trente doit permettre 
                            la participation active au niveau de la parole comme 
                            de l'écoute de l'ensemble des acteurs. 
                           3. L'utilité des acteurs 
                            Il s'agit de l'accueil non restrictif de l'ensemble 
                            des paroles des victimes de pratiques d'inceste dans 
                            leur dimension de connaissance psychologique et émotionnelle, 
                            sociale et socioprofessionnelle. La parole ainsi que 
                            les silences sont offerts aux acteurs sur la base 
                            de leur désir avec une régulation du 
                            temps liée au nombre de participants et au 
                            thème de l'atelier.  
                            L'ensemble du discours pendant les ateliers est enregistré 
                            afin d'en permettre une retranscription fidèle 
                            qui permettra la réalisation de synthèses 
                            thématiques. 
                           4. La synthèse de la parole 
                            Dans un premier temps, ces synthèses ont pour 
                            objectif pour chaque membre de l'atelier, de pouvoir, 
                            s'il le souhaite, lui permettre de retrouver sa parole, 
                            de garder sa parole, de trouver, peut-être une 
                            nouvelle manière, par une nouvelle écoute, 
                            la parole de l'autre, de positionner sa parole et 
                            son expérience au sein de la parole des autres. 
                            Dans un deuxième temps, elles ont aussi pour 
                            objectif de permettre une lecture plus large, mais 
                            aussi plus complète des connaissances, expériences 
                            ressenties par l'ensemble des acteurs concernés 
                            par la problématique des conduites incestueuses. 
                            Il s'agit de communiquer l'expertise et sur l'expertise 
                            du discours non programmé des acteurs victimes. 
                            Dans un troisième temps, elles permettront 
                            dans le cadre d'une démarche scientifique au 
                            plus proche de la parole des acteurs, une analyse 
                            du discours sur le vécu des victimes en vue 
                            de publication. 
                                   
                            Je tiens à préciser aux gens qui sont 
                            là pour la première fois, que bien évidemment 
                            au moment de la retranscription, toute donnée 
                            personnelle est « anonymisée, 
                            c'est-à-dire qu'on change les noms, les lieux, 
                            les dates de manière qu'on puisse vraiment 
                            retrouver sa parole et, pour les gens qui m'ont contacté, 
                            de ne pas permettre de remettre une personne sur un 
                            discours, chacun restant propriétaire de sa 
                            parole dans le discours commun.  
                            Je suis là, en ce qui me concerne pour réguler 
                            le temps de parole accordé à chaque 
                            sous-thème et éventuellement intervenir 
                            comme médiation dans le cas où la parole 
                            des acteurs aurait trop tendance à s'éloigner 
                            de la thématique choisie. 
                           Dernier élément : il est important qu'on 
                            puisse rebondir sur la parole de l'autre, de s'interpeller 
                            mutuellement. Par contre, je demande aux gens qui 
                            ont envie d'intervenir sur la parole de l'autre acteur 
                            de laisser le premier acteur terminer sa phrase et 
                            sa pensée, puisque le fait de répondre 
                            à un autre acteur amène parfois l'acteur 
                            à ne pas être complètement dans 
                            l'émission de son discours. 
                                   
                            Le thème de cet atelier était : « Tout sur ma mère » Les trois sous-thèmes 
                            que nous allons aborder sont : pour le premier: « Quels rôles et quelles attitude pour la mère 
                              pendant la période de l'inceste ?» 
                            ; le deuxième : « Dans le cas du dévoilement 
                              et de la reconnaissance de l'inceste, quelle est ou 
                              a été l'attitude de la mère ? » ; et pour le troisième sous-thème 
                            : « Face à l'évolution de mon 
                              ressenti, quelles sont mes attentes face à 
                            ma mère ? ». 
                                                       
                            Je vous propose qu'on commence par le premier sous-thème 
                            :  
                           2 : Quels 
                            rôles et quelles attitudes ont été 
                            ceux ce ma mère durant la période de 
                            l'inceste ? 
                           Mireille : J'ai envie de dire que 
                            je suis venue à cet atelier, mais j'ai envie 
                            de dire que je n'ai rien à dire, en ce sens 
                            que, en principe ma mère n'en n'a jamais rien 
                            su, je n'en ai jamais parlé, donc cela a été 
                            toujours black-out et finalement, je n'ai jamais pu 
                            en parler. Et après, sur l'échec, j'ai 
                            commencé des démarches personnelles. 
                            A priori, je n'ai rien à dire. Cependant, j'ai 
                            une soeur qui a seize ans de plus que moi, étant 
                            donné que l'inceste, c'était par le 
                            mari de ma soeur qui venait juste de se marier, je 
                            peux transposer par rapport à ma soeur et là 
                            je prends conscience avec ma soeur, c'est un peu un 
                            substitut de mère, donc je transpose sur ma 
                            soeur. Sur ma mère, je me suis interrogée, 
                            comment elle a pu ne se rendre compte de rien, on 
                            doit bien voire que chez une petite fille, il y a 
                            quelque chose qui ne va pas bien, quand même, 
                            et tout ça s'est passé. Je n'ai aucun 
                            souvenir de ça. Et après, c'est ma soeur 
                            qui remplace d'une certaine façon, à 
                            qui je fais jouer ce rôle. Voilà pour 
                            situer... c'est vrai que je regrette beaucoup d'avoir 
                            rien à dire. Je n'ai que des maux. 
                                   
                                  Nicole : Je voudrais rebondir, je 
                            suis un petit peu dans le même cas que toi, 
                            puisque ma mère est décédée, 
                            mais j'ai quand même pu le lui dire et elle 
                            n'était pas là au moment des faits... 
                            Je les ai dévoilés que vingt ou trente 
                            ans après. J'ai quelques éléments, 
                            mais peu. Ce qui m'intéresse beaucoup dans 
                            ce que tu dis, parce que je me sens beaucoup concernée 
                            là-dedans, c'est le transfert que tu as fait 
                            de ce que tu n'as pas pu dire à ta mère 
                            et le transfert sur ta soeur. Moi, j'ai l'impression, 
                            je suis sûre, moi je fais beaucoup de transferts 
                            dans mon histoire puisque mon violeur est mort, puisque 
                            ma mère est morte et qu'il reste encore un 
                            survivant, mon soi-disant père, sur le lequel 
                            je fais le transfert de la totalité.  
                                   
                                  Delphine : Quand tu dis..., je peux te poser 
                            une question ?  
                           Mireille : Oui. 
                           Delphine : Quand tu dis que tu n'en avais jamais 
                            parlé, tu ne te souviens pas du tout ? Quand 
                            tu dis, elle a rien, elle aurait dû voir, Tu 
                            te souviens pas, ce qu'elle faisait pendant ce temps-là, 
                            où elle était... 
                           Mireille : Je sais qu'elle était absente 
                            de la maison ce jour-là, je me souviens d'un 
                            jour, mais j'ai occulté beaucoup, des choses 
                            qui me sont revenues par bribes, mais je ne suis pas 
                            capable de reconstituer l'histoire réelle, 
                            ce jour-là, si je pense à la scène 
                            cruciale, je vais dire cela comme ça, elle 
                            n'était pas là, elle s'était 
                            absentée, parce qu'elle faisait des ménages, 
                            elle lavait la lessive, elle était ailleurs, 
                            non elle n'était pas là. 
                           Delphine : C'est tout ce que tu sais ? 
                           Monique : Oui, c'est ça. 
                             
                              Irène : En ce qui me concerne, j'ai 
                            une perception différente du rôle de 
                            ma mère à l'époque, enfin j'ai 
                            eu une perception différente jusqu'au moment 
                            où j'en ai parlé, puisque j'en ai parlé 
                            d'où ça m'a un petit peu... Al'époque, 
                            j'avais l'impression que ma mère était... 
                            Elle n'a jamais rien dit qui laisse entendre qu'elle 
                            était au courant. J'étais persuadée 
                            qu'elle était au courant de façon, je 
                            dirais, confuse, et qu'elle était quand même 
                            au courant de choses précises, qu'elle savait 
                            qu'il se passait quelque chose, en décalé, 
                            je croyais qu'elle était au courant, un peu 
                            après, des relations de mon père avec 
                            moi et un peu après mais pas pendant, en décalé... 
                            Et que petit à petit ce qui se passait chez 
                            nous faisait qu'elle se rendait compte et qu'elle 
                            refusait de le voir. Je pense que j'étais assez 
                            grande pour penser ce genre de choses, car c'est assez 
                            complexe de penser qu'elle était au courant 
                            et qu'elle refusait de le voir. Et j'ai été, 
                            en fait le moment où j'ai fixé une idée 
                            sur ce que ma mère savait, j'avais à 
                            peu près dix-huit ans. Il y a eu une scène 
                            avec mon père, une brouille, et elle m'a dit 
                            à propos de ça : tu ne dois pas raconter 
                            à d'autres des choses qui ne les regardent 
                            pas. Je me suis dit, si elle m'a dit ça, c'est 
                            clairement, d'autres en parlent, sur des faits exacts, 
                            on sait pas mais c'est la même chose et puis, 
                            ce qui m'a encore plus confirmé l'idée 
                            de ce rôle qu'elle avait, de cette place par 
                            rapport à ça, c'est qu'après 
                            elle a enchaîné sur l'idée que 
                            son père l'avait toujours aimé, elle, 
                            mais peut-être trop, mais que il y avait quand 
                            même... Je ne sais pas, quelque chose assez 
                            confus de ce genre, et donc ça a été 
                            clair pour moi, donc elle a vécu sûrement 
                            quelque chose de semblable, c'est pour ça qu'elle 
                            ne peut pas s'en mêler et depuis elle m'a dit 
                            que ce n'est pas du tout ce qu'elle avait voulu me 
                            dire. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas voulu me dire 
                            qu'elle était au courant, elle n'a pas voulu 
                            me dire que son père avait abusé d'elle, 
                            elle avait voulu dire qu'il y avait une relation fusionnelle 
                            trop forte et que donc quand elle m'avait parlé 
                            comme ça, elle pensait que c'était ça 
                            que j'avais compris. Donc du coup, je me suis construit 
                            jusqu'à il y a cinq ou six ans, l'idée 
                            qu'elle était au courant et qu'elle avait des 
                            raisons assez claires pour moi pour ne pas s'en mêler 
                            plus que ça parce qu'elle n'était pas 
                            en mesure de rentrer dans ce genre d'histoire. Mais 
                            par contre j'ai des souvenirs très clairs de 
                            sa présence physique dans la maison, pendant 
                            des années, avec la sensation en particulier, 
                            qu'elle ne voulait pas pénétrer dans 
                            certaines pièces dans la maison à certains 
                            moments. Donc ce n'est pas qu'elle était pas 
                            là, elle était au foyer, mais comme 
                            par hasard, elle n'était jamais là... 
                            En particulier dans la chambre à l'étage. 
                            Elle n'était jamais à cet étage 
                            quand mon père y était, pendant la journée 
                            entière, alors que même à l'époque 
                            je la trouvais assez intrusive, en particulier dans 
                            ma chambre, à voir ce qu'on faisait derrière 
                            la porte fermée. Mais par contre il se trouve 
                            que mon père passait des heures dans cette 
                            chambre-là, elle n'est jamais montée, 
                            elle ne l'a jamais appelé, donc je ne sais 
                            pas ce qu'elle faisait. Je me pose toujours la question, 
                            je ne sais pas ce qu'elle faisait pendant tout ce 
                            temps-là. Elle s'occupait de la maison, du 
                            jardin, elle avait toujours quelque chose à 
                            faire mais elle était dans la maison, Pour 
                            moi, il est clair qu'elle ne pouvait pas ne pas être 
                            au courant, la façon dont elle l'accepte ou 
                            non, ça la regarde. Il y a quelque chose qui 
                            se passait à la maison en même temps 
                            qu'elle était là. Puis, voilà, 
                            elle savait ! 
                             
                            Marianne : Moi, je ne suis pas très 
                            sûre de ce qui se passe, parce qu'en fait pour 
                            ma mère, comme je n'en ai pas parlé, 
                            que c'est des faits qui se sont passés quand 
                            j'étais vraiment petite autour des deux ans 
                            et demi je sens sa présence, c'est comme si 
                            ma mère ne savait pas quand même, je 
                            sens plutôt qu'elle ne sait pas, mais quand 
                            même elle se doute de quelque chose aujourd'hui. 
                            A l'époque, elle ne pouvait pas faire le lien, 
                            je pense, comme elle a aussi vécu des agressions 
                            par son père qu'elle n'a pas encore conscientisées 
                            aujourd'hui, mais... Mais quand même certaines 
                            choses qui se disent dans la famille, des remarques, 
                            plein de choses m'amènent à croire qu'il 
                            y a un problème dans cette famille, entre ce 
                            père et ses filles, donc mon grand-père 
                            et ses filles et dans ma tête, puisque tout 
                            ça se passe dans ma tête, finalement, 
                            et que j'en ai parlé à personne, je 
                            pense qu'elle ne pouvait pas vraiment croire que ça 
                            arrive quelque part... Voilà, je ne peux pas 
                            dire beaucoup de choses, comme moi-même, j'ai 
                            raconté ça assez récemment aussi. 
                            Mais je pense inconsciemment, elle se doute aujourd'hui 
                            de quelque chose ; à l'époque, je pense 
                            vraiment que non. 
                             
                            Delphine : Est-ce que tu veux dire que tu te 
                            souviens ? Tes souvenirs à toi relatifs à 
                            ce qui s'est passé ? 
                           Nancy : je me dis que j'aurais peut-être 
                            un petit bout avant, un petit bout après, un 
                            souvenir un peu plus global. 
                             
                            Lise : Tout ce que je vais dire du rôle 
                            et de l'attitude de ma mère avant et pendant, 
                            c'est des conclusions que j'ai eues parce que j'ai 
                            fait un travail avec (inaudible). Je dois dire que 
                            ce n'est pas pendant que j'ai pensé à 
                            l'absence ou à la présence de ma mère. 
                            Donc, il faut que je rappelle le contexte familial, 
                            je l'ai déjà dit. On habitait dans un 
                            taudis, on était dix enfants, un père 
                            alcoolique, pas d'argent, la misère et un jardin 
                            parce que ça a compté et un puits au 
                            fond du jardin car il n'y avait pas l'eau courante, 
                            ni l'électricité. Donc le souvenir de 
                            ma mère pendant ce temps-là, c'est une 
                            femme besogneuse, travailleuse, qui n'avait qu'un 
                            souci en tête, faire à manger avec pas 
                            d'argent, aller chercher l'eau du puits, faire des 
                            lessives dehors, dans le jardin, parce qu'il n'y avait 
                            pas non plus d'abri. Hiver comme été, 
                            j'ai le souvenir de ma mère pendant cette période, 
                            c'est une femme qui travaille et qui fait le maximum 
                            pour ses enfants et qui subit un mari qui fait des 
                            scènes violentes avec les enfants et tout. 
                            Donc ma mère n'a pas pu voir et par ailleurs 
                            comme elle venait... Elle est étrangère, 
                            elle a perdu son père à huit ans, tout 
                            ça c'est des conclusions d'un travail. C'est 
                            clair pour moi, elle était aussi très 
                            déprimée, déjà... Elle 
                            était venue pendant la guerre de 14, elle était 
                            venue pour travailler parce que la France demandait 
                            de la main-d'oeuvre étrangère. Donc 
                            il y avait la coupure avec son pays, des questions 
                            familiales déjà chez elle, dans son 
                            pays et en France, la misère. Je crois que 
                            son souci, c'était vraiment les enfants et 
                            à manger. 
                             
                            Nicole : Je voudrais dire sur ce que je viens 
                            d'entendre, il y a la mère avant et la mère 
                            pendant. Sur le pendant, je n'ai rien à dire 
                            puisque je n'étais pas chez mes parents, ce 
                            qui arrivait très très souvent depuis 
                            l'âge de trois ans. J'ai continuellement été 
                            chez les uns et chez les autres, chez mes grands-parents, 
                            je n'ai pratiquement pas de souvenirs. Lorsque je 
                            suis revenue chez mes parents vers cinq ou six ans, 
                            je les avais oubliés, je ne le les connaissais 
                            pas, j'ai même appelé ma mère 
                            Madame. Le pendant, j'avais sept ans, c'était 
                            des vacances, où on m'avait envoyée 
                            chez ma tante, ma mère n'était pas là. 
                            Mais le avant a beaucoup compté puisque j'ai 
                            l'impression que je n'ai fait que payer pour elle 
                            tout le temps, le avant de l'histoire de ma mère 
                            que je connais bien, elle était une jeune fille 
                            difficile, son père ne savait pas quoi en faire. 
                            Il a pu la placer comme bonne chez des bourgeois, 
                            elle est arrivée à s'en échapper 
                            en devenant plus ou moins coiffeuse. Mais Paix à 
                            son âme, elle est morte, elle était malhabile 
                            en tout, elle savait pas plus servir que coiffer, 
                            mais c'était,... qu'on pourrait appeler maintenant 
                            de ces jeunes filles... un peu décalées, 
                            fofolles, qui court les garçons qui ne voient 
                            que ça, qui sont à la recherche de leur 
                            beauté, de leur esthétique donc coiffeuse, 
                            c'était très bien,mais le premier boulot 
                            qu'elle a trouvé, c'était dans un trou 
                            complet et dans ce trou complet, elle a rencontré 
                            mon père. Mais entre temps, elle avait une 
                            soeur qui elle avait réussi, elle était 
                            institutrice, qui s'était mariée et 
                            ma mère était en admiration devant elle 
                            et comme sa mère était morte, elle avait 
                            reporté sur cette soeur et quand le beau-frère 
                            est arrivé, elle a fait fusion avec le beau-frère 
                            comme avec la soeur et à mon avis, je pense 
                            que ça a dû très vite se passer. 
                            Ma mère était une fille libre, on l'appelait 
                            "la rapide" dans le village dès qu'il 
                            devait y avoir un homme quelque part. Elle montait 
                            sur les motos, elle avait une soif de vivre, certainement 
                            et comme sa soeur était très tristounette, 
                            très responsable, bon ben, ça a dû 
                            très vite se passer entre eux, et je pense 
                            qu'elle a dû connaître mon père 
                            à peu près en même temps et je 
                            suis à peu près sûre, que ma mère 
                            n'a jamais su de qui étaient ses enfants. Je 
                            pense que quand mon frère est né, enfin 
                            quand elle s'est retrouvée enceinte de mon 
                            frère, je pense qu'elle n'était pas 
                            capable de savoir si c'était de celui quelle 
                            a épousé ou si c'était de l'autre. 
                            Donc il y en a un qui pouvait l'épouser, pas 
                            l'autre, donc il l'a fait, mais elle a dû continuer 
                            ses relations avec son beau-frère parce que 
                            je trouve que nos naissances, à mon frère 
                            et moi, correspondent, neuf mois après, absolument 
                            à des périodes de vacances. Et comme 
                            il y avait toujours à ce moment-là, 
                            elles avaient une maison, les deux soeurs, donc elles 
                            se retrouvaient dans cette maison qu'elles avaient 
                            héritée de leur mère et tout 
                            était mélangé, au point même 
                            que j'ai retrouvé récemment une photo 
                            de ma mère déguisée dans le costume 
                            de son beau-frère qui était militaire. 
                            J'ai la photo, je savais que ma mère adorait 
                            se déguiser, mais ce costume-là, il 
                            était quand même lourd, car c'est celui 
                            de mon violeur et j'ai retourné la photo, j'ai 
                            vu la date, c'était trois semaines après 
                            ma naissance. Je venais de naître et elle se 
                            déguisait dans le costume de mon violeur dans 
                            leur petite maison de campagne où ils s'étaient... 
                            Mon père n'était pas là. Il y 
                            a eu toute une histoire parallèle qui a continué 
                            dans laquelle mon père est devenu fou furieux 
                            quand il a compris qu'il n'était peut-être 
                            pas mon père du tout, où il était 
                            pris pour un con tout le temps. Donc moi, il ne m'a 
                            jamais adressé la parole et quand mon violeur 
                            m'a violée, il m'a quand même dit : « 
                            tu n'es qu'une petite putain comme ta mère 
                            ». Donc j'ai vraiment l'impression d'avoir été 
                            préparée et on m'a confiée à 
                            lui pour me faire traverser la France et m'emmener 
                            dans un trou perdu où il a passé une 
                            nuit avec moi et il a repris le train et il est reparti, 
                            ni vu ni connu. Mais on m'a quand même remis 
                            entre les mains de cet homme qui était le dieu 
                            sacré, le meilleur, le plus beau... J'ai l'impression 
                            que j'ai été préparée 
                            pour ça, mais inconsciemment, quand elle l'a 
                            su, elle a été outrée que j'ai 
                            pu prendre sa place, je crois que c'est à ce 
                            niveau-là, j'ai été préparée, 
                            il y a eu un avant, pour moi.  
                             
                            Irène : Je voudrais rebondir sur l'histoire 
                            de Nicole. Moi aussi, j'ai beaucoup de mal à 
                            distinguer ce que j'ai construit comme explication 
                            et ce que je ressentais à l'époque... 
                            C'est maintenant beaucoup plus clair, parce qu'avant, 
                            c'était beaucoup plus confus, mais j'ai beaucoup 
                            réfléchi sur l'avant, mais je garde 
                            des perceptions. Mais c'est quand même très 
                            flou parce qu'il n'y a pas d'avant, il n'y a pas eu 
                            de viol, il y a eu des attouchements qui ont progressé 
                            vers des relations sexuelles jusqu'à mon adolescence, 
                            mais je suis incapable de me rappeler quand... j''ai 
                            pu qualifier ça d'inceste... C'est en réfléchissant 
                            que j'ai réalisé... Dans mon esprit 
                            pendant longtemps, il y avait eu quelque chose quand 
                            j'avais quinze ans, environ, c'est après que 
                            j'ai réalisé qu'un certain nombre de 
                            gestes étaient ou... Inaudible... Et donc à 
                            cette époque-là l'attitude de ma mère, 
                            seule cette absence, elle est là dans la maison, 
                            mais pas là. A l'époque, je ne me disais 
                            pas : mais qu'est-ce qu'elle fait ? C'était 
                            comme ça. C'était mon père qui 
                            s'occupait régulièrement de ma toilette 
                            intime quand j'étais petite fille et donc là, 
                            je ne sais pas pourquoi, ma mère ne s'en occupait 
                            pas, puisqu'elle était à la maison. 
                            Je sais qu'elle s'occupait de moi pour les soins de 
                            petite fille, de me laver, à certains moments. 
                            Mais quand c'était mon père qui le faisait, 
                            elle n'était pas là. J'avais un petit 
                            frère, elle s'en occupait peut-être aussi. 
                            Toute cette sensation d'absence jusqu'à très 
                            tard. Présente dans la maison, mais absente 
                            près de moi sans que, à l'époque, 
                            je me pose de questions particulières. Il est 
                            évident qu'elle disparaissait. Et sur son attitude 
                            avant ? Il y eu des choses très nettes que 
                            j'ai ressenties. J'ai retrouvé mon journal 
                            intime. J'ai noté très peu de choses 
                            parce que j'arrivais pas à tenir un journal 
                            intime... Ce que j'avais à dire sur la période 
                            juste avant la puberté, j'avais une douzaine 
                            d'années où j'ai senti que ma mère... 
                            J'avais nettement l'impression, à la fois j'avais 
                            l'impression qu'il y avait des problèmes entre 
                            mes parents, des problèmes de couple, en particulier 
                            liés à la sexualité de l'un ou 
                            de l'autre. Maintenant, je sais plus de choses la-dessus, 
                            mais à l'époque mon père faisait 
                            des remarques sur le fait que ma mère n'avait 
                            plus la même..., qu'elle n'était plus 
                            sexy, qu'elle se laissait aller en gros. De la part 
                            de ma mère beaucoup de..., inaudible..., de 
                            colères la-dessus..., inaudible..., et petit 
                            à petit, cela s'est déplacé sur 
                            moi, il est clair que plus je devenais une jeune fille, 
                            plus ma mère était agressive avec moi, 
                            sur ce domaine-là, beaucoup de remarques sur 
                            le fait que je m'asseyais les jambes écartées 
                            sur les fauteuils, quelque chose comme ça et 
                            que..,. ce que je cherchais... Il y avait plein de 
                            remarques comme ça qui me choquaient énormément.,, qui me mettaient très mal à l'aise, 
                            j'avais toujours l'impression que j'étais appelée..., 
                            la barbe ! Des coups de fil à propos de la 
                            pédophilie, que j'étais pas d'une famille 
                            propre et en même temps l'idée que j'avais 
                            une attitude trop sexualisée, alors que... 
                            inaudible... Clairement j'entendais que je ne me réalisais 
                            pas comme une petite fille de mon âge, toujours 
                            j'essayais d'attirer le regard masculin, je ne sais 
                            pas lequel, celui de mon père ? Que petit à 
                            petit, plus j'entrais dans l'adolescence, plus cette 
                            agressivité et cet éloignement se sentaient, 
                            ce qui fait que quand j'avais quatorze quinze ans, 
                            ça me paraissait pas très bizarre qu'elle 
                            ne soit pas là parce que de toute façon 
                            elle était..., on avait de mauvais rapports, 
                            elle était très agressive avec moi, 
                            elle donnait l'impression d'être très 
                            agacée, il y avait plein choses chez moi qui 
                            lui déplaisaient beaucoup. En fait, je prenais 
                            sa place, quoi, mon père avait bien la même 
                            impression. Il mettait clairement en relation le fait 
                            qu'il n'était pas tout à fait satisfait 
                            avec sa femme et que voilà... Il y a eu des 
                            phrases : il disait que je rendais service à 
                            la famille parce que sinon, il aurait pris une maîtresse, 
                            il ne serait plus avec elle. 
                           Delphine : Donc là, il ne la trompait 
                            pas ?  
                           Irène : Ca, je l'ai dit récemment 
                            à ma mère qui a considéré 
                            que là pour moi, c'est la chose qu'il a fait..., 
                            inaudible... Al'époque, je ne me suis même 
                            pas posé la question, « si tu veux prends 
                            une maîtresse !, ça a été 
                            dit comme : à la fois, tu rends service et 
                            tu fais tenir tout le monde, moi le couple et aussi 
                            cette idée que je prenais la place. Et en fait, 
                            je te donne le statut de maîtresse, il y avait 
                            toujours un côté soi-disant, je te donne 
                            quelque chose, un statut de maîtresse..., inaudible... 
                            Il n'y avait pas du tout de sa part l'idée 
                            qu'il me faisait du mal, c'était au contraire, 
                            il fallait que j'accepte ça comme une sorte... 
                            Je n'avais pas le choix. Et là, la place de 
                            ma mère devient dans ma tête très 
                            fantomatique. Je réalise toute une manipulation 
                            psychologique, toute une logique familiale autour 
                            de ça et je réalise que j'avais l'impression 
                            que c'était normal. Quand par contre on était 
                            tous ensemble, quand j'étais avec elle, ça 
                            se passait soit par peu de paroles entre nous, soit 
                            des paroles assez agressives. Au début, l'idée 
                            c'était que..., tu es gentille avec moi, tu 
                            es ma préférée..., inaudible... 
                            J'avais pas pris conscience que c'était passé 
                            dans le domaine sexuel... Je me disais qu'à 
                            quinze ans, j'étais assez grande pour savoir 
                            de quoi il s'agissait. Mais avant, c'était 
                            l'idée que ma mère ne m'aimait pas, 
                            elle préférait mon frère, Il 
                            y avait un garçon et une fille, ma mère 
                            préférait son fils et mon père 
                            préférait sa fille..., C'était 
                            une évidence... J'avais l'âge, j'étais 
                            belle, victime d'agressivité de la part de 
                            mon père, l'objet par rapport au fait que je 
                            devenais une jeune fille, donc quelqu'un qui avait 
                            une vie sexuelle et objet total de cet aspect-là 
                            de ma personne, et de reproches. 
                             
                            Béatrice : Par rapport à ce que 
                            j'ai entendu, l'absence de dialogue avec ta mère 
                            est effectivement très présent. Je suis 
                            la dernière de trois enfants, deux grands frères, 
                            dont mon abuseur, et je suis la surprise, je n'étais 
                            pas trop attendue au niveau de ma naissance. Mon père 
                            est parti très rapidement après que 
                            je sois née, donc elle a assumé beaucoup. 
                            D'un côté, je suis partagée, parce 
                            qu'elle a beaucoup assumé au point de vue confort 
                            matériel, c'est-à-dire qu'elle s'est 
                            débrouillée pour qu'on ait à 
                            manger, des vacances, des vêtements, mais d'un 
                            point de vue affectif, il est évident qu'elle 
                            préférait mes frères et j'étais 
                            souvent la cible d'agressions par rapport à 
                            me rabaisser, à me faire sentir que... Pas 
                            assez féminine, pas assez ci, pas assez ça, 
                            donc ça, je le ressens très fortement, 
                            cette espèce de rejet de la part de ma mère 
                            et donc pas de dialogue entre nous, en tout cas pas 
                            de dialogue sincère, pas grand chose à 
                            se dire, on est très différentes. Pour 
                            l'instant, elle ignore, je ne sais pas ce qu'elle 
                            sait exactement. J'ai le souvenir, que quand j'ai 
                            été réglée à dix-onze 
                            ans, elle a insisté pour que je ne partage 
                            plus la chambre avec mes frères. Elle m'a aménagé 
                            un petit espace dans un bureau pour que j'aie mon 
                            intimité et par la suite m'a même donné 
                            sa chambre. Je ne sais pas du tout ce qu'elle peut 
                            savoir, si elle était au courant. Mon grand 
                            frère a pris la place de mon père, c'est 
                            évident, au sein de ma famille, mais je ne 
                            sais pas comment elle réagira. J'aimerais que 
                            ce soit de sa part, bien sûr, mais jusqu'à 
                            maintenant, je n'ai pas eu le sentiment de l'avoir, 
                            que ce soit dans ma vie sociale, même à 
                            l'école, elle a soutenu mes frères mais 
                            pas moi donc il y a vraiment une distinction entre 
                            mes frères et moi ; d'un point de vue affectif 
                            surtout, et donc une absence complète mutuelle... 
                            Mon frère a pris la place de mon père... 
                            Je ne sais pas du tout ce qu'elle sait et je ne sais 
                            pas du tout comment elle réagira.  
                             
                            Maud : Ben, moi, ma mère le sait depuis 
                            très peu de temps, elle était absente 
                            à ce moment-là puisque c'était 
                            les grandes vacances. Moi, mon abuseur, c'était 
                            mon cousin et j'ai pas l'impression d'avoir eu un 
                            changement, en tout cas, une modification de comportement 
                            claire et nette après les faits. Je devais 
                            avoir dix ans, on jouait souvent au docteur, au papa 
                            et à la maman, j'ai quatre cousins, j'étais 
                            la seule fille. Donc je l'avais complètement 
                            amalgamé avec le reste en disant : c'est des 
                            jeux d'enfants. Donc je pense que ma mère, 
                            elle me l'a dit, elle ne s'en est jamais douté, 
                            ça a fait l'effet d'une bombe et ma tante, 
                            pareil, c'est-à-dire que quand elle l'a su, 
                            elle m'a dit que c'était la dernière 
                            personne à qui elle aurait pensé puisque 
                            avec mon cousin, on n'avait aucune relation, il ne 
                            me parlait pas, ni en journée, ni avant, ni 
                            pendant, ni après. C'était l'indifférence 
                            la plus complète et du coup, cela a étonné 
                            ma tante, elle était quelquefois présente 
                            pendant les vacances, c'est surtout ma grand-mère, 
                            mon grand-père vu que c'était une grande 
                            maison, avec des dizaines et des dizaines d'hectares 
                            autour, donc de toute manière, on était 
                            un peu laissés à nous-mêmes, et 
                            que c'était la liberté. Ma mère 
                            ne s'en est jamais rendu compte. Je n'ai pas remarqué 
                            de modifications de comportement à part à 
                            l'adolescence quand mes parents ont divorcé, 
                            mais comme beaucoup d'enfants, ça a été 
                            un peu difficile et c'est à ce moment-là 
                            que j'ai commencé à avoir un excès 
                            de colère, l'un d'une manière inconsciente 
                            et l'autre vis-à-vis du problème du 
                            divorce de mes parents et qu'il y avait un choix à 
                            faire pour savoir avec qui vivre. C'était un 
                            problème que beaucoup d'enfants ont connu et 
                            donc là, j'ai pu exprimer une colère 
                            qui était latente depuis quelques années 
                            sans avoir conscience, sans faire le rapprochement. 
                                   
                                  Béatrice : Tu te rappelles pourquoi 
                            tu l'as pas dit à ta mère à ce 
                            moment-là ? Pourquoi tu l'as pas dit à 
                            ta mère ? 
                           Maud : Oui, c'est un peu ce qu'elle m'a dit 
                            : mais pourquoi, tu ne me l'as pas dit. Parce qu'on 
                            a un rapport très fusionnel, elle sait tout, 
                            je lui dis tout. Elle a connu tous mes petits copains 
                            donc... C'était pas la première fois 
                            que je lui cachais des faits qui m'avaient traumatisée, 
                            j'ai reçu une fessée déculottée 
                            devant toute la classe par ma maîtresse, et 
                            j'en ai pas parlé, je lui ai dit vingt ans 
                            plus tard, elle est restée sciée. Comme 
                            après en maternelle, ma maîtresse m'a 
                            jetée contre un radiateu.,r je suis rentrée, 
                            j'ai rien dit, elle s'en est aperçue quand 
                            je prenais le bain, j'avais une marque dans le dos. 
                            Elle s'est dit : mais qu'est-ce que c'est que ça 
                            ? C'est-à-dire... J'ai l'impression que tout 
                            de suite la culpabilité arrive. Les actes sont 
                            tellement disproportionnés, ma maîtresse 
                            aurait pu me mettre une claque, ou une fessée 
                            sans forcément me déshabiller pour me 
                            la mettre. C'est moins humiliant. Je me suis dit que 
                            j'ai forcément fait quelque chose de gravissime, 
                            qui fait que si je le dis, eh bien, ma mère 
                            va encore me punir, c'est bon, j'ai donné, 
                            Je pense qu'il y avait déjà eu des actes 
                            comme ça : recevoir un fessée, être 
                            balancée contre un radiateur, ça m'a 
                            déjà pas formatée, mais mis dans 
                            une situation plus ou moins identique qui provoque 
                            la culpabilité automatique et en même 
                            temps je n'avais aucun rapport avec lui. Il m'ignorait. 
                            C'est pas comme si nous étions les meilleurs 
                            amis du monde et que ça dérape. Non, 
                            il m'ignorait. Il avait quatre ans, il était 
                            plus âgé, il faisait ses trucs et ses 
                            machins, c'est vrai que maintenant que j'ai parlé, 
                            ma tante, elle se rend compte que effectivement, il 
                            a un comportement étrange vis-à-vis 
                            de sa soeur et donc là, ça crée 
                            des questionnements pour toute la famille, en tout 
                            cas pas encore toute la famille, mais ceux qui sont 
                            au courant. Voilà, des décisions à 
                            prendre, difficile à déceler. Je voudrais 
                            pouvoir parler ouvertement et le balancer... On verra, 
                            mais... 
                           Noémie : Tout ça, ça me 
                            parle énormément dans le sens où 
                            c'est pareil, moi pendant vingt ans, je n'en ai pas 
                            parlé alors que quand ça s'est passé, 
                            j'avais huit ans et je savais bien que ce que mon 
                            frère me faisait c'était totalement 
                            interdit, pas bien du tout, j'en avais tout de suite 
                            conscience, je n'ai pas ressenti que c'était 
                            un jeu d'enfant. C'est après, je me suis dit : ça passera parce que quand on est plus vieux 
                            on oublie tout, on oublie son passé, on oublie 
                            ce qu'on a vécu quand on est petit, moi, j'étais 
                            persuadée de ça et en fait, je n'ai 
                            jamais rien oublié, j'ai des souvenirs très 
                            réalistes. Et donc, j'en ai parlé il 
                            y a très peu de temps, il y a deux mois à 
                            ma mère, parce que j'étais dans une 
                            situation tellement mauvaise psychiquement, je tombais 
                            dans la dépression... Inaudible... Je suis 
                            tout à fait certaine qu'elle n'était 
                            pas du tout au courant que c'était mon frère 
                            qui avait abusé de moi. Elle ne pouvait pas 
                            s'en douter étant donné que ça 
                            s'est passé dans trois lieux différents, 
                            et à chaque fois, dans ces trois moments-là, 
                            ma mère n'était pas là. Ma mère 
                            ne pouvait pas s'en douter, étant donné 
                            que je... On va dire que j'étais très 
                            fusionnelle avec elle. Je ne lui ai jamais rien caché. 
                            Je ne lui mentais jamais, en fait, je m'en étais 
                            fait une règle de mentir sur rien d'autre que 
                            sur ce qui m'était arrivé. Pour moi, 
                            c'était : je dois tout lui dire, mais il n'ya 
                            qu'un truc que je lui dirai jamais, que je crèverai 
                            avec, ce sera ce secret-;là. Et en fait, je 
                            me suis rendue compte que cela me bloquait complètement 
                            dans ma vie aussi bien affective que relationnelle 
                            avec les autres, donc que chaque homme me faisait 
                            peur, qu'il soit vieux, jeune, que j'étais 
                            pas du tout à l'aise et que même avec 
                            mon père qui ne m'a rien fait, je n'étais 
                            pas à l'aise non plus donc ça a bousillé 
                            pas mal de relations périphériques. 
                            J'étais contente de sa réaction, c'est 
                            elle qui m'a conduite au groupe de parole, c'est grâce 
                            à elle que j'ai découvert AREVI, je 
                            suis venue donc une fois avec elle. Je ne pense pas 
                            que ma mère reviendra dans le groupe, par contre, 
                            même si elle revenait de temps en temps sur 
                            Paris. Elle m'a dit : « maintenant, ton groupe 
                            de parole, c'est quelque chose qui t'appartient ». 
                            Mais je pense que pour elle, c'est immensément 
                            dur, on est presque deux victimes, elle l'est presque 
                            autant que moi. Mais je pense qu'elle va faire un 
                            travail aussi, de psychothérapie, de son côté 
                            pour aider à aller bien. C'est qu'elle a tout 
                            fait pour mon frère et pour moi, son but dans 
                            sa vie, c'était vraiment ça, d'avoir 
                            deux enfants sains de corps et d'esprit et bon, il 
                            y en a un qui a dérapé qui a fait plein 
                            de conneries. Et le fait qu'il se soit...., que je 
                            n'ai plus de contact depuis treize ans avec lui, parce 
                            qu'il s'est barré de la famille. Je pense que 
                            ça a aidé pour que je parle. Pour moi 
                            cela a aidé à ce que je parle, cela 
                            a été un poids comme une personne qui 
                            est morte et qui revient comme un mauvais fantôme, 
                            un mauvais spectre, quoi ! Je pense qu'il y a une 
                            petite part de moi-même qui était mon 
                            espoir, c'était de me dire : ma mère 
                            me croira plus moi que lui, elle ne peut pas douter 
                            de ma parole, je ne pense pas .Effectivement, elle 
                            n'en a pas douté. Voilà !  
                                   
                                  Delphine : Merci. 
                           Le psychologue : Merci... Si je peux me permettre 
                            une suggestion... de faire une pause. En général, 
                            on la fait après le deuxième sous-thème, 
                            mais là, le second thème a été 
                            largement abordé. Je vous propose effectivement 
                            qu'on continue, cela fait vraiment un passage à 
                            l'autre sous-thème, juste puisqu'on a l'habitude 
                            de faire une pause. Là, c'est à l'appréciation 
                            de tout le monde. Ou en enchaîne, c'est comme 
                            vous voulez. 
                                   
                            « tout Schuss ! » Tout le monde parle 
                            en même temps. 
                                   
                            Je vous rappelle le deuxième sous-thème, 
                            c'était dans le cas du dévoilement et 
                            de la reconnaissance de l'inceste, quel est ou a été 
                            l'attitude de la mère ? effectivement c'est 
                            déjà fait. 
                          3 : Dans le cas du dévoilement et de la reconnaissance 
                            de l'inceste, quel est ou a été l'attitude 
                            de la mère ? 
                           Delphine : Pour ceux qui ne l'ont pas encore 
                            dit. 
                                   
                            Pause café. 
                             
                            Delphine : Tu sais pourquoi, tu disais, ça 
                            c'est le secret et ça je ne le dis pas ? 
                           Noémie : Pour une question de... honte, 
                            c'est-à- dire que moi, j'ai chialé, 
                            évidemment la première fois, mais je 
                            me disais que c'était la première et 
                            la dernière. Je ne pensais pas qu'il allait 
                            poursuivre deux autres actes en fait, à des 
                            années d'intervalle, et, en fait, j'ai vite 
                            ravalé mes larmes et je me suis dit que c'était 
                            une mauvaise journée à passer, terrible, 
                            je crois que tout de suite, on est dans un mouvement 
                            de... comment dire ?... de repli sur soi, de honte 
                            très grande, une honte qu'on peut avoir, à 
                            n'importe quel âge. Et qui fait qu'on garde 
                            ça, on se dit qu'on peut pas en parler. J'avais 
                            peur aussi, ce qui est complètement incroyable 
                            et paradoxal, c'est que mon frère s'en prenne 
                            encore plein la gueule ; c'est vrai qu'il avait fait 
                            conneries sur conneries depuis qu'il était 
                            petit, c'est qu'il avait pas mal eu affaire, normalement, 
                            à ma mère qui jouait le rôle du 
                            père et de la mère. Etant donné 
                            que c'est plutôt elle qui a fait notre éducation. 
                            Il y a un manque d'autorité paternelle c'est 
                            évident. 
                           Lise : C'est un grand grand frère ? 
                           Noémie : On avait cinq ans de différence 
                             
                            Lise : J'ai entendu dire quand ça s'est 
                            passé, ma mère était absente. 
                            Ça s'est passé une fois, quatre fois 
                            ou plus, toujours en l'absence de la mère. 
                            Pour moi, ça s'est passé sur plusieurs 
                            années, j'ai même daté de sept 
                            à douze ans. Je pense, compte tenu des soins 
                            que j'ai eu aux yeux, c'était même avant 
                            sept ans. C'était la nuit pendant que ma mère 
                            dormait, même si on dormait, j'étais 
                            dans le même lit que mon frère. On dormait 
                            dans la même pièce... 
                             
                            Fin de la première face de la cassette n°1 
                             
                            Jacqueline : Ca a duré des années, 
                            comme j'ai eu très longtemps une amnésie, 
                            je ne sais absolument pas quand ça a commencé, 
                            je suis sûre très petite, avant même 
                            d'avoir la parole, donc la question d'en parler à 
                            ma mère ne s'est pas posée, et je ne 
                            sais pas quand ça s'est arrêté. 
                            Je crois me souvenir que c'était la nuit, donc 
                            elle était là. Nous habitions un très 
                            grand appartement, enfin ma chambre était loin 
                            de la leur. Mais elle était près de 
                            celle de ma grand-mère, qui..., à quel 
                            âge, je me suis rendue compte - avait interdiction 
                            de venir dans la chambre d'amis - et papa qui était 
                            donc un père absolument remarquable et dévoué 
                            puisque il se levait tout le temps, moi, j'étais 
                            un enfant à problème. L'attitude de 
                            ma mère était donc la suivante : c'est-à-dire 
                            que dix jours par mois, parfois plus, elle était 
                            enfermée dans le noir, dans sa chambre, fallait 
                            pas rentrer, fallait pas faire de bruit, fallait rien, 
                            car elle souffrait de migraines ophtalmiques épouvantables... 
                            que j'interprète puisque je suis en cours d'analyse 
                            comme elle a mal de voir ou de pas voir, je pense 
                            qu'elle se savait et que c'est ça qui la tuait 
                            littéralement, puisque elle vivait pas...Lla 
                            moitié du temps, et le reste du temps d'ailleurs, 
                            elle ne faisait pas grand-chose non plus, elle s'occupait 
                            physiquement pour me faire manger, extrêmement 
                            peu de moi C'est surtout ma grand-mère et mon 
                            père sur mon corps, il a bien fallu voir à 
                            un moment donné tant que c'était des 
                            tortures terrifiantes, enfin, terrifiantes pour un 
                            enfant, d'écraser la tête sur son sexe, 
                            ou... Apartir du jour où j'ai été 
                            sodomisée, je me suis dit que ça ce 
                            n'est pas possible que ce ne se soit pas vu et donc 
                            si il n'y avait que lui qui faisait ma toilette, il 
                            était tranquille, et donc voilà l'attitude 
                            de ma mère pendant. Donc je ne peux pas savoir 
                            si elle le savait ou si elle ne le savait pas, je 
                            pense qu'elle le savait au moins inconsciemment c'est 
                            sûr ! Pour avoir cet handicap-là mais 
                            toute mon enfance ma mère était, quand 
                            elle n'était pas sur son lit dans le noir où 
                            il fallait pas parler, elle était hypochondriaque, 
                            c'est-à-dire, complètement centrée 
                            sur elle, sur des maladies. Il fallait toujours prendre 
                            des rendez-vous avec les plus grands professeurs... 
                            et il n'y avait rien.Ttoujours des radios, des examens 
                            et rien. Et donc vlan ! enfermement dans la piaule 
                            et après on repartait sur autre chose. En fait 
                            elle a été complètement, enfin, 
                            moi, j'ai le sentiment qu'elle était mobilisée 
                            par elle et ses problèmes qui l'handicapaient 
                            littéralement, lui rendaient la vie invivable. 
                            Mais par rapport à moi, alors mon père 
                            me traitait comme une pute puisque quand j'ai eu trois, 
                            quatre ans, tous les jours il m'emmenait au monoprix, 
                            prisunic à l'époque, pour que je choisisse 
                            un jouet, sans un mot, rien, et donc j'étais 
                            complètement accro à cet instant où 
                            il fallait acheter un jouet, je ne vivais qu'avec 
                            ce truc-là et ça exaspérait ma 
                            mère. Je me souviens que d'attitude très 
                            agressive parce que je pense qu'il y avait des problèmes 
                            d'ordre sexuel entre eux, alors si elle le savait, 
                            d'une certaine façon, j'étais la petite 
                            femme de papa, si elle ne le savait pas, je ne sais 
                            pas ce qui se passait dans sa tête à 
                            elle mais elle, c'était en tout cas, il y avait 
                            des moments où elle était super-affectueuse, 
                            une vraie maman, et j'attendais ces moments, vraiment 
                            avec impatience, et d'autres moments où je 
                            sentais que je l'exaspérais, comme je me considérais 
                            comme un enfant pas normal qui avait quelque chose 
                            de dégoûtant qu'il fallait cacher et 
                            je ne savais pas quoi et par rapport à : « 
                            faut l'cacher, Faut pas l'dire, j'avais tout 
                            le temps ça dans la tête mais je ne savais 
                            pas quoi. Compte tenu de ce que je décris de 
                            l'attitude de maman, j'étais dans l'amnésie. 
                            Je vivais dans une telle détresse, je me rendais 
                            bien compte que les autres enfants n'étaient 
                            pas comme ça, je pense aux cours de récré, 
                            on voit bien la différence, on voit bien qu'on 
                            est pas normal, qu'on a cette tristesse permanente, 
                            cet accablement, cette incapacité physique 
                            pour courir des fois, pas savoir comment on marche, 
                            comment on met un pied devant l'autre, ça je 
                            lui en ai parlé et elle soupirait, c'était 
                            un souci de plus pour elle. 
                             
                              Mireille : Tu disais je suis triste et des fois, 
                            j'arrive pas à mettre un pied devant l'autre 
                            dans la cour de récré. 
                             
                            Jacqueline : Non je ne crois pas que j'exprimais 
                            les choses de cette façon aussi claire que 
                            je vous le dis là, mais... Tout était 
                            dans le déni, par exemple, je me souviens quand 
                            elle parlait avec des amies à elle, elle disait 
                            que j'étais une enfant très tonique, 
                            une force de la nature, des mots qu'elle employait 
                            pour mon père, d'ailleurs. Donc ce n'était 
                            pas du tout ça et je m'en suis rendue compte 
                            quand vers six, sept ans, elle m'envoyait dans un 
                            home d'enfant en Suisse que les puéricultrices 
                            portaient sur moi m'ont absolument suffoquées, parce qu'elle m'ont trouvée limite « 
                            rachdingue, vraiment pas bien. Là j'ai 
                            tout de suite compris que ça tournait pas rond, 
                            la façon dont ma mère me voyait.  
                             
                            Delphine : Je voudrais dire la façon 
                            dont ça ma fait rebondir de façon inattendue 
                            pour moi, parce que moi, je voudrais parler de ma 
                            grand-mère. J'ai une soeur jumelle, je me demande 
                            tout à coup si le fait qu'on... je ne sais 
                            pas, j'ai déjà entendu dire cela, ce 
                            doit être courant quand on a des jumeaux dans 
                            une famille, on les appelle « les jumeaux, 
                            on ne les distingue pas l'un de l'autre. ce n'est 
                            pas un scoop. Mais je me demande si.. .dans ma famille, 
                            on faisait ça aussi, on nous appelait « 
                            les jumelles, mes parents, mes grands-parents, 
                            les adultes de l'entourage et ma grand-mère 
                            aussi. Et je suis en train de penser que c'est comme 
                            si on n'avait pas une relation interindividuelle avec 
                            ma grand-mère, sauf si on était malade 
                            ? Mais, sinon, à ma soeur et à moi, 
                            elle nous parlait à nous deux et je me dis 
                            que le fait qu'on soit deux et que pour elles, ma 
                            mère, ma grand-mère, le fait qu'on parle 
                            à nous deux que ça vaille pour une seule 
                            personne ça permettait peut-être... Je 
                            me suis toujours demandé pourquoi : bon, ben, 
                            ma grand-mère était là quand 
                            j'étais violée par mon grand-père, 
                            elle était dans sa chambre pas loin. Quand 
                            c'était en Dordogne, nos chambres étaient 
                            côte à côte, donc c'était 
                            tout près, quand c'était à Paris, 
                            c'était un peu plus loin, mais ça faisait 
                            tellement de bruit, après, dans la salle de 
                            bain quand on faisait les opérations de nettoyage, 
                            que... Elle prenait des sédatifs, beaucoup 
                            de médocs. Je suis sûr qu'elle a entendu. 
                            Je n'ai pas tellement de doute la-dessus. La question 
                            que je me pose souvent, c'est comment ça se 
                            fait qu'on n'ait pas vu les traces physiques sur moi 
                            et je me dis, un film peut-être, une projection... 
                            Comme on était deux, on voyait le corps de 
                            ma soeur qui était indemne lui, donc cela faisait 
                            une seule image et elle n'avait pas de traces donc 
                            on parle à moi, on regarde elle... donc quelque 
                            chose comme ça. Mon grand-père, il faisait 
                            une différence terrible, il traitait très 
                            mal ma soeur, il l'humiliait, il l'insultait. Moi, 
                            il ne m'insultait pas, il disait que j'étais 
                            intelligente, mais il me violait, il me torturait, 
                            la nuit, le jour aussi. Mais ma grand-mère... 
                            Je me souviens à peine, cela a dû arriver, 
                            je ne me souviens même pas qu'elle ait dit mon 
                            prénom, La relation avec les deux a été 
                            personnalisée. Comme si nous n'étions 
                            qu'une seule personne. Voilà, c'est tout ce 
                            que j'avais envie de dire !  
                             
                            Mireille : Vous étiez si différentes 
                            comme jumelles ? 
                             
                              Delphine : Oui, on était hyperdifférentes, 
                            surtout enfant, oui, j'étais plutôt brune, 
                            elle était blonde, j'avais quatre centimètres 
                            de plus, ni la même morphologie, ni rien. 
                             
                            Lise : J'ai eu des voisines qui étaient 
                            jumelles, on disait toujours : les jujus. 
                             
                            Mireille : Moi, je suis grand-mère de 
                            jumeaux, de vrais jumeaux, vraiment semblables. C'est 
                            dans leur comportement, ils sont différents. 
                            Mais dans la famille, je lutte. On demande « 
                            comment vont les jumeaux ? ». Ce doit être 
                            assez difficile à vivre mais bon, chacun a 
                            sa vie ! J'ai envie de parler par rapport au dévoilement 
                            de l'inceste, c'est vis-à vis de ma soeur. 
                            En fait, comme j'ai transposé « ma mère, 
                            ma soeur, je suis un peu dans la confusion... 
                            dans la mesure où j'en parle par rapport à 
                            ma naissance. Quand je suis née, ma mère 
                            avait quarante ans passés, donc elle se sentait 
                            très vielle, c'était pas la joie de 
                            se retrouver enceinte. C'est ma soeur qui avait seize 
                            ans, qui s'est beaucoup occupée de moi donc 
                            c'est pour ça aussi qu'il y a eu cette confusion 
                            « mère-soeur » « soeur-mère 
                            » et puis « mère grand-mère 
                            » parce qu'à la limite, il y avait aussi, 
                            ma mère qui était âgée, 
                            enfin, maintenant on ne dirait plus ça mais 
                            moi, j'ai toujours vécu avec ma mère 
                            que je trouvais très âgée donc 
                            ça me gênait aussi. Et voilà il 
                            y a aussi, cette espèce de confusion. En fait, 
                            j'en ai parlé à ma soeur... Quand certaines 
                            d'entre vous ont parlé d'agressivité, 
                            de comportement agressif de leur mère, disons 
                            que je l'ai ressenti de la part de ma soeur. Ma soeur 
                            est super-chiante à vivre, elle est jamais 
                            contente, ça va très mal, elle a eu 
                            aussi plein de maladies, d'ailleurs elle en a une 
                            maintenant, malheureusement, elle a un cancer, cependant 
                            elle en a déjà eu un, elle avait trente-sept 
                            ans dont elle s'est... ça s'est arrangé. 
                            Quoi ! Enfin bref, elle a eu un tas de choses, ça 
                            va jamais, jamais, jamais. Et quand le jour où 
                            j'ai fini... parce que... en même temps, et 
                            comment dire ? en même temps, très jalouse 
                            de moi, moi, parce qu'apparemment, moi j'ai réussi, 
                            moi, j'ai eu toutes les chances, quand un jour, je 
                            lui ai,...comme elle se plaignait tout le temps... 
                            je ne suis pas trop claire. Comme elle se plaignait 
                            tout le temps, je lui disais : « ben ! essaie 
                            de te faire aider, essaie d'aller en parler. Alors 
                            un jour, je lui ai dit, ben moi, je me fais aider. 
                            Oh ben toi avec la vie que tu as eue, je ne croyais 
                            pas que tu avais des problèmes etc.. ; et puis 
                            à un moment aussi, elle avait refusé 
                            d'aller à une fête de famille en disant 
                            : oui ! il y en qui me prennent de haut, e fin bref... 
                            et puis après plusieurs mois, plus de nouvelles. 
                            Moi, je n'en pouvais plus de ça et donc je 
                            lui ai écrit en disant : « écoute 
                            tu dis que tu as tous les problèmes, mais je 
                            voudrais quand même que tu saches que ton ami, 
                            J'ai été victime de ton mari quand j'avais 
                            neuf ans et alors ;... ben !» Bon, moi, je tremblais 
                            parce que je pensais qu'elle allait me dire : « 
                            qu'est-ce que tu racontes là, t'es complètement 
                            folle, c'est pas vrai » et finalement, il y 
                            a un côté qui m'a rassurée, cela 
                            apporte quelque chose quand même elle m'a dit 
                            je m'en doutais. C'est pour ça quand ma mère 
                            dit... je dis qu'elle ne sait rien. Qu'elle savait 
                            rien, alors moi, je lui dis : mais tu crois que maman 
                            le savait, elle me dit non ! Alors bon, je n'ai que 
                            sa parole à travers, et... Mais cependant, 
                            on a essayé d'en parler un petit peu plus et 
                            maintenant, elle est à nouveau très 
                            fermée. Et alors aussi, j'ai des doutes par 
                            rapport...parce qu'elle a eu quatre enfants dont une 
                            fille et quand sa fille est née... j'avais 
                            moi-même treize ans et là je me suis 
                            dit : « quel malheur, une fille arrive dans 
                            la famille ». Tout le monde était content, 
                            il y avait une fille qui arrivait, enfin mes parents, 
                            mais moi, j'étais...tout de suite ma première 
                            pensée, c'était « quel malheur 
                            une fille arrive dans la famille, c'était 
                            vraiment un drame, enfin que j'ai ressenti. Alors 
                            ceci dit, j'ai jamais pu beaucoup parler. On est une 
                            famille assez séparée, on parle peu, 
                            on ne s'est jamais parlé et je pense que ma 
                            nièce a été victime... etc...et 
                            puis bon, la famille ne va pas très très 
                            bien. Et maintenant à nouveau, je parle de 
                            ma soeur, c'est quelqu'un qui se débrouille 
                            pour être malade et comme elle est tout le temps 
                            malade, il ne faut pas qu'on l'embête, faut 
                            qu'on soit à son service. Donc, j'ai passé 
                            ma vie à essayer de payer pour elle, de lui 
                            faire, de toujours essayer d'apporter quelque chose, 
                            même d'essayer de vivre parfois des moments 
                            communs, partir un peu, faire un week-end, faire quelque 
                            chose, elle a toujours tout refusé, elle refuse, 
                            maintenant on n'en parle plus. Donc je l'ai dévoilé, 
                            c'est important, elle n'a pas nié, parce que 
                            j'avais peur qu'elle le nie, cependant je ne sais 
                            pas si ça a fait avancer beaucoup ? Si, un 
                            petit peu quand même, mais, c'est pas clair. 
                            Je pense que c'était quelqu'un qui était 
                            besogneuse,... Tu parlais de ta maman... Je pense 
                            que c'était quelqu'un comme ça, la lessive, 
                            les enfants, les gamins, ils vivaient dans deux pièces, 
                            lui, il buvait, il ne ramenait pas toujours l'argent, 
                            enfin etc. Son souci, c'est la maison propre, le linge 
                            propre et le reste, on ferme les yeux. Je crois que 
                            là et en fait, si en ce moment, elle est très 
                            mal, je pense qu'elle se sent très coupable 
                            et qu'elle a rien fait, moi, je lui en veux de ne 
                            pas m'avoir protégée. Elle aurait pu 
                            me protéger... s'en doutant... A un moment, 
                            elle avait failli divorcer, ça ne s'est pas 
                            fait et moi, j'étais vachement déçue, 
                            j'aurais tellement voulu qu'elle divorce, elle a pas 
                            été capable, même si elle s'en 
                            doutait, justement de dire : stop. Ca je lui en veux, 
                            je ne sais pas si je lui pardonnerai un jour, même 
                            si elle meurt. Elle mourra, mais, enfin, je ne suis 
                            pas bien par rapport à cette histoire, fallait-il 
                            dévoiler ? pas dévoiler ? Je ne sais 
                            pas du tout si c'était la solution. D'un côté, 
                            je ne regrette pas, mais en même temps... inaudible... 
                            Voilà je ne sais pas trop quoi... Et je repensais 
                            aussi par rapport à ma mère... Quand 
                            tu parlais... Ma mère n'a rien dit, mais par 
                            contre, elle ne supportait pas mon état féminin 
                            et je sais que quand je me mettais du vernis à 
                            ongles qui était rouge... transparent, ça 
                            allait, mais quand c'était rouge, elle me traitait 
                            de cocotte : « tu fais la cocotte, elle 
                            me disait ça même quand j'étais 
                            mariée, que j'étais plus âgée 
                            « Arrête de faire la cocotte comme ça 
                            ! ». C'était un peu incongru, et puis 
                            quand j'avais quinze ans : « tu vas pas aller 
                            courir les garçons, tu vas rester à la maison ». Il y avait des 
                              petits signes comme ça indirects. Peut-être 
                              qu'elle avait peur pour moi, ou elle voulait pas que 
                              je recommence. Moi, je me suis toujours dit que si 
                              elle s'en est douté, elle a pensé que 
                              c'était de ma faute, moi qui n'avais qu'à 
                              pas être séductrice, à tourner 
                              autour des adultes. Voilà ! 
                             
                            Lise : Moi, je me rappelle mes soeurs, on était 
                              quatre filles dans la famille, donc elles se sont 
                              mariées entre vingt et vingt-cinq ans, elles 
                              avaient comme distraction, c'était le bal,... 
                              Moi, j'avais dix-sept ans, je ne sortais pas, j'étais 
                              toujours dans mes bouquins. Un jour ma mère 
                              m'a dit : « tu vas jamais au bal » et 
                              donc, elle s'interrogeait, cela voulait dire : « 
                              t'es donc toute seule » et comme elle était... 
                              elle parlait peu... j'ai laissé tomber... Je 
                              me demande, enfin je pense qu'elle n'avait jamais 
                              rien vu, mais elle sentait que j'avais une différence 
                              avec mes soeurs, je m'isolais.  
                             
                            Nicole : Je voudrais parler du jour où 
                              je l'ai dit à ma mère. Ce n'était 
                              pas mon intention ce jour-là. J'avais une quarantaine 
                              d'années, j'avais compris depuis peu, parce 
                              que j'ai fait une amnésie x années et 
                              j'avais compris par un travail de psy que j'avais 
                              été violée par mon oncle, et 
                              comme j'avais pris conscience qu'il était peut-être 
                              mon père, j'avais commencé par le premier 
                              rôle c'est-à-dire, arriver à mettre 
                              au clair de qui étais-je la fille ? Puisque 
                              celui qui m'avait élevée ne m'avait 
                              jamais regardée, jamais adressé la parole 
                              et que je n'étais... Le peu d'existence que 
                              j'avais, c'était le jour où il était 
                              de bonne humeur et qu'il me jetait un regard...et 
                              je devais me mettre à genoux pour lui mettre 
                              ses pantoufles. C'était l'honneur suprême. 
                              Donc un jour j'ai lancé les opérations 
                              de recherche en paternité, donc ils ont reçu 
                              tous les deux des papiers comme quoi, il fallait faire 
                              des prises de sang, la totale, ce qui a été 
                              fait. Il y avait une distance Paris-Lyon donc ils 
                              l'ont fait, enfin, j'ai senti... il n'y avait pas 
                              beaucoup de mots d'échangés à 
                              l'époque. Seulement, j'ai compris que les résultats, 
                              on ne me les donnerait pas, j'ai compris qu'on me 
                              les donnerait si j'avais fait une action en justice 
                              contre eux. J'avais dépassé la date 
                              limite, et il aurait peut-être fallu, à 
                              ce moment-là que j'aie une accord de ma mère. 
                              Si ma mère m'avait soutenue, on aurait peut-être 
                              pu faire une action en justice pour retrouver qui 
                              était l'auteur... Je crois que j'avais bien 
                              compris, puisqu'il me l'avait pratiquement dit en 
                              me violant... et que c'était tellement évident, 
                              dans le contexte familial, tout ce qu'on devait cacher, les photos, par hasard, on lui ressemblait, mon 
                              père ne devait pas être au courant... 
                              Enfin, bon, c'était gros comme une maison, 
                              donc j'ai arrêté, j'ai dit je ne peux 
                              pas faire une procédure toute seule. Il s'est 
                              trouvé... donc je suis allée voir mes 
                              parents...en vacances, en passage, je ne passais qu'une 
                              nuit avec mes enfants. Et là, ma mère 
                              est venue me voir : « mais tu te rends compte 
                              de ce que tu fais... de toutes façons, ils 
                              vont se tromper, ils se trompent toujours ». 
                              Je me suis dit, j'ai déjà là 
                              un début de réponse qui correspondait 
                              à ce que je supposais et à un moment, 
                              j'étais en train de laver ma voiture, mon père 
                              est venu vers moi, et très heureux, il m'a 
                              dit, « ça va te coûter cher tout 
                              ça ! » Il m'a glissé une liasse 
                              de billets dans la main, et il m'a dit,« c'est 
                              pour t'aider » et comme à ce moment-là, 
                              j'avais déjà un truc de ma mère, 
                              j'estimais que là il en disait aussi suffisamment, 
                              et que comme je ne serais pas allée plus loin, 
                              je lui ai rendu sa poignée de billets en lui 
                              disant que je ne pourrais pas aller plus loin, que 
                              je m'arrêtais là. Que je n'irai pas plus 
                              loin et généreusement, il m'a dit :« 
                              bon, c'est pour tout ce que tu as payé jusqu'à 
                              maintenant ». J'ai gardé les billets, 
                              l'affaire pouvant s'arrêter là. Et quand 
                              même, le soir avant de partir, pour moi, c'était 
                              suffisant ils ses sont, ils s'étaient positionnés, 
                              mais quand même, ma mère, je trouvais 
                              que là, c'était vraiment un peu « 
                              just, et le soir j'en ai parlé à 
                              ma mère. Je lui ai dit : « au fait, il 
                              y a une chose que je ne t'ai jamais dit, c'est que 
                              ton beau-frère, mon oncle m'a violée 
                              quand j'avais sept ans. » Le premier cri ça 
                              a été : « Comment veux-tu qu'un 
                              homme s'intéresse à une gamine de sept 
                              ans, quel intérêt, il y avait 
                              cette supériorité de la femme !, « 
                              qu'est-ce que tu viens raconter comme bêtise 
                              ». Quand elle a su aussi où ça 
                              s'était passé, elle a compris que là, 
                              il y avait une réalité et elle m'a tout 
                              de suite demandé des trucs techniques : « 
                              est-ce que t'avais senti du chaud dans ton ventre 
                              ?... On entre dans une... c'est une fouineuse ! Et 
                              je ne suis pas allée plus loin. Le lendemain 
                              matin, je suis partie en voiture et elle est venue 
                              vers moi avec une petite marguerite qu'elle avait 
                              cueillie le long du sentier et elle me l'a donnée. 
                              Je crois que c'est par là qu'elle a manifesté... 
                              Et depuis, alors elle lancé une opération 
                              familiale du tonnerre pour renouer avec cet homme 
                              qu'elle n'avait plus vue depuis x années pour 
                              ensuite pendant les années où moi, je 
                              ne voulais pas le rencontrer obligatoirement faire 
                              des réunions familiales . Elle me demandait 
                              d'être présente et de demander pardon 
                              à cet homme de ne pas vouloir me regarder. 
                              Je fuyais. J'allais me baigner à l'heure de 
                              la messe du quinze août pour ne pas avoir à 
                              le rencontrer. Et le jour où il est mort, je 
                              suis la seule personne de la famille que l'on n'a 
                              pas averti, bien sûr. Parce qu'on a eu trop 
                              peur que j'aille faire du scandale dans la réunion 
                              familiale. Elle est morte, je sais qu'elle m'en veut, 
                              qu'elle m'en voulait à mort de lui avoir pris 
                              sa place et ça, j'ai été consciente, 
                              pas à sept ans, pas jusqu'à dix-douze 
                              ans. Je n'ai plus existé à ce moment-là, 
                              je n'avais plus d'existence, j'étais transparente. 
                              Je n'existais plus... Au début de l'adolescence, 
                              quand j'ai commencé à grandir, je la 
                              voyais vraiment jalouse de moi, me dire que j'avais 
                              de vilaines jambes, j'ai compris que nous étions 
                              rivales, je ne savais pas pourquoi je sentais profondément 
                              que j'étais gagnante parce que c'était 
                              elle la perdante. Je me suis toujours considérée 
                              comme... Moi, j'étais à part, j'étais 
                              non-reconnue, on ne me parlait pas mais moi, j'existais. 
                              Ce viol m'a donné une existence, je n'en avais 
                              eu aucune dans cette famille. Ça m'a donné 
                              un petit peu d'existence et c'est presque le point 
                              sur lequel je peux m'appuyer pour exister pour moi, 
                              et pour ma famille. Et je m'en « barde » 
                              un petit peu de la famille. Mais pour moi, c'est un 
                              axe, la seule fois de ma vie où j'ai existé. 
                              C'est tout. Et elle me poursuit encore huit ans après 
                              sa mort, elle se venge encore de moi par l'intermédiaire 
                              de mon frère, elle a laissé des trucs 
                              pour me laisser des choses et pour se venger. Tous 
                              les papiers que j'ai trouvés après sa 
                              mort qui m'étaient adressés, je savais 
                              que c'était tout de la haine, j'ai tout brûlé, 
                              mais elle est quand même encore arrivée 
                              l'année dernière à faire passer 
                              un livre auquel je tenais beaucoup, à le faire 
                              parvenir au fils de mon violeur pour que ce ne soit 
                              pas moi qui l'ai. Et qu'il soit bien entendu que moi, 
                              je n'aurai rien..... Silence... Je ne lui en veux 
                              pas. Elle n'était pas très intelligente 
                              et puis elle n'avait pas d'amour pour moi. Il y a 
                              des femmes comme ça, je suis tombée 
                              sur celle-là et puis, c'est tout ! 
                             
                            Nancy : Inaudible... Je me pose encore beaucoup 
                              de questions sur le fonctionnement de ma mère, 
                              sur son rôle. La situation que j'ai vécue, 
                              puisque ça a duré presque huit ans, 
                              les relations avec mon père. Je lui ai dit, 
                              en fait je lui ai dit très tôt, je lui 
                              ai dit plein de fois... Je ne me souviens plus, mais 
                              elle ne m'a pas entendu puisque ça a duré 
                              encore jusqu'à ce que j'ai douze ans et demie, 
                              treize ans. Après je lui ai dit à nouveau 
                              quand j'étais adolescente, donc elle a réagi, 
                              sûrement comme beaucoup de mère, en disant 
                              qu'elle avait rien vu, qu'elle savait pas... Voilà 
                              !... Je ne comprends pas qu'elle ait pu dire ça, 
                              puisque je lui avais dit et puis aussi à certain 
                              moment, elle m'encourageait. Je pense qu'elle savait 
                              que j'avais une relation privilégiée 
                              avec mon père, par rapport à ma grande 
                              soeur, elle encourageait cette relation. Elle me disait 
                              : « va rejoindre ton père, il t'attend 
                              » donc après quand elle s'est déresponsabilisée, 
                              elle a dit : « je savais rien, j'ai rien vu... 
                              ». J'ai un peu de ma, quand même ! Aujourd'hui 
                              je pense même qu'elle est un peu nostalgique 
                              de cette période, je sais pas. Ils avaient 
                              de problèmes tous les deux, elle a dû 
                              être... inaudible... Depuis là, je lui 
                              dis encore : « c'est possible parce qu'il se 
                              trouve, je rêvais ». J'ai entamé 
                              une procédure de justice contre mon père 
                              et donc là, à nouveau, je parle avec 
                              elle de ça et elle est toujours aussi... inaudible... 
                              Elle se place dans une position de victime, elle aussi, j'ai l'impression qu'elle... Je me pose la question... 
                              comme si elle avait jamais fait l'expérience 
                              de la vérité sur cette histoire.... 
                              Elle est complètement déconnectée... 
                              Elle est malade, elle aussi, elle se plaint toujours... 
                              quand je lui demande pourquoi... Parce que moi aussi, 
                              j'aurais voulu qu'elle divorce, je le lui ai demandé 
                              très souvent. Elle dit : « je ne pouvais 
                              pas partir, j'avais pas d'argent » et quand 
                              je lui dis : « mais toi, tu n'as rien fait, 
                              elle dit : « mais qu'est-ce que j'aurais pu 
                              faire ? porter une plainte ?...partir ?.. mais moi, 
                              j'avais pas été agressée. » 
                              J'ai l'impression qu'elle n'a pas accès à 
                              l'expérience de ce que ça a pu être. 
                             
                              Delphine : Je parle pour elle : pour se protéger 
                              de sa culpabilité 
                             
                            Nancy : Ma mère dans sa famille bourgeoise 
                              de province. C'est la deuxième d'une fratrie 
                              de huit. Et elle est un peu considérée 
                              comme la simple d'esprit par rapport à ses 
                              soeurs : toutes ses soeurs ont des professions assez 
                              valorisées. Ma mère, c'était..., 
                              elle n'a jamais travaillé, c'est elle qui s'occupait 
                              de son foyer, des ses enfants, qui faisait à 
                              manger..., qui n'a pas été capable de 
                              venir dans la cour de récréation, je 
                              ne sais pas, pour engueuler la camarade de classe 
                              qui m'avait foutu un coup de pied, ça elle 
                              l'a fait, mais protéger sa fille de...  
                             
                            Jacqueline : Sur l'histoire de parents divorcés, 
                              après quand j'étais plus grande, adolescente, 
                              elle se plaignait tout le temps, derrière son 
                              dos. Elle était peut-être très 
                              malheureuse en ménage, mais elle ne divorce 
                              pas, ne travaillant pas, c'était absolument 
                              inenvisageable... pour l'argent et aussi par rapport 
                              à l'opprobre sociale que représenterait 
                              .. bon... surtout, tout ce que j'ai entendu... Et 
                              là, j'ai une montée de colère, 
                              qui monte en en parlant « je suis restée 
                              à cause de toi » donc remercie-moi, je 
                              me suis sacrifiée pour toi. Je me souviens, 
                              petite, j'essayais toujours d'espérer qu'elle 
                              aille mieux, qu'elle se sentirait mieux, qu'elle allait 
                              m'aimer, comme dans le moments qu'elle me câlinait. 
                              Mais adolescente, je me souviens que je la détestais. 
                              J'avais noirci des pages sur mon journal intime en 
                              me disant des trucs du genre que c'était une 
                              larve, j'étais très en colère 
                              contre elle. Toujours dans l'amnésie dans son 
                              comportement, et un jour, elle l'a trouvé. 
                              Elle fouillait parce que j'étais en pension 
                              et donc, elle m'a fait une scène quand je suis 
                              revenue de la pension sur la trahison, en me disant, 
                              d'ailleurs, au lieu de me dire toi, elle disait : 
                              « les gens, on croit qu'ils vous aiment, et 
                              voilà ils vous trahissent, elle disait 
                              : les gens, j'étais morte ? Elle devenait très 
                              menaçante et immédiatement, je me suis 
                              dit, il faut absolument, que je trouve... ; inaudible... 
                              Elle va me mener une vie infernale donc récupérer 
                              le coup, je ne sais pas ce qui m'avait traversé 
                              la tête donc je me suis...J'ai eu honte de moi, 
                              de pas lui dire, « mais attends, regarde ce 
                              que tu provoques à ton enfant ! » tout 
                              se suite, j'ai compris que c'était mal, que 
                              c'était vraiment dégueulasse, moi « 
                              gens, je lui ai répondu : « tu 
                              es une victime, en plus de rester pour sa fille avec 
                              un type épouvantable, et voilà, ce que 
                              sa fille écrit dans son journal ! » 
                             
                              Irène : Je veux dire, il y a quelques années, 
                              je crois que ça fait cinq ou six ans, j'ai 
                              parlé à mes parents, on en a parlé. 
                              Je n'ai pas fait ça toute seule, c'est mon 
                              mari - on était en pleine crise tous les deux 
                              - il m'a plus ou moins lancé la-dessus. Je 
                              ne sais même plus qui a parlé, ça 
                              s'est passé par téléphone... 
                              Ce qui arrivait à nous, était forcément 
                              lié à ce qui s'était passé 
                              pour moi, et que donc, il fallait qu'ils le sachent 
                              et du coup, à ma mère, je lui ai parlé 
                              et à mon père, je lui ai écrit. 
                              Je pense à la seule lettre que j'ai reçue 
                              de mon père... Je refusais de le voir et qu'il 
                              voit mes enfants, et donc dans la lettre, il m'a très 
                              tôt parlé de lui par rapport à 
                              ça, dans la lettre, mais par contre, il y avait 
                              tout un truc qu'il fallait que je pense à ma 
                              mère, quelle allait beaucoup souffrir de tout 
                              ça et qu'il fallait bien prendre conscience 
                              qu'elle avait besoin de lui, qu'il prévenait 
                              qu'elle était restée avec nous... inaudible... 
                              quelle avait besoin de lui et pas seulement, matériellement,... 
                              elle était femme au foyer et qu'elle n'avait 
                              aucun moyen de partir. Moi, je ne me suis jamais posée 
                              la question de savoir si mes parents aillaient divorcer 
                              ou pas, parce que c'était une évidence 
                              que... par ma mère et par sa mère, ma 
                              grand-mère qui était souvent chez nous, 
                              elle avait beaucoup de chances d'avoir trouvé 
                              un mari qui s'occupe d'elle, qui les fasse tous vivre, 
                              donc déjà, jusqu'à cette époque-là, 
                              l'idée qu'ils puissent divorcer ne me venait 
                              même pas à l'esprit. Par contre, quand 
                              je lui ai parlé, il y a quelques années, 
                              j'attendais qu'il se passe quelque chose de plus violent 
                              entre eux que d'en parler... une séparation. 
                              C'est tout de suite la première chose, ils 
                              restaient ensemble parce elle ne pouvait pas vivre 
                              sans un mari, sans son mari, ce n'est plus possible, 
                              matériellement et sans doute psychologiquement. 
                              Ma mère est assez solitaire et elle a consacré 
                              toute sa vie à son mari et ses enfants. Donc 
                              il n'était pas question que...elle ait une 
                              existence propre. Je pense qu'il y a très clairement... 
                              Ca s'est manifesté à ce moment-là 
                              quand je lui en ai parlé, par une réflexion, 
                              sur avant, on n'en parle pas. On ne peut pas en parler 
                              et même si on en parle, on prend plein de précautions... 
                              inaudible... à l'idée c'est nous qui 
                              protégeons le couple, la famille, la mère, 
                              c'est-à-dire que c'est pour ça qu'on 
                              n'en parle pas puisqu'on sait que ça va tout 
                              faire exploser... inaudible... Comment me défaire 
                              de ce qu'a dit mon père, quand je parle de 
                              ça, c'est la famille qui supporte, sa famille 
                              à lui, c'était ça, si j'étais 
                              pas là, comme pilier à la fois pour 
                              résoudre les problèmes de couple... 
                              inaudible... Et puis si après, je lui avais 
                              fait défaut en disant quelque chose parce qu'il 
                              y a l'idée que tout peut s'effondrer, de toute 
                              façon, tant que moi, je n'ai pas pris le droit 
                              de m'enfuir... inaudible... C'est vrai que je ne pouvais 
                              pas parler, tout en espérant que les choses 
                              ... ne faire mal à personne, ne pas mettre 
                              en danger, j'était tellement pudique que je 
                              savais que si je parlais, j'allais tout casser, quoi, 
                              leur vie à eux en tout cas. Il m'a parlé 
                              de ma mère dans cette lettre, ensuite, j'ai 
                              un oncle et une tante qu, très indirectement, 
                              passaient souvent par mon mari, puisque c'était 
                              plus facile de lui faire porter le chapeau. C'est 
                              lui qui s'occupait de ma famille... C'est tellement 
                              bénéfique, car je crois bien en plus 
                              que la cousine, on m'en a coupée. Ça 
                              a été dit que... inaudible... et aussi 
                              à mon frère qui vit tout ça très 
                              mal, donc lui ne veut pas rompre avec ses parents, 
                              il considère que ma mère ne savait rien... 
                              inaudible... plutôt pour la protéger... 
                              En tout cas, la révélation, elle a été... 
                              Je me suis aperçue après coup que c'était 
                              pas une bonne idée, au sens de la prise de 
                              conscience, le fait que moi, je parle, que je puisse 
                              me permettre de donner un conseil, même si, 
                              ma mère continue à dire qu'elle ne savait 
                              rien. Le choc, c'était que je le dise, c'est 
                              pas que... Je pense qu'elle étai,... c'est 
                              très flou... En effet, quelque chose qu'on 
                              sait sans vouloir le savoir, qu'on n'a jamais formulé, 
                              je ne sais pas comment ça s'appelle exactement, 
                              mais... Il est clair qu'il y a quelque chose qu'elle 
                              savait, et que par contre, que je le dise, ça 
                              a été... inaudible... L'attente par 
                              rapport à ça, on parlait de baguette 
                              magique, c'est vrai qu'il a des.... Inaudible.... 
                              C'est vrai qu'il y a eu les deux, sur le moment, c'était 
                              très... Finalement pour moi, un soulagement, 
                              et l'impression d'un bond en avant d'avoir pu faire 
                              ça, d'avoir été quasiment obligée 
                              de le faire, parce que je ne l'ai pas fait de moi-même, 
                              que mon mari m'a lancée là-dedans un 
                              peu comme un ultimatum... inaudible... pour pas que 
                              je continue à faire porter sur nous... tout 
                              ce que j'ai récolté de toute cette situation. 
                              Un soulagement de se dire que ça y est, quelque 
                              chose a bougé. Tant mieux, mon père 
                              m'a quand même envoyé cette lettre... 
                              elle m'a parlé. Mon oncle et ma tante m'ont 
                              appelée. Petit à petit, tout le monde 
                              a écouté. Résultat, c'est que 
                              là je sais que ma mère fait tout pour 
                              m'avoir chez elle, plus souvent, quand son mari, mon 
                              père... mon frère qui désespérément 
                              a essayé de partir très loin... Il m'a 
                              dit qu'elle souffrait pour son anniversaire, parce 
                              que mon père, ils ont entre soixante-dix et 
                              quatre-vingts... Je réalise, le seul à 
                              qui je n'en veux pas dans l'affaire, c'est mon frère, 
                              c'est une victime. Je lui en veux en ce sens que j'ai 
                              envie de lui dire, secoue-toi, de ne pas accepter 
                              ça... inaudible... Mais bon, mon oncle et ma 
                              tante ont filé aussi dans le Sud, comme mon 
                              frère. C'est normal. On va tous se réunir, 
                              donc avec mes cousins, on va tous se voir, et ma mère 
                              a beau dire que depuis cette révélation, 
                              elle a souffert, elle sait sincèrement... Les 
                              deux cohabitent, elle est à la fois sincère 
                              et à la fois dans un déni absolu de 
                              la responsabilité qu'elle peut avoir, de la 
                              culpabilité qu'elle peut avoir par rapport 
                              à moi, par rapport à mon frère, 
                              mais elle est sincère quand elle s'est mise 
                              à pleurer en disant que c'est terrible de penser 
                              que j'avais souffert toutes ces années, par 
                              exemple, sans m'en parler . En même temps elle 
                              ne se rend pas compte qu'elle m'avait interdit de 
                              lui en parler, en disant, très clairement, 
                              toutes ces choses-là, en disant que en gros, 
                              c'est moi qui aguichais mon père. Même 
                              si elle l'a jamais dit, moi, je l'entendais, mais 
                              elle a dit... Enfin à ce moment-là, 
                              lors de la révélation, elle n'a pas 
                              dit grand-chose, tout ça s'est glissé 
                              dans le conflit avec mon mari, c'était, en 
                              gros, il te soutient parce que ça va mal chez 
                              toi et puis ma pauvre, ton mari, il est horrible, 
                              il veut tout casser, te priver de nous, et puis, petit 
                              à petit, de plus en plus, ça a été, 
                              il veut porter, il y a un côté social, 
                              un jugement honteux sur nous, il veut nous faire passer 
                              pour des sales gens pas corrects... Elle a dit des 
                              choses sur mon mari que je n'ai pas pu dire si violemment. 
                              Juste quelques mois après la révélation, 
                              il est arrivé au téléphone et 
                              ça allait encore toujours très mal entre 
                              nous, on parlait de se séparer, il a entendu 
                              des rires au téléphone... Lors d'une 
                              réunion familiale, il leur a dit... je veux 
                              vous parler : « faites vos cochonneries ensemble, 
                              en hurlant » et il a cassé le téléphone 
                              portable après, en le balançant, et 
                              après ma mère m'a demandé s'il 
                              s'excuserait à propos de ça, mon frère 
                              a dit que tout ça, ça n'était 
                              pas pardonnable d'avoir parlé comme ça,... 
                              Mon mari m'a dit qu'il était prêt à 
                              s'excuser de les avoir traités tous de salauds... 
                              Inaudible... Il ne retire rien de la colère... 
                             
                              Fin de la cassette 
                               
                              Irène : Enfin c'est à moi de 
                              me protéger pour que ça ne me revienne 
                              pas dessus, parce que finalement ma mère a 
                              tout le temps été malade aussi. Elle 
                              a des problème de santé, il ne fallait 
                              pas trop la secouer, mais, c'est clair qu'elle continue 
                              à se protéger... Elle n'a pas d'autres 
                              méthodes que ça... J'ai l'impression 
                              qu'elle a continué à se protéger... 
                              dès le début, même bien avant. 
                              Quand j'en ai parlé, elle s'est protégée. 
                              Elle dit une chose, un jour, puis elle en retient 
                              d'autres, elle dit qu'elle aurait dû faire attention, 
                              qu'elle aurait dû vérifier que quelque 
                              chose la mettait mal à l'aise, mais qu'elle 
                              aurait pu vérifier, mais elle n'admet pas qu'elle 
                              puisse être responsable, de façon plus 
                              profonde, inaudible... Elle s'est reprochée 
                              par contre d'avoir... J'ai appris que donc elle avait 
                              attendu un troisième enfant après moi 
                              et mon frère, et que mon mari... ? mon père 
                              ne voulait pas de troisième enfant, il l'avait 
                              dit clairement depuis longtemps, mais il ne voulait 
                              pas prendre aucune précaution, par rapport 
                              à ça,... inaudible... C'était 
                              : méthode température, tout ça, 
                              alors j'entendais mon père et ma mère 
                              parler de'ça... Ma mère était 
                              très remontée par rapport à la 
                              méthode des température, elle était 
                              très féministe sur l'avortement, tout 
                              ça, je ne comprenais pas pourquoi, donc je 
                              le sais... Donc elle a donc dit à mon frère 
                              qu'elle avait avorté en Suisse, c'était 
                              pas encore légal à ce moment-là. 
                              Donc je me rappelle être allée en Suisse 
                              avec mes parents... enfin que mes parents soient allés 
                              en Suisse, nous on était en colonie de vacances... 
                              Et que donc finalement, ils se sont reprochés 
                              que après cet avortement, elle n'a plus voulu 
                              avoir des relations sexuelles, pour ne plus prendre 
                              ce risque... Inaudible...Mmon père ne sait 
                              pas prendre de précautions... et que donc elle 
                              se sentait coupable finalement, là où 
                              elle se sentait une responsabilité, c'est-à-dire 
                              d'avoir frustré mon père...et donc de 
                              l'avoir laissé... sa fille.... Mais ça, 
                              elle ne l'a pas dit à moi. Peut-être, 
                              c'est trop dur à dire, c'est finalement s'approcher 
                              plus près de sa responsabilité.. .d'avoir 
                              refusé sexuellement son corps à mon 
                              père, d'avoir à mon avis, plus ou moins 
                              consciemment admis que c'était bien pratique... 
                              Il ne venait plus la chercher, elle. Quoi ! mais donc 
                              ça elle ne l'a pas dit et par contre depuis, 
                              elle est dans son attitude qui va du déni « 
                              soft, c'est-à-dire qui veut dire : 
                              ça y est, j'ai parlé, on ne peut pas 
                              me dire que j'ai menti... inaudible... C'était 
                              peu de temps, c'était pas grand-chose, c'était 
                              des jeux - ce qu'elle dénie, c'est la gravité 
                              de la chose. Au moment de la révélation, 
                              j'ai senti ça. Ça c'est même refermé, 
                              il y a eu un effet de choc qui a fait que sur le moment, 
                              elle a pu accepter que c'était très 
                              grave, ce que je venais de dire que petit à 
                              petit, en n'en parlant plu, tout ça on arrive 
                              à finalement mettre ça dans des secrets 
                              de famille pas très beaux,... puis on passe 
                              par-dessus... parce que sinon, on ne pourrait pas 
                              vivre... inaudible... que c'est important pour les 
                              autres, mon frère, sa famille. 
                             
                              Mireille : Toi, tu les vois toujours ?  
                               
                                  Irène : Je vois ma mère, je vois 
                              mon frère, très peu, on a beaucoup de 
                              mal à se voir... Je vois ma mère, bien 
                              sûr, ça c'est une décision que 
                              je ne cesse de prendre. Je ne trouve pas la force 
                              de supporter, de lui infliger la punition de ne pas 
                              la voir et de supporter tout ce qu'elle va me renvoyer 
                              comme chagrin, je préfère encore, en 
                              effet, prendre sur moi... C'est une très grande 
                              angoisse quand j'organise sa venue. Du coup, je la 
                              vois comme je ne veux pas aller chez mes parents. 
                              Elle vient deux fois par an, pour l'anniversaire de 
                              chacun de mes enfants... Et on va la voir une fois 
                              en été. On loue quelque chose. Petit 
                              à petit, j'affine les choses c'est-à-dire 
                              qu'elle veut pas s'occuper, par exemple, là 
                              elle ne s'occupe pas de la location, donc... Après 
                              je sais qu'elle va venir, pour pleurnicher parce qu'elle 
                              nous voit pas, donc, je m'en occupe en même 
                              temps aussi, je préfère que ce soit 
                              moi qui choisisse et que ça devienne de vraies 
                              vacances pour moi, mes enfants, et que je l'invite 
                              chez moi, et je veux qu'elle paie sa part... Je veux 
                              que ce soit clairement entre adultes, voilà. 
                              Je ne me sens pas la force d'affronter mes enfants 
                              qui vont me demander pourquoi, ils ne peuvent plus 
                              voir leur grand-mère, Donc, je la vois. 
                               
                            Intervention Inaudible 
                             
                              Lise : Florence, il y a quelque chose que je voulais 
                            te demander, depuis que tu as parlé ou ton 
                            mari a parlé, est-ce quelque chose a changé 
                            dans ton couple, et la relation avec tes enfants, 
                            est-ce que tu as remarqué quelque chose par 
                            rapport à tes enfants, par exemple ?  
                                   
                                  Irène : Mes enfants ont grandi et m'ont 
                            demandé pourquoi ils ne voyaient plus leur 
                            grand-père. J'avais continué après 
                            la naissance de mes enfants, malgré l'horreur 
                            que c'était pour moi, de penser que j'avais 
                            une fille, que j'étais tellement heureuse d'avoir 
                            une fille et tellement malheureuse, tellement inquiète, 
                            angoissée, d'avoir une fille alors que, le 
                            père était encore là et que j'allais 
                            le voir, donc depuis que j'ai rompu les ponts, les 
                            enfants ont grandi et ont posé des questions, 
                            donc, j'étais amenée à leur dire 
                            pourquoi je ne le voyais plus. D'une façon 
                            différente pour les deux, ma fille me l'a... 
                            dit qu'elle l'avait compris, elle avait huit ans, 
                            elle venait de voir un film, Peau d'Ane, elle m'a 
                            demandé si c'était la même chose, 
                            si c'était pour ça que je ne voyais 
                            plus mon père. Je lui ai juste dit que mon 
                            père m'avait fait beaucoup de mal. Et que j'avais 
                            décidé, en effet, un peu tardivement, 
                            de ne plus le voir, je pensais que c'était 
                            quelqu'un de mauvais pour moi et aussi pour eux, de 
                            ne pas penser qu'un aussi mauvais père, soit 
                            un bon grand-père. J'avais conscience que ça 
                            leur faisait de la peine, mais je considérais 
                            que c'était une décision que je prenais 
                            comme mère... Et du coup ma fille m'a dit : 
                            est-ce qu'il était comme le père de 
                            Peau d'Ane ? Il a voulu....pas se marier avec toi, 
                            mais faire l'amour avec toi ?... J'ai dit oui. Il 
                            s'agissait de ça. Par contre mon fils qui est 
                            plus petit, m'a demandé en pleurant plusieurs 
                            fois pourquoi je ne voyais pas mon père, et 
                            aussi peu sa grand-mère, donc, sa soeur lui 
                            a dit qu'elle le savait, mais, qu'elle n'en parlerait 
                            pas. Ça l'a mis dans un état de jalousie. 
                            Tu lui as parlé et pas à moi. A mon 
                            avis, je lui ai dit que je pensais qu'il n'avait pas 
                            envie d'en entendre parler. Il m'a dit : est-ce que 
                            ton père, il t'a fait mal ? Il m'a dit un truc 
                            très drôle : est-ce qu'il t'a obligée 
                            à faire le ménage ? Ce n'est pas tout 
                            à fait ça, donc je lui dis, que c'était 
                            en rapport avec la...... Parce qu'à ce moment-là 
                            il posait une question sur la sexualité... 
                            Ca a rapport à la sexualité. Il m'a 
                            dit : dans ce cas-là, je préfère 
                            que tu ne m'en parles pas. Je pense lui en parler 
                            plus tard, il posera des questions... J'en parlerai 
                            quand ça se poserait... et depuis il en parle 
                            très peu, il y a toujours tout un cérémonial, 
                            ils sont tristes quand ma mère s'en va, ils 
                            demandent pourquoi, on ne la voit pas plus ? Ca complique 
                            les choses et en même temps, on continue à 
                            la voir.  
                                   
                                    Jacqueline : On parlait de révélation, 
                            je ne l'ai pas fait, mes parents sont 
                              morts et tant mieux, depuis fort longtemps, mais, 
                              je me rends compte que c'est qu'est-ce elle en aurait 
                              fait ? Ce ne sont que des hypothèses, j'ai 
                              pas dit... puisque je l'ai dit... Le dire à 
                              sa mère, c'est quand même pour que quelque 
                              part la mère reconnaisse déjà, 
                              les actes criminels qui ont été commis 
                              sur l'enfant, elle n'a pas protégé, 
                              au moins reconnaître. J'entends là que 
                              le truc, il est mais réduit, réduit, 
                              réduit, à tel point que finalement, 
                              la victime qui est fracassée pour la vie fait 
                              finalement... comment on appelle ça ? crée 
                              un foyer de mésentente, crée une dissension 
                              familiale et que donc, le dialogue se fait sur la 
                              dissension mais ne se fait pas sur la réalité 
                              de ce qui a été vécu qui est 
                              quand même une tragédie. Et j'ai entendu 
                              beaucoup de mères qui étaient hypochondriaques, 
                              toujours malades - ou soeur- à la place de 
                              mère - et finalement qui en occupant farouchement 
                              cette place de victime, qui d'ailleurs arrange, dans 
                              mon cas, arrangeait absolument, j'ai l'impression, 
                              mon père et le reste de la famille, la vraie 
                              victime, elle ne peut pas être reconnue. C'est 
                              mon sentiment. Elle ne peut pas être reconnue 
                              comme telle. Et donc, elle prend encore des risques, 
                              Enfin moi, j'ai l'impression que j'aurais été 
                              encore reviolée ; par le déni que m'aurait 
                              apporté ma mère, par exemple et l'entourage 
                              proche auquel, elle n'aurait pas manqué à 
                              mon avis, d'en parler et ça m'aurait retourné 
                              encore le truc de mauvaise enfant.. voilà ce 
                              que je crois qu'aurait été... de le 
                              dire à ma mère.  
                                   
                                  Mireille : Je trouve que « fracassé 
                              pour la vie, je trouve que c'est un.... 
                           Florence : Il y a de l'espoir !  
                                   
                            Echange Inaudible 
                             
                            Béatrice : C'est vrai que je pensais, 
                            effectivement, le silence. Il y a une partie qu'on 
                            m'a imposé surtout pendant l'acte, il y beaucoup 
                            de culpabilité, de peur d'abîmer sa famille.... 
                            C'est vrai que la victime se met à protéger 
                            et même, je sais que j'en ai pas encore parlé, 
                            mais ça ne saurait tarder, mais je sais que 
                            ça me travaille à chaque fois que j'ai 
                            l'occasion d'assister aux réunions, malheureusement, 
                            je travaille le soir, donc c'est pas toujours évident... 
                            Je viens boire un verre, ce qu'on appelle les afters... 
                            mais j'ai pas l'occasion, souvent, de venir aux réunions 
                            actuellement, ben, à chaque fois que j'y vais, 
                            je n'ai qu'une envie, c'est de prendre le téléphone 
                            et d'en parler, mais, pour l'instant, c'est pas encore 
                            fait, ça ne saurait tarder. En tout cas, effectivement, 
                            il y a le fait... inaudible... C'est la sensation 
                            que j'ai par honte, pour protéger sa famille 
                            mais également, je crois, d'une certaine manière, 
                            on m'a retiré le droit de parole. J'ai vécu 
                            également le fameux journal intime, je venais 
                            juste de le commencer au moment où j'ai quitté 
                            la chambre de mes frères, et j'étais 
                            installée dans ce petit bureau, c'était 
                            vraiment assez petit, du coup, on avait été 
                            obligé d'enlever la porte, pour pouvoir mettre 
                            un matelas par terre et j'avais juste un bureau et 
                            un peu de moquette, et ma mère a trouvé 
                            le journal donc j'avais pas parlé de mon frère 
                            encore, c'était vraiment mes premières 
                            pages, et je parlais d'elle, par contre, qu'elle avait 
                            refusé que je me maquille, et de cette sensation 
                            de gouffre qui nous séparait toutes les deux, 
                            je me suis pris une paire de baffes magistrales, et 
                            cette nuit-là, j'ai dormi sous le bureau... 
                            silence... J'avais pas le droit d'utiliser le lit... 
                                   
                                  Nicole : Tu n'avais pas le droit de ?  
                           Béatrice : D'utiliser le lit, je ne 
                            me suis pas autorisée à dormir dans... 
                            ce matelas. 
                           Maud : C'est-à-dire : tu t'es auto-punie 
                            après avoir été punie. 
                           Béatrice : Oui. 
                                   
                                  Le psychologue : Il faut faire très attention, 
                            par rapport à ce que je disais, tout à 
                            l'heure,, c'est-à-dire qu'on est très 
                            vigilant, à ne pas interpréter ce que 
                            disent les autres. 
                                   
                                  Delphine : En même temps si on sent... 
                            C'est vrai que ça veut dire ; groupe de parole, 
                            on peut, c'est « hyper-inhibant, on 
                            sent que... moi, j'ai envie de poser des questions 
                            et tout, c'est hyper-inhibant le fait... mais c'est 
                            normal d'attendre... mais du coup, il n'y a aucune 
                            interaction, je trouve. Ce n'est plus du tout sous 
                            forme d'atelier, pour moi, c'est sous forme de... 
                            On est d'accord sur le fait de ne pas interpréter...  
                          Echange 
                            inaudible : plusieurs personnes parlent en même 
                            temps 
                                   
                                  Maud : Moi, je posais la question, c'était 
                            sous forme de question, c'était pas du tout 
                            une affirmation, c'était juste pour avoir une 
                            information. Pour être sûre que c'était 
                            bien ça qu'elle voulait exprimer. Il y avait 
                            un doute entre le fait que ta mère qui voulait 
                            que tu dormes... 
                                   
                                    Béatrice : C'était vraiment une 
                            démarche... On nous retire le droit... Il y 
                            avait du chantage affectif, parce que, d'un côté, 
                            je sais que ma mère quand on n'arrivait pas 
                            à avoir, parce que j'ai toujours été 
                            quelqu'un d'assez sauvage, comme elle n'arrivait pas 
                            à avoir le dessus sur moi, quand elle sentait 
                            que ce qu'elle me disait, ça ne m'atteignait 
                            plus, elle utilisait ma grand-mère, parce qu'elle 
                            sait, par contre que j'ai une relation privilégiée 
                            avec elle, et la menace, c'était : je vais 
                            le dire à ta grand-mère, tu vas voir, 
                            ta grand-mère, elle n'apprécie pas du 
                            tout ce genre d'attitude ! C'était vraiment 
                            pour moi le chantage affectif qui... était 
                            lourd à porter. Les choses se sont arrangées 
                            un petit peu maintenant, mais jusqu'à dix-sept 
                            ans et demi, je ne peux pas dire que j'ai eu une relation 
                            avec ma mère. Après je me suis mise 
                            à travailler le week-end et bizarrement à 
                            partir du moment où j'ai ramené de l'argent 
                            à la maison, je n' étais plus à 
                            sa charge, je commençais, j'avais ma chambre 
                            à cette époque-là, je l'ai transformée 
                            en mini-appartement, j'ai payé ma nourriture 
                            et j'ai mangé dans ma chambre. J'avais cessé 
                            totalement d'être à sa charge, je payais 
                            une partie du loyer et mes premières payes, 
                            c'est elle qui les a encaissées à ma 
                            place. A partir du moment où je ne dépendais 
                            pas financièrement d'une certaine manière, 
                            le conflit a cessé, mais notre vie... - On 
                            n'était plus en conflit -... est restée 
                            une absence de dialogue réel. En tout cas, 
                            là actuellement ce que je lui reprocherais, 
                            c'est cette manière qu'elle a eu de m'obliger 
                            à me taire. Il y a une partie de moi, de par 
                            mon caractère, de par le fait que j'ai toujours 
                            eu la sensation d'être une pièce rapportée, 
                            je suis née avec une malformation au pied et 
                            prématurée, j'étais quatre mois 
                            en chambre chaude, couveuse, à l'écart 
                            de ma famille, et par la suite, j'ai subi plusieurs 
                            opérations sur Paris. J'étais séparée 
                            de ma famille assez régulièrement, et 
                            donc, quand je suis revenue au sein de ma famille, 
                            j'ai vraiment fait sensation de devoir justifier de 
                            ma présence, en gros, quoi ! Et, son comportement 
                            ne m'a pas aidée, j'ai souvent l'impression 
                            qu'elle me demandait de justifier de ma présence, 
                            par des... par son comportement vis-à-vis de 
                            moi, par la façon dont elle a privilégié 
                            mes frères, dans son affection, dans sa présence 
                            auprès d'eux, et son absence auprès 
                            de moi. Sur ce sujet, on a eu une discussion qui a 
                            duré trois phrases, et à un moment, 
                            elle m'a dit : « avec ton caractère, 
                            c'était pas facile, j'ai préféré 
                            te laisser faire ta vie un petit peu toute seule. 
                            » Aujourd'hui, lui parler, ça va être 
                            difficile, surtout que, il n'y a pas très longtemps, 
                            mon grand frère qui est marié qui a 
                            deux enfants, deux petites filles, a eu des problèmes 
                            avec sa femme, ils ont failli se séparer, et 
                            ma mère a immédiatement pris la défense 
                            de son fils en rappelant à ma belle-soeur à 
                            quel point mon frère était un homme 
                            serviable, aimable, travailleur et qui s'occupait 
                            bien de ses deux filles. Qui d'ailleurs avait changé 
                            de travail pour être en mesure d'élever 
                            ses filles la journée, et ça c'est un 
                            truc, je me pose la question, il est toute la journée 
                            avec elles, et lui travaille la nuit et sa femme prend 
                            le relais. Voilà, pour l'instant, j'en suis 
                            là, c'est tout. 
                                   
                                  Maud : Quel âge elles ont ? 
                           Béatrice : Dix ans et sept ans. 
                           Delphine : Pourquoi, ça lui vient maintenant 
                            de vouloir être auprès d'elles ? 
                           Béatrice : Ca fait maintenant trois 
                            quatre ans qu'il travaille de cette manière,... 
                            inaudible... C'est vrai que ce n'est pas un métier 
                            qui concilie facilement la famille, je sais qu'il 
                            a toujours voulu avoir des enfants, il connaît 
                            sa femme depuis l'âge de quinze ans, donc il 
                            a trente cinq ans aujourd'hui... inaudible... Ca ne 
                            m'étonne pas en soi, qu'il veuille s'occuper 
                            de ses enfants, mais c'est vrai, que... ayant pris 
                            conscience... Je ne me souviens pas de tout, j'en 
                            suis consciente aussi. Là, il faut que j'en 
                            parle.  
                                   
                                    Delphine : Toi, tu avais quel âge ? Ce dont 
                            tu te souviens ? 
                           Béatrice : Je dois avoir entre cinq 
                            et dix ans. Jusqu'au moment où je quitte cette 
                            chambre, puisque après, je me souviens que 
                            ça se passait, le matin, très tôt 
                            le matin, les week-ends, parce ma mère élevait 
                            ses trois enfants toute seule et le matin, ma mère... 
                            Ma mère qui élevait ses enfants toute 
                            seule, était très organisée, 
                            le matin à sept heures et quart, tout le monde 
                            debout, habillé, prêt à partir 
                            à l'école. Et puis il y avait S.,. mon 
                            frère qui a trois ans de plus que moi, qui 
                            dormait sur le lit au-dessus, donc je ne sais pas 
                            lui, par contre... s'il a pu remarquer quelque chose 
                            je sais qu'il a été aussi un peu perturbé. 
                            Toujours le problème du non-dit, cela se reporte 
                            mine de rien, sur l'ensemble des relations qu'on peut 
                            avoir par la suite, que ce soit avec mon frère, 
                            mes grands-parents, et puis même les amis ? 
                            Voilà, je pense que si j'arrive à en 
                            parler à ma famille, je croise les doigts ! 
                                   
                                    Le psychologue : Je propose, pour une question 
                            de temps qu'on passe au troisième sous-thème 
                            : quitte à revenir, comme le temps qu'on s'accorde 
                            dans un atelier, pour le temps des interventions, 
                            qui était donc :  
                            
                                    4 : Face à 
                                      l'évolution de mon ressenti, quelles sont mes 
                                      attentes par rapport à ma mère ? 
                                       
                            Pause 
                             
                            Questions de diverses personnes demandant des précisions 
                            sur la signification du sous-thème. 
                                   
                                  Le psychologue : C'est l'évolution de 
                            mon ressenti, c'est les attentes au sens large, qu'effectivement, 
                            que la mère soit encore présente ou 
                            qu'elle ait disparu d'une manière ou d'une 
                            autre, d'ailleurs, mais ça peut être 
                            des attentes, je veux dire de pardon, je veux dire 
                            de compréhension, j'irai même jusqu'à 
                            dire que ça a été, effectivement, 
                            dans une des remarques qui a été faite, 
                            à propos de vies brisées, reprises par 
                            certains en disant, parlons d'espoir, il y aussi cette 
                            logique d'attente, qui peut être guidée 
                            par le discours, quelque chose, éventuellement 
                            de plus symbolique ou projetée sur une autre 
                            génération.  
                                   
                                  Irène : J'aurais voulu rebondir sur 
                            ce que tu disais. Une fois qu'on a parlé, qu'est-ce 
                            que ça aurait donné, on serait violé 
                            une seconde fois par le déni, sauf que quand 
                            ça, pour la plupart d'entre nous, j'ai l'impression 
                            que ça arrive et on est adulte. Par contre 
                            la différence, c'est qu'on est capable de se 
                            défendre, c'est vrai que c'est très 
                            violent, le déni, tout le reste... Inaudible... 
                            C'est pas facile non plus ; en attendant, d'abord 
                            réagir comme un enfant face à ses parents... 
                            Inaudible... Je ne me suis pas défendue, mais 
                            je me défends petit à petit. Et donc 
                            toute cette nouvelle violence qui est différente, 
                            qu'il s'agisse du chantage affectif, de la demande 
                            d'oublier ou de mettre de côté, peut-être 
                            que là, on peut apprendre... avec un regard 
                            d'adulte et du coup... pour les attentes, c'est vrai 
                            que j'ai beaucoup attendu, il y a longtemps, une protection 
                            qui n'est pas venue, un intervention qui n'est pas 
                            venue, ça quand j'étais vraiment jeune. 
                            Après... une période où je n'y 
                            ai plus pensé, donc, j'attendais rien de spécial. 
                            Et puis quand j'en ai parlé, j'ai attendu une 
                            réaction sans savoir laquelle, d'ailleurs, 
                            comme une sorte de baume qui arrive et qui va faire 
                            du bien... une parole, un geste, : dire : ce salaud 
                            ! Je le quitte après ce qu'il t'a fait, j'imagine 
                            qu'en gros, c'est quand même ça... l'idée 
                            à laquelle j'ai jamais cru réellement, 
                            par contre comme scénario... Inaudible... Et 
                            puis ces attentes-là se recentrent beaucoup 
                            sur... un rapport, comment maintenant moi, je peux 
                            vivre une relation avec ma mère qui soit le 
                            plus possible décidée par moi, de mon 
                            point de vue, que ce soit moi qui prenne l'initiative, 
                            y compris ce problème que j'ai de continuer 
                            à la voir, dans quelles circonstances, comment 
                            j'organise ça, que ce soit quand même 
                            moi qui le décide, en fonction de mes intérêts 
                            de ceux des enfants, de mon mari... Quelles que soient 
                            les raisons, j'ai décidé, et du coup, 
                            j'attends plus rien d'elle sauf que finalement d'accepter 
                            ça... C'est qu'il y a des moments, je ressens 
                            beaucoup de colères, dans le passé et 
                            par contre sur le présent assez peu, parce 
                            que j'attends moins, mais, la colère... Elle 
                            veut pas accepter les choses, c'est essayer de repartir... 
                            Par exemple, si elle essaie de me reculpabiliser par 
                            rapport à mes enfants, si elle me dit : ils 
                            ont de la peine parce qu'ils ne me voient pas beaucoup 
                            ! elle le dit jamais comme ça, c'est jamais 
                            aussi clair, juste : « Ah ! c'est triste... 
                            ». Par les enfants des autres.... Qui voient 
                            leurs grands-parents, ça par contre, j'ai une 
                            attente, une demande de l'ordre : qu'elle reste à 
                            sa place, qu'elle a bien voulu prendre, une victime 
                            responsable, ça s'est son intérêt 
                            à elle, mais de moins en moins, qu'elle vienne 
                            pas essayer de me déstabiliser moi lorsque 
                            j'essaie de faire... et dans ces conditions-là, 
                            on pourra éventuellement continuer par une 
                            relation, sinon, affectueuse, je ne sais pas du tout 
                            où j'en suis... de mes émotions. Je 
                            suis incapable de dire si j'aime ma mère ou 
                            si je ne l'aime pas. A la limite, c'est plus clair 
                            pour mon père, je sais où j'en suis 
                            à peu près, ma mère, c'est complètement...                            Inaudible... Je ne sais pas du tout ce que j'éprouve. 
                            Je sais ce que je veux faire et ne veux pas faire. 
                            Il y a une autre chose sur les mères, à 
                            propos de parler. J'ai... je sais pas du tout comment 
                            ça peut finir tout ça. Il y a quelque 
                            temps, deux ans après en avoir parlé 
                            à ma mère, j'ai réalisé 
                            que ça pouvait au moins servir à ce 
                            que je n'aie plus peur de parler en général. Et du coup, j'ai appelé des voisins de mes 
                              parents au téléphone, parce que j'ai 
                              réalisé qu'ils avaient des petites filles, 
                              qu'elles étaient tout le temps fourré 
                              chez mes parents, et que... je ne pensais pas que 
                              mon père ferait quelque chose avec ces petites 
                              filles, parce que je pense que par moi, il aurait 
                              beaucoup trop peur du public, pour aller vers d'autres 
                              familles. C'est juste de l'ordre du voyeurisme, alors 
                              ça par contre, si ! Je l'ai vu avec elles comme 
                              avec des copines et de leur dire : ben non, tu peux 
                              te baigner toute nue dans la piscine !... Donc j'ai 
                              appelé la mère pour lui dire d'abord 
                              pourquoi je ne venais plus, car je sais qu'elle soutenait 
                              ma mère qui n'avait rien dit. Je voulais le 
                              lui dire, car je voulais qu'elle soit vigilante avec 
                              ses filles, qu'elle ne les laisse aller chez mon père... 
                              Je voulais qu'elle refuse que ses filles soient seules 
                              avec mon père. Qu'elle soit toujours, soit 
                              là, soit qu'elle leur en parle, qu'elle fasse 
                              comme elle veut. Alors, elle m'a répondu... 
                              inaudible... elle m'a dit qu'elle comprenait que c'était 
                              très dur, qu'elle comprenait maintenant que 
                              je sois partie... Qu'à présent, elle 
                              espérait que ça irait mieux pour moi, 
                              et elle m'a dit que elle, elle avait une relation 
                              très particulière avec mes parents, 
                              ils sont voisins et ils sont un peu comme leurs parents, 
                              car effectivement, elle n'a pas eu de problème 
                              avec les grands-parents de ses enfants, mais que ce 
                              genre de situation, elle en avait souvent parlé 
                              avec ses enfants, c'était quelque chose qui 
                              était pour elle très clair, que la protection 
                              des enfants... et qu'elle avait remarqué que 
                              mon père avait un regard pas toujours très 
                              sain sur les filles, les petites filles et que donc, 
                              elle en tenait compte déjà et qu'elle 
                              en tiendrait compte encore plus. Elle m'a remercié 
                              de l'avoir dit. Pour autant, elle continuera à 
                              voir ma mère et mon père... Le fait 
                              d'avoir pu parler, là, j'apprends rien par 
                              rapport à ma mère, mais moi, j'ai pris 
                              une liberté, comme quoi, je peux aller parler, 
                              y compris à des gens autour d'elle. 
                                   
                                  Le psychologue : Merci. 
                                   
                                  Béatrice : Alors, moi les ressentis 
                              surtout, c'est le doute, j'aimerais que ma mère 
                              me soutienne vis-à-vis de mon frère 
                              du fait qu'elle a toujours eu une préférence 
                              pour mes deux frangins. Donc, je ne sais pas du tout 
                              qu'elle va être sa réaction. Je sais 
                              que ces dernières années, elle a pas 
                              mal évolué, elle a repris sa vie de 
                              femme, un petit peu, qu'elle avait totalement abandonnée. 
                              Elle est devenue mère et elle ne s'est consacrée 
                              qu'à faire le ménage, élever 
                              ses enfants, aller travailler. Elle sortait plus beaucoup 
                              et là, elle ressort, donc elle a de nouveau 
                              une vie de femme, donc, je la sens un peu mieux dans 
                              sa peau donc je me dis que c'est peut-être le 
                              moment de lui en parler, elle sera plus à même 
                              d'encaisser le choc. Après si elle n'accepte 
                              pas, je suis arrivée à l'idée 
                              que c'est son problème, plus le mien, là 
                              aussi, il y a une espèce de distance par rapport 
                              à ma famille, et cesser de vouloir les protéger, 
                              surtout en l'occurrence, c'était les protéger 
                              de moi, alors que j'ai jamais voulu leur faire du 
                              mal, donc, c'est plutôt l'inverse qui s'est 
                              produit. Mon ressenti, c'est le doute. Je ne sais 
                              du tout comment elle va réagir, bien sûr 
                              les attentes c'est son soutien, soutien inconditionnel, 
                              ça serait bien !... J'apprécierais énormément. 
                              Je ne sais pas si c'est possible. En tout cas, c'est 
                              ce que j'espère. Et puis également, 
                              une communication, une relation moins subie, et plus 
                              équitable, plus équilibrée... 
                              qu'elle puisse accepter, pas mon opinion, parce que 
                              mon opinion, j'ai jamais eu de problème à 
                              lui dire sur certains sujets ce que je pensais, même 
                              si j'étais en désaccord avec elle, mais 
                              par contre sur le plan émotionnel, affection, 
                              sentimental et tout... plus équilibré, 
                              c'est-à-dire une affection de sa part. Je lui 
                              rendrai...j'espère être en mesure de 
                              lui rendre, par exemple, je me souviens dans un café 
                              le jour où elle m'a prise dans ses bras. Cela 
                              m'a choquée, cela m'a marquée, ce qui 
                              n'est pas normal entre guillemets. Je devrais prendre 
                              ce geste naturellement, mais je les pas pris naturellement 
                              et en plus, j'ai eu l'impression que c'était 
                              plus une démonstration vis-à-vis d'une 
                              tierce personne qui était présente, 
                              qui elle par contre avait une famille très 
                              unie, très soudée, et j'ai eu le sentiment 
                              que ma mère donnait une représentation 
                              plus qu'un véritable geste d'affection, alors 
                              j'espère une relation plus équilibrée, 
                              plus honnête, en fait... l'honnêteté, 
                              même si des fois, c'est difficile. J'aimerais 
                              mieux que les mensonges disparaissent, un petit peu, 
                              les non-dits, quitte à ce que ça fasse 
                              mal, je crois que je préfèrerais, car 
                              finalement, le silence, le non-dit fait beaucoup plus 
                              de mal qu'autre chose. 
                                   
                                    Maud : Moi, je me souviens que j'allais... J'ai 
                              passé plusieurs mois... J'ai rejoint le groupe 
                              l'année dernière et je l'ai enfin dit 
                              en septembre. J'ai fait les choses assez rapidement... 
                              Je m'en rends compte avec le recul et j'avais passé 
                              une bonne partie de l'été avec ma mère 
                              et j'avais trouvé systématiquement des 
                              excuses pour ne pas lui dire. J'étais partie, 
                              fin juillet en me disant : bon, cet été, 
                              je le dis à ma mère, et il y avait toujours 
                              quelque chose qui faisait que je me disais, ce n'est 
                              pas possible. Là on est en vacances, il y avait 
                              du monde, alors, du coup, elle va être mal à 
                              l'aise, secret de famille..., les machins, les amis... 
                              donc... et puis après, je suis rentrée, 
                              elle a déposé le bilan. Je me suis dit, 
                              elle a déjà ça, ensuite, c'était 
                              son anniversaire, je vais lui dire à la période 
                              de son anniversaire, enfin... bonjour le cadeau. J'ai 
                              trouvé des millions d'excuses jusqu'au moment 
                              où, j'ai de gros problèmes dans la famille 
                              du côté de mon père, avec mon 
                              oncle... C'était une période très, 
                              très, très tendue, je suis arrivée 
                              chez ma mère, un soir en larmes, j'ai fondu 
                              en larmes, je n'en pouvais plus, j'avais tout ça 
                              qui pesait sur mes épaules et du coup je me 
                              souviens, ma tante était là, mon beau-père 
                              était là, et ma mère a senti 
                              qu'il devait y avoir un truc assez ennuyeux, puisque 
                              j'étais dans un tel état, elle m'a dit 
                              : tu veux qu'on aille à côté, 
                              qu'on aille en parler, je me suis dit, je vais pouvoir 
                              parler ? Donc après avoir tout déballé, 
                              je lui ai dit, j'ai un truc à te dire : c'est... 
                              je lui dis... je suis vraiment désolée... 
                              Elle me dit : mais désolée de quoi ?...( 
                              rires de la narratrice...) Je lui ai expliqué 
                              que j'avais mis du temps à pouvoir lui parler 
                              et à lui dire. Et bon, c'était un peu 
                              surréaliste... Elle m'a dit que pas du tout, 
                              que je n'avais pas à être désolée, 
                              que c'était moi, la victime, et que c'est pas 
                              grave, c'était une bombe, mais voilà, 
                              elle en tout cas pouvait le surmonter, c'est une adulte 
                              donc, même si moi, je suis adulte, elle a une 
                              expérience de vie, qui fait que... Elle a eu 
                              des coups durs, donc ça, elle avait tout à 
                              fait, les épaules pour le porter, et... Elle 
                              m'a complètement soutenue, bien sûr, 
                              et... En fait maintenant, les attentes, je ne sais 
                              pas parce qu'on n'en parle pas beaucoup. Je lui dis 
                              quand je viens au groupe et elle me dit, je ne suis 
                              pas prête encore à venir, je lui ai dit 
                              que c'était pas grave. Ça c'est une 
                              attente que j'ai, c'est que, un jour, elle ait le 
                              courage de venir, un dernier mercredi du mois pour 
                              qu'elle prenne l'ampleur... C'est très étrange, 
                              j'ai envie qu'elle vienne, parce que... le peu de 
                              fois où en a parlé, la première 
                              fois, elle avait des idées très arrêtées, 
                              et tout ce que moi, je vivais dans le groupe était 
                              complètement à l'opposé de ce 
                              qu'elle pouvait s'imaginer. Et donc, j'aimerais qu'elle 
                              comprenne que c'est pas du tout comme elle s'imagine, 
                              que ça a une répercussion dans notre 
                              vie, que y'a des foyers, des sites, des familles où 
                              ça se produit, ça se reproduit, de génération 
                              en génération. D'ailleurs, je ne suis 
                              pas la seule, seulement dans ma famille, puisqu'on 
                              est quand même très très nombreux 
                              et donc, ça elle a du mal à l'accepter, 
                              je voudrais que ça lui ouvre un peu plus l'esprit, 
                              même si elle est très ouverte d'esprit, 
                              là-dessus, elle est très arrêtée 
                              tout en prenant conscience que c'est grave.  
                                   
                                    Delphine : C'est quoi... Ce qu'elle voit...Quand 
                              tu avais dit c'est très opposé. 
                           Maud : Elle m'avait dit que... qu'on était 
                            formé à ça, c'est-à-dire, 
                            que... il ne pouvait pas exister... moi, je suppose 
                            que mon cousin, était dans une famille qui 
                            fait qu'on ne pouvait arriver qu'à ça...Lles 
                            enfants dorment avec leur mère. Même 
                            si je n'y étais pas. Mon ex-tante virait mon 
                            oncle après s'être fait engrossée, 
                            après avoir accouché, et elle dormait 
                            avec ses gamins et mon oncle dormait sur le canapé 
                            donc il y en a un qui a échappé à 
                            ça, et l'autre, comme il s'est remarié, 
                            le dernier y dormait dans la chambre et il entendait 
                            sa mère niquer avec son nouveau mari. Forcément, 
                            même s'il n'a pas été lui-même 
                            abusé, il s'est retrouvé dans un climat, 
                            qui fait que c'est anormal, on ne dort pas avec sa 
                            mère tous les soirs... Et ma mère disait 
                            : « ce n'est pas impossible, ça voudrait 
                            dire qu'on est formaté, et on a un libre-arbitre 
                            ». On est enfant, on n'a pas de libre-arbitre 
                            selon le climat familial. Voilà ! Moi, mon 
                            grand-oncle, il mettait la main dans la culotte de 
                            sa fille à table et personne ne disait rien. 
                            Résultat, ça s'est reproduit sur un 
                            autre enfant. Un enfant abusé, un des ses cousins.... 
                            Ca fait une bombe, ils ont porté plainte, du 
                            coup ils sont rejetés. 
                                   
                                  Delphine : Dans toute la famille paternelle, 
                            aussi, eux aussi, ils sont... 
                           Maud : Ils sont... ma grand-mère, ils 
                            sont cinq, donc il y a des frères et soeurs 
                            et chacun a fait quatre enfants, donc on se retrouve 
                            une centaine, on parle par branche, donc moi, il y 
                            a ma branche, c'est moi, en sachant que mon abuseur 
                            abuse sa propre soeur depuis des années. Depuis 
                            toujours, je pense,... je me dis si, dans l'autre 
                            branche où là on en a parlé ouvertement, 
                            il y a d'autres branches, peut-être qu'un jour 
                            ça sortira... Je me dis déjà 
                            deux sur quatre, parce que j'ai un grand-oncle qui 
                            n'a pas fait d'enfants. Deux sur quatre je trouve 
                            ça déjà bien. Et c'est là, 
                            je me dis, j'aimerais qu'elle comprenne qu'il y a 
                            des climats qui font qu'il y a une possibilité 
                            que ça se reproduise, tant qu'on n'en parle 
                            pas. 
                                   
                                    Delphine : Tu as dit à un moment, ma mère, 
                            elle m'a soutenue, bien sûr ! Comme si c'était 
                            une évidence... sauf que si elle venait au 
                            groupe. 
                           Maud : Oui, sauf, si elle venait au groupe, 
                            elle comprendrait mieux, parce que là, j'ai 
                            un soutien inconditionnel, mais j'ai l'impression 
                            sans une réelle compréhension, alors 
                            qu'elle-même a été témoin, 
                            elle se souvient très bien de son grand-oncle 
                            qui mettait la main dans la culotte de sa fille. Tout 
                            le monde le savait. Personne ne disait rien, il tabassait 
                            son autre enfant, et on suppose que ses deux filles 
                            y sont passées. Résultat... Inaudible... 
                            Regarde là, c'est flagrant, je dis pas que 
                            mon ex-tante a abusé de son propre fils, je 
                            dis juste que le fait de dormir avec son gamin, ça 
                            crée un climat et qu'il s'est retrouvé 
                            à onze ans... Il a pris la place du père 
                            pour les trois enfants, la quatrième puis la 
                            cinquième qui est née. Donc il s'est 
                            retrouvé en position de force, il n'avait que 
                            onze ans, mais ma mère elle voit que ça, 
                            « c'est déroutant, c'est perturbant, 
                            voilà ». 
                            C'est pas parce qu'on est en charge de ses frères 
                            et soeurs qu'on abuse quoi ! C'est pas suffisant comme... 
                            pour... 
                                   
                                  Delphine : En fait tu veux dire qu'elle veut 
                            pas entendre qu'il y a de l'inceste dans votre famille, 
                            c'est ça ?  
                           Maud : C'est la transmission qu'elle ne comprend 
                            pas. 
                           Delphine : Elle n'est pas automatique, elle 
                            n'est pas systématique, on est d'accord sur 
                            ça. 
                           Maud : Non elle n'est pas systématique, 
                            pour elle ça voudrait dire qu'on est formaté 
                            et donc on va reproduire systématiquement... 
                            Je lui dis : « tant que le schéma est 
                            mis en place et tant qu'on n'en parle pas... » 
                            c'est le cas, et elle... J'essaie de temps en temps 
                            de remontrer... J'aimerais qu'elle vienne, puis sinon... 
                            C'est de la part de ma tante que j'ai été 
                            plutôt très étonnée, parce 
                            qu'elle, elle était prête à aller 
                            parler à mon cousin, et à le fracasser, 
                            verbalement, de... parce qu'elle a été 
                            témoin de rapports étranges entre lui 
                            et sa soeur. Toujours sur ses genoux, à douze 
                            ans, en train de se frotter, toujours collée 
                            à son frère. Elle trouvait ça 
                            complètement anormal, elle disait : c'était 
                            malsain ! Elle m'avait dit : « ben si tu veux, 
                            moi quand je le vois, on habite à huit cents 
                            kilomètres, donc on ne se voit jamais, sauf 
                            pendant les vacances quand on se croise, elle me dit 
                            : « si je le vois, si tu veux je vais lui parler 
                            ». Je lui dis : « écoute, non c'est 
                            mon truc, c'est quand, je sentirai le besoin de lui 
                            parler, je lui parlerai, elle m'a dit : « si 
                            tu viens pendant les vacances, je serai là, 
                            je serai pas très loin et voilà. Elle 
                            voulait organiser complètement le truc pour 
                            lui balancer... Là j'ai été, 
                            vraiment... heureuse, c'est pas le mot, mais j'ai 
                            senti un soutien inconditionnel de sa part. 
                                   
                                  Béatrice : Je voudrais juste réagir, 
                            parce ça me fait écho, je me rends compte 
                            que même de la part de quelqu'un... Car, je 
                            connais Nathalie qui est très ouverte, très 
                            gentille et tout, même de sa part... La première 
                            réaction, c'est de comprendre le cheminement, 
                            voire même la souffrance de l'abuseur, et faire 
                            que d'occulter la souffrance de la victime... nous 
                            invite... De la part de la victime d'accepter, mais 
                            la victime est une enfant, donc c'est vrai, on n'a 
                            peut-être pas réagi, en tout cas les 
                            adultes ont encore, cette première réaction 
                            d'essayer de comprendre le coupable, enfin l'abuseur 
                            et finalement, d'occulter quelque part, de ne pas 
                            parler de la souffrance de la victime.... C'est peut-être 
                            pour ça que tu voudrais qu'elle soit présente. 
                            Pour mieux comprendre ce que toi, tu as vécu. 
                            Au travers d'écouter ce que disent les gens... 
                                   
                                  Maud : Je sais pas. 
                           Béatrice : C'est vrai que c'est pas 
                            facile d'exprimer sa souffrance, vis-à-vis 
                            des gens qu'on aime, parce qu'ils ont... 
                                   
                            Cassette retournée. 
                             
                            Béatrice : Même si on parle beaucoup, 
                            de tout, de rien... Je lui dis que je vais mal. Rentrer 
                            dans les détails, pourquoi ? comment ? C'est-à-dire, 
                            je le fais avec personne, encore moins avec ma mère. 
                                   
                                  Delphine : Il n'y a qu'ici, il faut qu'elle 
                            se déplace... 
                           Béatrice : Ici, il y a un espace de 
                            liberté pour pouvoir le faire... Avec personne, 
                            même avec les ami(e)s les plus proches.  
                                   
                                  Noémie : Moi, j'essayais de lui faire 
                            comprendre, je crois qu'à plusieurs reprises, 
                            j'ai essayé de faire comprendre que c'est pas 
                            parce que je travaillais bien à l'école, 
                            que j'ai suivi une scolarité tout à 
                            fait normale, que j'ai fait toutes les activités 
                            que j'avais voulues, et qu'elle me les a données 
                            que forcément dans ma tête, ça 
                            allait bien tout le temps, que j'étais tout 
                            le temps zen et heureuse de vivre, parce que moi, 
                            je cachais tout... En fait, c'était la nuit, 
                            le soir que je chialais dans mon lit, c'est-à-dire 
                            que je ne montrais rien qui laissait penser que je 
                            pouvais ne pas être heureuse... Des fois, j'ai 
                            essayé de lui faire comprendre ça, mais 
                            c'est vrai, quand sa mère a ses propres problèmes, 
                            c'est très difficile, de se dire je vais lui 
                            en rajouter un autre, et... Moi, j'avais peur d'être 
                            abandonnée, c'est vrai que malgré tout... 
                            J'étais toujours très proche de ma mère, 
                            mais je me suis dit si je lui dis ça, je ne 
                            sais pas pourquoi, mais j'avais peur d'être 
                            abandonnée, et c'est vrai que cette idée 
                            m'était totalement insoutenable. Et.. ça 
                            m'a tellement aidée de savoir que c'est ma 
                            mère qui m'a proposé le groupe de parole, 
                            je pense qu'elle voulait aussi contrôler que 
                            ce groupe n'était pas une secte, je pense que 
                            c'était quand même l'ultime protection, 
                            de savoir, si j'allais pas encore retomber dans un 
                            truc... Et finalement, ce premier jour d'AREVI, moi, 
                            j'ai pas trop parlé, c'est ma mère qui 
                            a craqué, qui a pleuré énormément 
                            et alors que elle ne faisait jamais ça avant, 
                            alors que devant moi, c'était toujours je vais 
                            m'enfermer dans la salle de bain, je savais qu'elle 
                            pleurait à cause de mon père, à 
                            cause de soucis, comme chacun, mais elle ne montrait 
                            jamais ses sentiments, et là le fait qu'elle 
                            sorte ça enfin, je me suis dit : c'est très 
                            bien, ça nous fait du bien à nous deux. 
                            Je pense pareil qu'elle se rendait pas compte non 
                            plus de toutes les facettes qui existent au niveau 
                            de l'inceste, et moi, c'est pareil, j'étais 
                            persuadée que l'inceste, c'était uniquement 
                            « père-fille » « père-fils 
                            »et que ça ne pouvait pas exister entre 
                            frères et soeurs, ça j'en étais 
                            persuadée. Que j'étais le cas unique, 
                            et c'est ça qui m'a fait sombrer dans la dépression, 
                            d'une façon terrible, effroyable, et en venant 
                            là et en découvrant que il pouvait y 
                            avoir un cousin, un frère, même pas très 
                            âgé, pas une grosse différence 
                            d'âge, ça m'a fait un bien...incroyable. 
                            Voilà !... silence... Ma mère, c'était 
                            pareil, je pense qu'elle ne se doutait pas que l'inceste 
                            « frère-soeur, ça pouvait être 
                            aussi courant. Et c'est vrai que c'est en venant là, 
                            qu'elle a pris conscience que tiens ! il pouvait y 
                            avoir autant de garçons que de filles et que... 
                                   
                                  Delphine : Il y avait des garçons violés.  
                           Noémie : Aussi, même entre frères.  
                                   
                                    Delphine : Et tes attentes ?  
                           Noémie : J'espère que ça 
                            continue, parce que je sais qu'elle a pas mal de force 
                            de caractère, et c'est quand même, elle 
                            se plaint aussi de ses problèmes, moi, ça 
                            ne me poussait pas trop à lui en parler. J'espère 
                            qu'elle va pas... que j'aie eu une dépression 
                            trop forte par rapport à l'acte, à ce 
                            qui s'est passé, et que... Mais bon elle est 
                            tout à fait prête, elle me pousse à 
                            écrire à mon frère, des lettres 
                            ou des... simplement pour savoir que mes parents sont 
                            au courant, moi j'ai envie que ça vienne de 
                            moi et dans l'immédiat, c'est pas à 
                            l'ordre du jour. Moi, je veux une confrontation directe, 
                            qui aura lieu plus tard quand je serai vraiment prête 
                            à encaisser, même s'il nie tout, s'il 
                            me traite de folle, que je puisse encaisser sans me 
                            faire replonger, encore plus. 
                                   
                                    Martine : Ca me fait rebondir, dans les attentes, 
                            c'est de ne pas aller trop vite, parce que moi, j'ai 
                            vraiment envie de tout, d'aller voir mon père, 
                            lui parler, de parler à ma mère ensuite, 
                            de parler à ma soeur et je me rends compte 
                            que vraiment il faut que je sois très prudente, 
                            que je sois protégée,.... En parlant 
                            au groupe de parole, le mercredi soir, je me rends 
                            compte quelle déception ça peut être 
                            s'il y a un refus en face si ça se passe mal, 
                            il faut quand même être assez préparée... 
                            J'y vais vraiment doucement, j'ai envie de me donner 
                            une vraie place avant que je reconnaisse déjà, 
                            intérieurement ce qui s'est passé, parce 
                            qu'il y toujours cette amnésie, qui est là 
                            par rapport à mon père, l'image est 
                            très claire, mais par rapport au copain de 
                            ma grand-mère, j'ai juste eu un sentiment et 
                            quelques images qui viennent après les migraines, 
                            avec migraines, quoi ! Mais faut vraiment que je fasse 
                            un travail d'accepter tout ça, déjà 
                            à l'intérieur de moi et ensuite, après 
                            parler et faire des démarches. Bien sûr 
                            les attentes, ce sera le soutien de ma mère 
                            et de ma soeur. Ce sera vraiment important, je crois 
                            que je m'écroulerais si... Donc vraiment, il 
                            faut que je sois prête à tout, je pense 
                            que je les connais suffisamment pour savoir qu'elles 
                            me croiront, après comment elles vont le gérer, 
                            ça je ne le sais pas, mais... J'ai un gros... 
                            Inaudible... C'est par rapport à mon père, 
                            j'ai envie de... quand même commencer à 
                            faire des petites allusions, cet été, 
                            en le sensibilisant, sur le fait que j'ai pas envie 
                            d'avoir d'enfant, parce que j'ai eu certaines difficultés, 
                            mais peut-être pas... parler de rien, mais préparer 
                            doucement, mais là je sais pas. L'attente ce 
                            sera... Je crois que tout devra venir de moi, évidemment, 
                            l'attente, c'est plutôt de moi, d'avoir le courage 
                            d'aller suffisamment loin et de confronter mon père, 
                            même si c'est pas cette année, même 
                            par écrit, plus tard. 
                                   
                                  Mireille : Ils sont encore ensemble tes parents 
                            ?  
                           Martine : Non, ils sont séparés 
                            depuis l'année dernière, d'où 
                            aussi cette envie de parler d'abord à mon père, 
                            parce que si je parle à ma mère ça 
                            va être mélangé avec la séparation, 
                            elle va... comme elle est... elle culpabilise beaucoup 
                            parce que mon père la culpabilise énormément, 
                            parce qu'il doit lui payer des indemnités, 
                            parce qu'elle a pas de métier, elle fait des 
                            choses, mais elle peut pas gagner sa vie entièrement, 
                            et donc le fait que je lui dise une raison qui pourrait 
                            la mettre en colère contre lui, je ne voudrais 
                            pas que ce soit moi. Je veux qu'ils règlent 
                            leur truc... Il faut que je commence par mon père... 
                            C'est pour moi, le plus important... 
                                   
                                    Lise : Mais ta mère... Comment tu l'aimes 
                            ta mère ?... Inaudible... 
                           Plusieurs personnes parlent en même temps.  
                           Lise : Moi, je réagis par rapport à 
                            moi. Tu te sens bien avec ta mère ? C'est ça 
                            que je veux dire ou tu te sens mal ? 
                           Martine : Je me sens très écrasée 
                            par elle. Je suis très dans la fusion, elle 
                            m'a toujours protégée, énormément, 
                            et mangée, je n'existais pas, en fait, elle 
                            m'a habillée comme une petite poupée, 
                            c'était... En fait, elle m'a jamais vraiment 
                            reconnue en tant que vraie personne, parce que... 
                            elle pouvait passer des heures à parler d'autres 
                            gens, de leurs problèmes.. ; de ses problèmes, 
                            elle ne se rendait pas compte que je parlais pas et 
                            j'étais pas heureuse... Notre rapport est pas 
                            très... c'est comme si j'étais quelque... 
                            chose, presque, à laquelle elle pouvait s'accrocher, 
                            quelqu'un de rassurant : « toi, t'es sage, toi... 
                            t'es bien ma fille, tu restes... Moi je prends conscience 
                            de plus en plus que ça m'étouffe... 
                            Une relation très étouffante, mais on 
                            fait du chemin ensemble en ce moment. Ça commence 
                            à aller un peu mieux. 
                                   
                                    Lise : . Elle est pareille avec ta soeur ? 
                           Martine : Ben, ma soeur a un caractère 
                            assez fort, donc elles se sont chamaillées 
                            pendant des années... Ma soeur elle est pas 
                            bien, elle a des complexes par rapport à son 
                            physique, elle a des symptômes très forts 
                            et par moment, elle ne sentait plus ses jambes. Quand 
                            tu disais, mettre un pied devant l'autre souvent elle 
                            se demandait : « comment je fais pour mettre 
                            un pied, comment ça fonctionne mes jambes ? 
                            », elle avait beaucoup de crises comme ça. 
                            Enfin il y a beaucoup de choses qui vont pas bien. 
                            Elles sont beaucoup en conflit, plutôt, mais 
                            ma soeur est très, très dépendante 
                            de ma mère. Et en même temps, il y a 
                            une haine et un amour, c'est très lié, 
                            très fort. C'est compliqué. En plus 
                            mon père qui n'était jamais présent, 
                            dans l'éducation, ça fait qu'on s'est 
                            vraiment accrochées à trois, les trois 
                            femmes ensemble et ma mère est presque comme 
                            une petite fille par moment avec nous. C'est très 
                            compliqué... 
                                   
                                  Lise : Je suis contente d'avoir posé 
                            la question. 
                           Martine : Ca fait du bien de le dire. 
                                   
                                  Mireille : Vos mères, elles sont en 
                            psy ?  
                           Maud : Bonne question ! 
                           Rires. Inaudible. . Plusieurs paroles ensemble... 
                                   
                                  Irène : Ma mère a essayé. 
                            C'est mon frère qui lui a dit d'y aller, plus 
                            pour elle, car elle déprimait, après 
                            que j'ai parlé, donc, il lui a dit d'y aller. 
                            Elle m'en a parlé récemment. Pour, évidemment, 
                            dire qu'elle ne pouvait pas supporter ça. Que 
                            ça lui faisait un peu du bien de parler, mais 
                            qu,e par contre, le psy voulait lui faire les choses 
                            d'une façon qu'elle ne pouvait pas accepter. 
                            C'était honnête... Inaudible... Elle 
                            voulait juste dire à quel point, elle était 
                            chagrinée, et horrifiée de ce qui s'était 
                            passée et qu'elle en souffrait, ce qui était 
                            vrai. Et par contre, il voulait aussi lui faire dire... 
                            Il voulait lui faire voir les choses autrement, et 
                            ça elle ne pouvait pas l'accepter, car il se 
                            trompait. 
                                   
                                  Jacqueline : C'est pas parce que c'était 
                            intolérable ? 
                                   
                            Résumé d'un dialogue : Lui il se trompe. 
                            C'est intolérable pour elle, car il va la forcer, 
                            à chaque fois... Elle a senti qu'il a posé 
                            deux ou trois petites questions : Ouh la la ! Il voulait 
                            l'amener à quelque chose, elle m'a dit que 
                            ça c'est pas possible ! J'ai entendu, je ne 
                            peux pas y arriver. Mais en même temps, c'est 
                            pas possible de me vouloir ça. Voilà, 
                            ça s'est arrêté là ! Et 
                            puis elle m'a dit qu'elle s'était soignée 
                            en... Pour elle ça n'a vraiment pas marché..... 
                            Elle s'est soignée à coup de jardin. 
                            Et par contre pas de psy.  
                                   
                                  Irène : Même si moi, je pourrais 
                            arrêter d'en parler, elle me demande si je vois 
                            un psy... Inaudible... La première chose que 
                            j'attends... quand elle vient... Je dis : « 
                            j'ai rendez-vous chez mon psy » ; elle me dit 
                            : « mais tu le vois encore ? tu es obligée 
                            de le voir autant que ça. ? » Je dis 
                            : « je ne suis pas obligée, je le veux 
                            ». 
                                   
                                  Jacqueline : Si j'avais pu lui dire, comme... 
                            mais j'ai pu rien dire : il m'a tellement torturée, 
                            papa, il m'a tellement fait souffrir que c'est très 
                            long. 
                                   
                                    Irène : Je dis juste : j'en ai besoin. 
                             
                            Plusieurs personnes parlent en même temps. 
                             
                            Jacqueline :. Dire... Je n'y vais pas par plaisir, 
                            j'y vais par obligation, Je pense que la durée... 
                            du truc est à la hauteur du marasme et donc 
                            de dire : tu le vois encore, moi, ça m'a tout 
                            de suite fait réagir par rapport à l'ampleur 
                            de tout ce que tu as subi.  
                                   
                                  Irène : Comme on dit, c'est très 
                            mélangé, sincèrement, ça 
                            l'inquiète... Si tu y vas, c'est que ça 
                            va pas bien, donc ça veut dire : est-ce que 
                            tu ne pourrais pas arriver à t'en sortir maintenant, 
                            à aller mieux, mais en même temps, il 
                            y a un petit côté, qu'est-ce que ça 
                            m'arrangerait si tu allais mieux... Cette histoire 
                            de psy, ça la travaille. Mon frère a 
                            voulu aller voir un psy, je ne sais pas s'il va en 
                            voir un maintenan,... Elle a parlé de mon frère, 
                            elle m'a pas dit, j'imagine qu'il a des problèmes, 
                            mais en gros, quelque chose comme ça, qu'il 
                            devrait aller voir quelqu'un, alors qu'en fait... 
                            C'est parce qu'en ce moment, il ne trouve pas de femme. 
                            Il ne se marie pas. Pourquoi, il parle d'avoir une 
                            famille et qu'il n'y arrive pas. Voilà.... 
                            Après dans les discours que j'entends chez 
                            des tas de gens, qui sont faciles après... 
                            Inaudible... Tout le monde maintenant, au moindre 
                            petit bobo va chez son psy, pour aller se faire dorloter... 
                            Alors que je vais chez mon psy pour travailler. 
                                   
                                  Jacqueline : En vous entendant, voilà, 
                            les attentes que j'aurai... Mais petite description 
                            d'une scène de ce que papa faisait... Inaudible....Ecoute 
                            ça maman, parce que c'est tellement facile 
                            de dire qu'au moindre cor au pied, toute l'énergie 
                            qui est mise pour réduire le machin, donc...  
                                   
                                  Irène : Toutes les mères souffrantes 
                            empêchent... C'est vrai que je trouve jamais 
                            le moment d'aller dire ça. Parce que, ça 
                            va tomber à un moment où elle sera soit 
                            pas bien, soit mieux, soit... C'est pas agréable 
                            de re-raconter. 
                                   
                                  Jacqueline : Non, mais de c'est dire : tu vois 
                            toujours un psy... Pour rien... Attention je te rappelle 
                            quand même... pour lui faire du mal, parce que 
                            le mal qu'on va lui faire va pas nous ôter le 
                            nôtre. Ce n'est pas du tout l'objectif, mais 
                            c'est de remettre les choses. 
                                   
                                  Maud : Moi, je l'ai dit à ma mère, 
                            ce qui s'était passé, pour pas qu'elle 
                            se fasse de film, et puis que c'était pas non 
                            plus dans des proportions... Comme j'ai déjà 
                            pu l'entendre dans le groupe, donc, elle fantasme 
                            pas et elle aggrave pas les non-sens... 
                                   
                                  Noémie : Excuse-moi, je t'ai coupée... 
                            Moi, ça me fait réagir. J'en ai parlé 
                            à ma grand-mère, également, j'en 
                            ai parlé à ma grand-mère maternelle, 
                            donc la mère de ma mère, mon père 
                            l'a su quelque temps après et, parce que moi, 
                            je voulais que ce soit tout dit en très peu 
                            de temps pour s'en débarrasser... Et en fait, 
                            la personne de ma famille qui est la plus aimante 
                            qui est, quand même, ma mère, n'a pas 
                            cherché à trop savoir de détails, 
                            techniques, on va dire, alors que ma grand-mère, 
                            si ! Mais, c'est marrant, comme quoi, le respect de 
                            l'autre et l'amour, je crois que ça commence 
                            là, ça commence au fait de ne pas poser 
                            des questions, de pas dire : perte de virginité... 
                            machin... Ca s'est marrant, c'est la question qui 
                            a tout de suite travaillé ma grand-mère, 
                            alors que ma mère pas du tout, elle a d'ailleurs 
                            répondu assez vivement à ma grand-mère 
                            pour une fois, on va dire, en lui disant : Noémie, 
                            elle va très mal et elle n'en est pas là... 
                            On n'en est pas là. On en est à : est-ce 
                            qu'elle s'en sort ? ; est-ce qu'elle va s'en sortir 
                            ? ; est-ce qu'elle va aller bien ? ; est-ce qu'elle 
                            a une chance d'aller bien dans le futur ? Voilà, 
                            c'était ça les questions qu'elle se 
                            posait....  
                             
                            Béatrice : Quoi ? Comment ?  
                           Noémie : Même si elle m'a posé 
                            des questions quand même, elle trouvait ça 
                            hallucinant. 
                           Nicole : ... Soutien maternel... Parce que 
                            ça fait mal... 
                                   
                                  Maud : Ma mère, je sais qu'elle pense 
                            que l'introspection est suffisante et qu'il y a pas 
                            besoin d'aller voir un psy. Voilà, elle se 
                            regarde, si elle s'en sort... En même temps, 
                            c'est clair que... Je ne sais pas si elle s'en sort 
                            comme ça, mais...  
                                   
                                  Béatrice : Une des attentes vis-à-vis 
                            de ma mère serait qu'elle reprenne sa place 
                            de mère et du coup me permettre de reprendre 
                            ma place d'enfant, parce que c'est vrai, je me rends 
                            compte que j'ai souvent pris des responsabilités 
                            qui n'étaient pas les miennes, notamment au 
                            niveau des finances, parce qu'elle savait pas du tout 
                            gérer les finances, alors que je suis assez 
                            douée dans ce domaine-là. Et donc de 
                            pouvoir reprendre ma place à moi, quand on 
                            se voit, on a des discussions assez superficielles, 
                            voire, on est bonnes copines, alors qu'on n'est pas 
                            bonnes copines, c'est ma mère, j'aimerais bien 
                            qu'elle reprenne cette place-là. Parce que 
                            j'en ai besoin, aussi, que moi, je puisse redevenir 
                            la petite, pas la petite fille, j'ai pas envie de 
                            régresser à trente ans - je suis très 
                            contente - mais vis-à-vis d'elle. Que je redevienne 
                            son enfant et qu'elle... Dernièrement, j'ai 
                            eu un accident de scooter, j'ai eu beaucoup de chances. 
                            Quand je l'ai appelée au téléphone, 
                            je l'ai sentie très soulagée quand je 
                            lui ai dit que ce n'était pas nécessaire 
                            qu'elle vienne, que j'allais voire le médecin. 
                            Là je l'ai sentie super-soulagée, ça 
                            m'a un peu... là, quand même... Merde 
                            ! J'avais peut-être 
                              besoin que ma maman me console un chouia au lieu de 
                              me dire : bon, ben, ça, t'es costaud, tu vas 
                              te remettre. Ouais ! 
                                   
                                  Nicole : Je rebondis sur ta place, je trouve 
                              que c'est très important d'avoir sa place de 
                              fille, de récupérer sa place, parce 
                              que dans nos histoires, enfin dans la mienne, comme 
                              dans la vôtre, je n'ai pas été 
                              à ma place. 
                           Mireille : Les « postes » sont 
                            intervertis. 
                           Nicole : Là, je ne veux pas te couper, 
                            une de mes attentes, moi, c'est d'occuper ma place, 
                            d'être la fille, puisque j'ai été 
                            tout le temps la mère de ma mère, et 
                            que en plus, je me suis retrouvée quelque part 
                            rivale, soeur, à égalité, de 
                            ne plus savoir où j'en étais. Et que 
                            c'est cette place de fille qui m'est contestée, 
                            puisque même après le décès 
                            de ma mère, je n'ai pas eu droit à ma 
                            place de fille dans sa succession, que mon père 
                            a mis la main dessus et que je lui ai dit, si il voulait 
                            faire semblant au moins d'être mon père, 
                            il fallait qu'il me reconnaisse, ma place de fille 
                            et qu'en tant que fille, j'avais droit à la 
                            succession de ma mère. Et nous en sommes toujours 
                            là, et je bute, toujours pour cette place d'être 
                            la fille de ma mère et que je sois reconnue 
                            comme étant la fille de ma mère. Ça, 
                            c'est quelque chose qui paraît impossible et 
                            je crois qu'une de mes attente, sur laquelle, je ne 
                            veux pas dire que j'ai des doutes, mais quand même 
                            des craintes, c'est que mes fils, ne me sautent pas 
                            aussi, ne me déplacent pas, c'est-à 
                            dire que je reste bien à ma place, que je sois 
                            leur mère et qu'en tant que leur mère, 
                            je suis aussi, fille de ma mère, parce qu'il 
                            y a... que ce sont des hommes, et puis que tout se 
                            règle entre hommes. Comme ma place n'existe 
                            pas, je crains qu'il y ait des alliances entre mon 
                            frère, mon père et mes fils, pour qu'on 
                            me saute, et que c'est un jeu... intergénérationnel. 
                            Dans lequel je suis la seule fille, et je compte pour 
                            du beurre, comme on dit dans les jeux d'enfants et 
                            moi, je suis là en disant : j'existe par rapport 
                            à mes fils, c'est très dur, j'aimerais 
                            qu'ils me soutiennent. Ils sont au courant, aussi, 
                            j'aimerais qu'ils me soutiennent, mais ce sont des 
                            hommes et cette image-là de leur mère, 
                            ils n'en veulent pas ! Cela les dérange, ils 
                            avaient une image idyllique. Qu'est-ce que c'est que 
                            ces histoires-là ?... Ca les dérange, 
                            ils l'ont entendue d'une oreille, ils l'ont entendue, 
                            mais il ne faut surtout pas leur en reparler, et si 
                            on leur sert un autre discours, ça peut aussi 
                            bien les arranger, et si ce discours est monnayé 
                            par de l'argent, ça peut aussi bien les arranger, 
                            surtout les belles-filles, et pour les petits-enfants 
                            qu'il y a derrière et quelque part. Je vois 
                            tout ça et en même temps je vieillis, 
                            et c'est vrai qu'il y a une petite part de moi qui 
                            me dit : maintenant que mes fils m'ont entendue, je 
                            voudrais bien qu'ils me défendent, que peut-être 
                            que là, j'ai un petite protection, je pense 
                            que je l'aurai, mais je n'en suis pas sûre du 
                            tout. Et je me dis qu'il faut que je tienne bien le 
                            cap moi, toute seule, toujours toute seule, pour dire 
                            ma place et que je suis la fille ! Voilà, cette 
                            place, je lutterai jusqu'au bout à n'importe 
                            quel prix, pour qu'elle me soit reconnue, même 
                            par la loi, même par la loi. Merci. 
                             
                            Lise : Parler de mes ressentis à ma 
                            mère, donc il n'y a pas longtemps que je dis 
                            ma mère, moi, j'ai toujours dit : maman au 
                            revoir ! ou ma maman et que j'ai, je sais pas, si 
                            elle m'aimait à sa façon, et moi, je 
                            l'ai toujours aimée, je ne dis pas adorée, 
                            je disais aimer beaucoup et je l'aime encore autant, 
                            autant, autant, et j'ai pas envie de pas l'aimer du 
                            tout, donc, elle est décédée, 
                            hein ! Je n'ai plus ma maman, mais ce que... J'ai 
                            découvert ma mère grâce à 
                            l'analyse et encore actuellement, j'ai découvert, 
                            c'est très récent, que ma mère 
                            avait une sexualité, sans doute. Notre père 
                            nous a tellement fait de mal, que j'ai toujours haï 
                            mon père, que je ne pensais pas que mon père 
                            et ma mère pouvaient... Pourquoi ils étaient 
                            ensemble, j'ai toujours pensé qu'on les avait 
                            mis ensemble, petite fille, j'ai pensé qu'on 
                            ne choisissait pas son mari, que c'est quelqu'un de 
                            haut placé qui choisissait un homme et une 
                            femme et qu'ils vivaient ensemble. J'ai découvert 
                            ça très tard, donc, je découvre 
                            que j'ai protégé ma mère, petite 
                            fille et plus tard aussi, que mes frères et 
                            soeurs en ont bien profité aussi... Ma mère 
                            n'a rien vu je pense, mais qu'elle avait une relation 
                            avec mon frère, je dirais, mais il faut le 
                            prendre... je dirais une relation incestueuse, avec 
                            mon frère, dans le sens où, c'était 
                            l'homme fort de la famille, c'était pas mon 
                            père, c'était réellement une 
                            merde, dans ma tête, il l'est toujours, et donc, 
                            ça je suis en train de le découvrir, 
                            ma mère pouvait s'appuyer sur mon frère 
                            et donc ne rien voir d'autre que l'appui qu'il a pu 
                            apporter au niveau argent, c'était l'homme 
                            solide de la maison. Et qui faisait peur à 
                            tout le monde. Donc, mes attentes, elles ne sont pas 
                            par rapport à ma mère, puisque il me 
                            semble que je vois bien telle qu'elle est et comment 
                            elle a vécu, mais c'est plus par rapport au 
                            reste de la famille qui me rejette tout le temps, 
                            qui me rejette encore, disons. Voilà ! c'est 
                            le mot : réconciliation qui me vient à 
                            chaque fois et qui me fait peur un peu ; puisque en 
                            me réconciliant, je cède encore, on 
                            m'oublie encore et j'efface tout. Voilà ! Ma 
                            maman !  
                             
                            Mireille : Pourquoi tu dis : réconcilié, 
                            tu n'es pas fâchée avec eux. 
                           Lise : Non, c'est eux qui m'isolent, ils ne 
                            veulent pas de moi, encore moins depuis que ma mère 
                            est morte, et c'était le seul lien qu'on avait 
                            en famille, en province. Moi à Paris, ma mère 
                            morte, moi, j'étais SDF, puisque je ne pouvais 
                            pas aller chez mes soeurs dans la même ville, 
                            dans la ville où on a tous vécu, et 
                            puis petit à petit, ça a été 
                            l'oubli. L'oubli total, sauf avec mon jeune frère 
                            que je soutiens dans sa cure de désintoxication. 
                                   
                                  Nicole : Tu es la dernière ? 
                           Lise : Je suis la septième. L'aîné 
                            n'était pas grand quand je suis née. 
                            De sept à douze ans... c'était, tout 
                            tourne autour de la condition féminine, notre 
                            mère, c'était une esclave, dans la vie. 
                            Voilà ! donc, je trouve que c'est bien... Je 
                            n'ai jamais voulu le dire je ne lui ai pas dit. Je 
                            suis très contente, je n'ai pas voulu lui en 
                            rajouter ça encore par rapport à toutes 
                            les... voilà ! 
                                   
                                  Jacqueline : Tu as souvenir de l'avoir vue 
                            rire, s'amuser, quelque chose comme ça ?  
                           Lise : Oui, beaucoup rire, un jour, on riait 
                            tous et c'était mon frère qui faisait 
                            rire. Il était rentré de son service 
                            militaire. puisque c'était dans la première 
                            maison, donc il était encore jeune, et il arrivait, 
                            et ça je l'ai entendu au dernier groupe de 
                            parole, c'est exprimé parfois, il arrivait 
                            et maman riait, elle était tellement heureuse, 
                            tout le monde riait par rapport aux bêtises 
                            que ce frère avait dit et en même temps, 
                            ça, le fait qu'il agisse comme ça, ça 
                            le disculpait par rapport aux éventuels soupçons... 
                            une éventuelle culpabilité, quelque 
                            part, il était quelqu'un qui faisait rire dans 
                            la famille alors qu'il y avait tant de misères. 
                            Donc là, j'ai vu ma mère rire à 
                            ce moment-là. C'était pas souvent, quoi... 
                            Une fois, j'ai raconté récemment, elle 
                            m'a protégée alors que toute la famille 
                            et elle-même étaient ensemble, et mon 
                            frère me faisait des tortures, il m'avait assise 
                            sur une chaise, attachée et tout et tout le 
                            monde racontait, je ne sais quoi, dont je ne me souviens 
                            pas, mais il était près de moi, dans 
                            la cour, et il faisait... Tout le monde riait, était 
                            tordu de rire... Et à ce moment-là, 
                            moi, j'ai étouffé, j'ai étouffé, 
                            et maman est venue vers moi en disant : non, non ! 
                            on arrête et elle a cassé le fil de laine 
                            qui m'attachait sur la chaise, c'était un fil 
                            dérisoire, mais c'était une torture, 
                            ce brin de laine qui m'attachait sur une chaise au 
                            milieu de la cour. Là, ma mère a montré... 
                            quand elle m'a détachée, j'ai pleuré, 
                            et j'ai couru dans la pièce unique, dans la 
                            cour, et je me suis mise au coin, et j'ai pleuré 
                            dans le coin de la pièce. Et après, 
                            j'ai pas de souvenirs, si elle est venue vers moi, 
                            je ne sais pas, mais le souvenir, elle m'a délivrée 
                            à ce moment-là donc elle a pris position, 
                            quand même... Voilà c'était de 
                            choses.... Faut dire que je ne peux pas lui en vouloir. 
                                   
                                    Maud : Je voulais rebondir sur le fait que tu 
                            étais très contente de ne pas lui avoir 
                            dit et qu'elle soit morte sans le savoir. C'est vrai 
                            que moi mon père, c'est aussi quelque chose 
                            que je partage, qu'il soit mort avant, que je n'aie 
                            pas eu besoin de lui dire. Au moins, c'est pareil, 
                            il était malade dans sa tête, si en plus, 
                            il fallait que je rajoute ce problème-là 
                            qui était... Il avait déjà du 
                            mal à gérer ses trucs... Je vais dire, 
                            ça c'est une certaine forme de soulagement... 
                                   
                                    Mireille : Je ne partage pas cela, parce que justement, 
                            par rapport à ma mère, moi, si j'avais 
                            pu avoir le courage... ou elle-même, on n'a 
                            pas eu le courage de parler ensemble, parce que finalement 
                            peut-être qu'elle s'en doutait, c'est un grand, 
                            grand regret, justement... Inaudible... Qu'on ait 
                            au moins pu pleurer ensemble, ou qu'elle m'ait dit 
                            quelque chose, enfin... Je regrette vraiment. Mais, 
                            en fait, c'est sa mort qui m'a en même temps 
                            délivrée et qui fait qu'après 
                            ma parole a été délivrée. 
                            D'une certaine manière, elle m'a bloquée. 
                            C'était interdit de parole. Ça, c'est 
                            mon grand regret. Pourtant, paradoxalement, j'avais 
                            l'impression d'avoir une bonne relation avec ma mère. 
                            Finalement, on n'abordait jamais ce qui posait problème. 
                            Alors, je me suis consacrée à mes études, 
                            j'ai aimé l'école.... Donc elle n'arrêtait 
                            pas de me dire : « t'en as pas marre d'être 
                            dans tes livres ? t'en as pas marre re travailler 
                            comme ça ? tu vas bien perdre la tête, 
                            tu vas devenir folle à être toujours 
                            dans tes livres, comme ça, » Enfin, c'était 
                            ça, ses messages, mais je me suis vraiment 
                            protégée par mes livres, par mon travail 
                            intellectuel, et je ne regrette vraiment pas. Après 
                            quand j'ai essayé de le dire à ma soeur... 
                            L à, je suis par rapport aux attentes, je crois 
                            plutôt que je suis dans l'inverse, je me dis 
                            qu'il faut que j'arrête d'attendre quelque chose 
                            d'elle, c'est vraiment, faut que j'arrive à 
                            faire le deuil... Que j'ai rien à attendre, 
                            si ce n'est... J'ai fait un essai, de mon histoire 
                            incestueuse, j'ai essayé de faire un petit 
                            texte, qu'un jour, je lui ai donné à 
                            lire, et quand elle me l'a rendu... elle me l'a rendu... 
                            elle m'a dit : ben, je te rends ton texte. Et puis, 
                            voilà, ça a été fini. 
                            Moi, je n'ai pas eu le courage pour lui dire, demander 
                            quelque chose, donc j'ai rien dit non plus ! 
                                   
                                  Delphine : C'était pour qu'elle te le 
                            rende, elle devait te le rendre ou toi, tu lui donnais. 
                            ? 
                           Mireille : Ah non, je lui avais donné 
                            à lire, là, Si elle avait voulu un exemplaire, 
                            je lui en aurai donné un. A ce moment-là, 
                            je n'avais qu'un exemplaire. Après, finalement 
                            de cette ouverture... ça été 
                            encore plus fermé. Maintenant, il faut que 
                            j'arrête... il faut, ça, c'est la raison, 
                            mais... ben voilà ! je ne sais plus trop, très 
                            bien, que faire ? comment faire ? et pourtant, il 
                            y aurait des choses à faire... à éclaircir, 
                            qu'elle pourrait me dire... mais, il faut que j'arrête 
                            d'imaginer ça... d'avoir cet espoir... ça 
                            me taraude, et puis finalement. Quant à des 
                            démarches thérapeutiques, n'en parlons 
                            pas... elle s'est toujours vécue elle-même 
                            tellement en victime, qu'elle avait un mauvais mari, 
                            c'est vrai qu'il buvait, c'est vrai, qu'il y a un 
                            de ses fils qui est en cure de désintoxication 
                            qui m'écrit... Je suis contente qu'il fasse 
                            cette démarche... Il s'est enfin décidé... 
                            Il y a quand même des choses qui bougent, un 
                            tout petit peu... Non, il faut que j'arrête, 
                            vis-à-vis d'elle... Il ne faut pas qu'il y 
                            ait d'attentes. Peut-être que ça me protégera... 
                            quand je lui téléphone... là, 
                            dans sa maladie... J'ai toujours peur d'en prendre 
                            plein la figure, parce qu'elle commence toujours par 
                            jeter tout son venin, et puis après... au bout 
                            de dix minutes un quart d'heure... de temps en temps, 
                            ça arrive qu'elle me dise : et toi ?...  
                           Delphine : Jamais, jamais ?  
                           Mireille : C'est toujours elle... Donc moi, 
                            je n'existe pas beaucoup. Donc, je pense par rapport 
                            à toi, retrouver ma place, exister simplement. 
                            Mais donc peut-être, ne plus penser exister 
                            par rapport à elle... Je ne sais pas, je ne 
                            suis pas très claire, parce que j'arrive pas.... 
                                   
                                    Lise : Je voudrais rajouter une chose, c'est que 
                            j'ai l'espoir d'exister, non par rapport à 
                            ma famille mais en psy, parce que je commence à 
                            sentir des choses qui font que j'existe pour moi en 
                            analyse. Voilà ! C'est un petit peu de bonheur, 
                            ça a l'air de quelque chose de solide. 
                                   
                                    Nancy : Ma mère, elle va chez le psychiatre, 
                            elle y va pour prendre les médicaments, qui 
                            vont l'abrutir encore un peu plus. Moi, je pense que 
                            j'ai une mère qui est vraiment d'une extrême 
                            défaillance, ça fait ressortir beaucoup 
                            de choses, de la déception, de la colère, 
                            de la haine, des fois de la pitié... Quand même aussi, par le fait de lui parler, j'aurais 
                            voulu qu'elle puisse accéder à une prise 
                            de conscience, ça a jamais été 
                            possible... Là je crois que je vais commencer 
                            à la déplacer sur sa famille, en fait, 
                            je voudrais que la famille de ma mère - soi-disant 
                            irréprochable - puisse prendre conscience de 
                            tout ce qui s'est passé, puisque là, 
                            je pense que ma mère n'est plus en capacité, 
                            de... Mais bon, je voudrais que ma tante puisse s'interroger, 
                            qu'elle se pose des questions, qu'elle cherche dans 
                            sa propre histoire, comment elle avait pu permettre 
                            que ça arrive.... Ça me coupe la parole. 
                                   
                                    Delphine : Tout à l'heure, il me semble 
                            que tu as dit que tu avais engagé une procédure 
                          ? 
                           Nancy : Oui. 
                           Delphine : Elle te soutient ? 
                           Nancy : Non. Elle ne me soutient pas. Elle 
                            est plutôt à exprimer les craintes, encore 
                            une fois, elle est à l'image de la famille. 
                            Tout le monde va le savoir, tu imagines la tête 
                            qu'il va faire... Qu'est-ce que ça va t'apporter 
                            de plus ? Bon elle ne me soutient pas. Parfois, elle 
                            peut avoir un discours à différents 
                            niveaux. Elle me souhaite : bon courage. Elle est 
                            vraiment. Je suis la fille de cette mère-là, 
                            il faut faire avec... Je suis toujours à la 
                            recherche d'une mère, un peu bienveillante. 
                                   
                                    Delphine : Quand tu te déplaces sur la 
                            famille, tu veux dire que tu vas leur... 
                           Nancy : La prise de conscience que j'aurais 
                            aimé... c'est qu'ils se mettent à la 
                            place de ma mère, la première fois, 
                            j'avais révélé l'inceste dont 
                            j'avais été victime, les soeurs de ma 
                            mère sont intervenues, pour... Ma mère 
                            s'est beaucoup confiée à ses soeurs, 
                            quoi... Peut-être, il y en a une de celles-là 
                            qui va pouvoir. 
                                   
                                  Delphine : Elles t'ont appelée ? Contactée 
                            ? 
                           Nancy : Certaines, oui, je me trompe peut-être, 
                            je devrais peut-être pas faire ça, demander 
                            à d'autres... Quand même, ma mère 
                            est considérée comme une simple d'esprit, 
                            donc, ma grand-mère...Ssi ma mère était 
                            perçue comme cela, c'est qu'elle était 
                            vulnérable, elle avait besoin. C'est légitime, 
                            si je leur demande de réfléchir à 
                            ce qui s'est passé. Et j'ai essayé. 
                                   
                                  Delphine : Lorsqu'elles l'ont su, quelle attitude 
                            elles ont eu les soeurs vis-à-vis de toi ?  
                           Nancy : J'ai été très 
                            mal vue. Ils ont cru que je faisais ma crise d'adolescence 
                            très jeune. J'avais une apparence physique 
                            qui collait pas du tout avec la famille. Je n'avais 
                            aucun soutien. Là j'en ai un petit peu plus... 
                            à la deuxième révélation 
                            - entre guillemets - puisqu'aujourd'hui, j'ai fait 
                            des études, j'ai un métier... une situation 
                            professionnelle, tout ça. 
                                   
                            Echanges Inaudibles.  
                             
                            Nancy : J'ai quand même très peu 
                            de soutien, on m'a écoutée un peu, mais... 
                                   
                                    Delphine : Tu as des frères et soeurs ?  
                             
                            Nancy : J'ai un frère et une soeur. 
                            Ils me soutiennent plus ! eux ! A leur façon 
                            à tous les deux... Inaudible... Ils ont eu 
                            des doutes. Ils ont tellement souffert aussi, de 
                            ça que... 
                           Delphine : Mais en fait, quand tu dis que peut-être 
                            tu te tromperais... Se tromper comment ? En en parlant 
                            ? 
                                   
                                  Nancy : Que ce n'est pas légitime d'aller 
                            leur demander des comptes à eux, parce qu'ils 
                            ne sont pas responsables, quoi ! C'est vrai qu'ils 
                            m'ont beaucoup fait souffrir par l'attitude, c'est-à-dire 
                            qu'ils m'ont jugée comme une adolescente menteuse, 
                            emmerdeuse, j'ai souffert de leur attitude. Je voudrais 
                            quand même qu'ils se confrontent à la 
                            vérité quoi ! 
                                   
                                  Delphine : L'objet du procès, c'est 
                            aussi ça ? Que tu sois reconnue par la société 
                            à défaut de la famille ? 
                                   
                                  Nancy : Oui. 
                           Nicole : Tes parents sont toujours ensemble 
                            ? 
                           Nancy : Oui. 
                           Nicole : Tu es très seule ?  
                           Nancy : Non, enfin si, au niveau familial, 
                            je suis très seule. J'ai du soutien par ailleurs, 
                            une psychanalyse qui dure depuis longtemps... inaudible... 
                            qui m'aide à cheminer, à élaborer 
                            tout ça. A entamer une procédure... 
                                   
                                  Delphine : Et quand tu dis prise de conscience 
                            pour ta mère... C'est une question... Tu aurais 
                            aimé... Tu ressentais de la colère, 
                            de la haine, tu aimerais qu'elle en ait conscience. 
                            Est-ce que ça, ça ferait partie de choses 
                            dont tu aimerais qu'elle ait conscience de ton ressenti 
                            ? vis-à-vis d'elle ?  
                                   
                                  Nancy : Non, pas trop ça, quoique je 
                            lui ai déjà exprimé ma colère, 
                            non, c'est plutôt une prise de conscience, oui 
                            de ma souffrance, ça s'est certain, mais aussi 
                            de la gravité de ce qui s'est passé 
                            puis d'elle quoi ! Comment elle a pu être une 
                            mère... Je pense que ce n'est pas possible. 
                            Je ne sais pas si j'ai répondu à la 
                            question. 
                                   
                                  Le psychologue : Il est 17h10. Je propose que l'on termine. 
                                   
                            FIN de l'ATELIER                            |