|   "Les 
                            crises d'imbécilité " - 
                            atelier du 20 novembre 2004 
                             
                             
                            1) Préambule et 
                            fonctionnement d'atelier  
                            2) Mémorisation et apprentissage 
                            3) Problèmes d'orientation 
                            au niveaux spatial et territorial 
                            4) Passer un examen 
                            5) Le syndrome du perroquet 
                            
                          1) Préambule 
                            et fonctionnement d'atelier 
                             
                            Delphine : Un mot, avant de commencer, pour dire qu'on 
                            a transcrit et mis en ligne l'atelier de la dernière 
                            fois, au mois de septembre, et que la matière 
                            qu'on a enregistrée, ce qu'on a dit, nos paroles, 
                            je vais la travailler ; mais je sais déjà, 
                            pour l'avoir lue, regardée, commencé 
                            à réfléchir que c'est vraiment 
                            prodigieusement intéressant et que je pense 
                            qu'on va pouvoir grâce à ça contribuer 
                            à améliorer les connaissances qu'on 
                            a sur l'inceste. C'est un beau travail, et ça 
                            fonctionne très bien. Je passe la parole au 
                            modérateur. 
                          Virginie : Je voudrais poser 
                            une question : qu'est-ce qui vous fait dire, sans 
                            méchanceté, que c'est intéressant, 
                            parce que moi j'ai trouvé que c'était 
                            un ramassis de choses délirantes. Comment on 
                            peut juger ? Tu juges par rapport à la connaissance 
                            des … ? 
                          Delphine : Ben, c'est mon métier 
                            : élaborer à partir de ce que disent 
                            les gens, et là, je trouve que ce qui est dit 
                            est riche.  
                          Virginie : d'accord, c'est professionnel… 
                          Delphine : Oui… mais c'est-à-dire, 
                            toi, tu as lu des tas de trucs sur l'inceste, comme 
                            nous autres ; et tu as déjà vu, ou lu, 
                            ça ? Ce qu'on a raconté nous, tu l'as 
                            déjà vu dans d'autres bouquins ? 
                          Virginie : Non. 
                          Delphine : bah voilà, 
                            c'est neuf. C'est que jusqu'à présent, 
                            personne n'a dit ça, personne n'a suffisamment 
                            laissé la place aux victimes pour qu'on puisse 
                            lire cela ailleurs. Alors après, c'est parce 
                            que c'est mon métier que je vais pouvoir en 
                            faire quelque chose et l'utiliser, mais ça 
                            n'a jamais été lu ailleurs. 
                          Le modérateur : Pour tout 
                            le monde, et puisqu'il y a des gens nouveaux, je vais 
                            vous relire les notes sur les ateliers. La logique, 
                            la synthèse, le recueil de la parole, à 
                            quoi servent ces ateliers.  
                            Donc, la logique des ateliers : les ateliers sont 
                            une opportunité pour les acteurs victimes d'inceste 
                            et leur entourage impacté par les pratiques 
                            incestueuses, de partager une parole sur leur expérience 
                            dans un contexte d'écoute libéré 
                            de toute contrainte morale.  
                            La périodicité des ateliers. Les ateliers 
                            sont proposés sur une périodicité 
                            trimestrielle avec une proposition thématique 
                            sur l'année. La durée, de deux heures 
                            et demi, doit permettre la participation active au 
                            niveau de la parole comme de l'écoute, de l'ensemble 
                            des acteurs.  
                            L'utilité des ateliers : il s'agit de l'accueil 
                            non restrictif de l'ensemble des paroles des victimes 
                            de pratiques d'inceste, dans leur dimensions de connaissance 
                            psychologique, émotionnelle, sociale, socio-professionnelle. 
                            La parole dans les ateliers : la parole ainsi que 
                            les silences sont offerts aux acteurs sur la base 
                            de leurs désirs, avec une régulation 
                            du temps liée au nombre de participants et 
                            aux thèmes de l'atelier. 
                            Le recueil de la parole : l'ensemble du discours pendant 
                            les ateliers est enregistré, afin d'en permettre 
                            une retranscription fidèle, qui permettra la 
                            réalisation de synthèses thématiques. 
                             
                            La synthèse de la parole : Dans un premier 
                            temps, ces synthèses ont pour objectif pour 
                            chaque membre de l'atelier de pouvoir, s'il le souhaite, 
                            retrouver sa parole, garder sa parole, de trouver, 
                            peut-être par une nouvelle manière ou 
                            une nouvelle écoute, la parole de l'autre. 
                            De positionner sa parole et son expérience 
                            au sein de la parole des autres. Dans un deuxième 
                            temps, elles ont aussi pour objectif de permettre 
                            une lecture plus large mais aussi plus complète 
                            des connaissances d'expériences ressenties 
                            par l'ensemble des acteurs concernés par la 
                            problématique des conduites incestueuses. Il 
                            s'agit de communiquer l'expertise et sur l'expertise 
                            du discours non programmé des acteurs victimes. 
                            Dans un troisième temps, elles permettront 
                            dans le cadre d'une démarche scientifique au 
                            plus proche de la parole des acteurs, une analyse 
                            du discours sur le vécu des victimes, en vue 
                            d'une publication. 
                          Voilà, quelqu'un a une 
                            remarque à faire par rapport à ce que 
                            je viens de dire ? 
                          Bon, on va donc passer à 
                            la thématique d'aujourd'hui, qui étaient 
                            dont "les crises d'imbécillité" 
                            avec quatre sous-thèmes. On abordera en priorité 
                            : "mémorisation et apprentissage", 
                            après "problèmes d'orientation 
                            au niveaux spatial et territorial", "passer 
                            un examen", et enfin, "le syndrome du perroquet". 
                            Donc nous aurosn quatre sous-thèmes à 
                            aborder sur une période de deux heures et demi, 
                            donc on va donner trente minutes par sous-thèmes. 
                            Je suis là en tant que garant du temps ; donc 
                            je fais attention à ce qu'on respecte ces temps 
                            de paroles, et aussi, dans le fonctionnement de la 
                            distribution de la parole. Une chose qui est importante 
                            et que je tiens à rappeler pour tous les gens 
                            qui sont ici, c'est qu'on fonctionne avec la parole. 
                            C'est-à-dire que personne ne prend des notes 
                            pendant ces ateliers : on fonctionne uniquement sur 
                            la parole. C'est important pour que tout le monde 
                            soit bien d'accord là-dessus, et sur cette 
                            idée aussi, d'anonymat au moment de la retranscription. 
                          Est-ce quelqu'un à quelque 
                            chose à dire ? 
                          Isabelle : j'ai une question 
                            à poser : que faites-vous des enregistrements 
                            une fois que c'est retranscrit ? 
                          Delphine : Ben, la transcription 
                            n'est pas mise totalement brute sur le site, parce 
                            qu'on anonymise tous les noms qui peuvent échapper, 
                            ou bien lorsqu'on s'interpelle… tous les noms 
                            sont modifiés, c'est moi qui fais la transcription. 
                            On modifie aussi tous les toponymes (les noms de lieux), 
                            les marqueurs de temps, les métiers, de sorte 
                            que la confidentialité ne soit pas rompue et 
                            que personne ne puisse être reconnu. Le principe, 
                            c'est qu'il faut être honnête, donc il 
                            faut qu'on soit à l'aise avec ça, qu'on 
                            ne soit pas gêné, et qu'on sache qu'après, 
                            c'est modifié. La transcription, une fois que 
                            c'est anonyme, est mise telle que sur le site ; donc 
                            on peut la lire, se relire, on peut aussi intervenir 
                            sur le forum en disant : je vais ajouter quelque chose. 
                            D'autres, qui n'ont pas assisté à l'atelier 
                            peuvent participer sur le forum et ajouter. Et après, 
                            dans le cadre de l'association, on a le projet de 
                            faire des publications pour contribuer à la 
                            connaissance de l'inceste. 
                          Isabelle : Ok, je te remercie. 
                          Le modérateur : Un petit 
                            complément par rapport à ce que vient 
                            de dire Delphine ; bien évidemment, ces cassettes 
                            ne seront remises à personne. Elles restent 
                            dans AREVI. 
                          Isabelle : je pensais à 
                            la presse… 
                          Le modérateur : non, absolument 
                            pas. On est bien là dans cette logique du troisième 
                            temps par rapport à la synthèse de la 
                            parole, qui est effectivement l'utilisation de cette 
                            parole mais dans une démarche scientifique 
                            dont se portent garants les gens de l'association, 
                            et plus particulièrement Delphine puisqu'elle 
                            fait actuellement les retranscriptions. 
                           
                            1) Mémorisation et apprentissage 
                          Donc on commence sur le sous-thème 
                            de "mémorisation et apprentissage". 
                            Est-ce que quelqu'un a envie de prendre la parole 
                            sur ce sous-thème qui concerne le principe 
                            de la mémorisation, de la mémoire dans 
                            les apprentissages. 
                          Delphine : moi, je veux bien 
                            commencer. La seule chose que ça m'évoque, 
                            en fait, ça ne m'évoque rien de mon 
                            enfance, enfin rien particulièrement. Par contre, 
                            pas l'apprentissage, mais je sais que pour la mémoire, 
                            le blocage de la mémoire s'est fait sur le 
                            tard. Ça m'a beaucoup embarrassée pendant 
                            mes études ; c'est que je ne pouvais rien apprendre 
                            ; rien apprendre par cœur, rien apprendre tout 
                            court : rien retenir, plutôt ; aucune information. 
                            Ce qui est assez pénible pour suivre ses études. 
                            Les moments où ça m'était le 
                            plus pénible, c'est pas dans le cadre de mes 
                            études, c'est pour retenir des paroles de chansons, 
                            ou des poèmes : j'aime bien retenir les textes 
                            des chansons, j'aime bien chantonner, et incapable 
                            que cela reste. Dans le cadre de mes études, 
                            de la veille pour le lendemain, c'était mon 
                            maximum, donc j'ai suivi toutes mes études 
                            comme ça, en boulimie de lectures deux jours 
                            avant les examens, et ça part après. 
                            Et c'est parti récemment ; j'ai vu que ça 
                            allait mieux. Maintenant, je retiens. Les noms des 
                            auteurs, les bibliographies, je retiens mieux, normalement. 
                          Virginie : est-ce que c'est depuis 
                            que t'as changé de thème de travail 
                            ? 
                          Delphine : Non, c'est venu avec 
                            l'analyse, je crois.  
                          La stagiaire en psycho : et c'était 
                            pas lié à un sujet en particulier… 
                          Tous les participants manifestent 
                            leur désapprobation de l'intervention de la 
                            stagiaire… 
                          Delphine : j'ai oublié 
                            de vous dire, parce que vous êtes arrivée 
                            après que je l'ai dit : mais vous, vous ne 
                            pouvez pas intervenir, en aucune façon. Vous 
                            devez vous en tenir à l'écoute seule. 
                            Nous, oui, entre nous, l'idée est qu'on peut 
                            intervenir, on peut se parler, se poser des questions, 
                            mais comme vous êtes là à titre 
                            d'observatrice, vous, non, vous ne parlez pas. J'aurais 
                            pu quand même vous répondre, mais j'ai 
                            oublié votre question, entre temps…. 
                          Le modérateur : je pense 
                            qu'on va être clair là-dessus… 
                            éventuellement en dehors de l'atelier, mais 
                            pas ici. 
                          Delphine : c'est bon, c'est dit…. 
                            Donc, je ne sais pas pourquoi l'analyse a aidé 
                            à retrouver la mémoire. Je sais pas 
                            ce que ça a fait sortir… enfin bon, oui, 
                            sur mon histoire d'inceste, j'étais amnésique 
                            de chez amnésique, donc le rapport à 
                            la mémoire, il y a forcément un petit 
                            quelque chose, mais je ne fais pas de lien précis. 
                            Je ne sais pas pourquoi ça marche. 
                          Virginie : Moi, en ce qui me 
                            concerne, j'étais un peu embêtée 
                            avec le thème de cet atelier, au niveau des 
                            crises d'imbécillité, de la confusion, 
                            de choses comme ça, parce que j'ai toujours 
                            eu l'impression que j'étais relativement maître 
                            de ce que je faisais. A part des petits lapsus comme 
                            tout le monde, à part par exemple, dans mon 
                            portable, c'est la date de mon mariage, comme code 
                            PIN, et ça m'arrive de complètement 
                            l'oublier et d'être obligée de regarder 
                            sur mon alliance. Mais bon, ça c'est comme 
                            un lapsus, genre, ou peut être quand je me suis 
                            engueulée la veille avec mon mari mais voilà. 
                            Mais sinon, j'ai l'impression de maîtriser assez 
                            bien, j'ai une assez bonne mémoire, je… 
                            je suis pas… alors quand même, par rapport 
                            aux études, si ; ce qui s'est passé 
                            pour moi en réalité, c'est que j'étais… 
                            Quand j'étais petite, j'étais très 
                            bonne en classe, j'avais les félicitations, 
                            j'avais les prix de camaraderie, j'étais plutôt 
                            du style bonne petite élève gentille 
                            etc. et puis je travaillais bien, et puis j'adorais 
                            les études, et tout se passait bien. Ça, 
                            c'était avant. Et donc, après mon histoire 
                            avec mon père à 12 ans, 11 ans et demi, 
                            en fait, je me souviens, c'était l'année 
                            où je passais de la 7ème à la 
                            6ème, c'est arrivé cet été 
                            là. Et donc à partir de cet été 
                            là… 
                          Delphine : t'avais redoublé 
                            ? 
                          Virginie : Non… 
                          Delphine : alors t'étais 
                            plus jeune que ça, si tu passais en 6ème. 
                          Virginie : alors là, j'ai 
                            effectivement un problème de mémoire, 
                            c'est que je ne sais pas exactement quand c'est arrivé 
                            ; en tous cas c'est arrivé l'été 
                            après la 7ème. Et donc, à partir 
                            de la 6ème, j'ai eu, moi… alors c'était 
                            pas des problèmes de mémorisation, c'était 
                            des espèces de crises d'inhibition. C'est-à-dire, 
                            j'étais très bonne, il n'y avait pas 
                            de souci, je savais que je devais m'atteler à 
                            mes devoirs, mais là, ce qui se passait, c'était 
                            une espèce d'inhibition psychologique. C'est-à-dire, 
                            une impossibilité de me mettre à faire 
                            ce travail. C'était comme un blocage. Je repoussais 
                            sans arrêt le moment, et c'était tellement 
                            douloureux que j'ai encore des souvenirs petite, de 
                            me mettre à pleurer de désespoir parce 
                            que je vois le temps passer et je n'arrive pas à 
                            m'y mettre. Donc c'est un peu différent ; c'est 
                            pas que je m'y mets et que j'oublie, c'est que tout 
                            simplement, j'ai été bloquée 
                            en en pleurant de rage. Vraiment moi j'appelle ça 
                            une inhibition au sens psychiatrique du terme, c'est-à-dire 
                            l'impossibilité du tout. Alors je ne sais pas 
                            si c'est une forme de dépression qu s'est installée 
                            finalement, et qui a fait que j'ai été 
                            inhibée au niveau de mes capacités mentales, 
                            toujours est-il que la chute a été assez 
                            rapide puisque 6ème, comme j'étais du 
                            type l'élève qui comprend vite et qui 
                            bosse peu et qui s'en sort, donc ça a duré 
                            6ème, 5ème, où avec le peu que 
                            j'arrivais malgré tout à fournir, je 
                            suis restée bonne. Et après, ça 
                            a été la chute : 4ème, c'est 
                            tombé, et puis j'ai fini par me faire virer 
                            du lycée en première. 
                          Delphine : j'ai fait tout comme 
                            toi. Sauf que j'ai été jusqu'en fin 
                            de terminale, et que j'ai été virée 
                            fin de terminale, mais c'est pareil. 
                          Virginie : Alors j'ai pas repéré… 
                            cette histoire d'inhibition ; je ne sais pas si je 
                            suis dans le thème de l'imbécillité 
                            ; est-ce qu'on peut parler de ça. Parce que 
                            ça, ça m'a tenu extrêmement longtemps, 
                            ça m'a pas lâché, tout simplement. 
                            Donc après m'être fait virer de la première, 
                            donc, un parcours par la suite assez chaotique entre 
                            drogue, etc., donc on ne parlait plus d'études, 
                            là. Donc à un moment donné, il 
                            a bien fallu que je me calme et que je me dise, qu'est-ce 
                            que je vais faire. Donc j'ai commencé par avoir 
                            un premier emploi… pareil, j'avais ces espèces 
                            de crises d'inhibition, toujours pendant mon travail. 
                            C'est-à-dire qu'en fait je travaillais : une 
                            connerie, dans les pages jaunes de l'annuaire, on 
                            avait des trucs assez techniques à faire, des 
                            dossiers à traiter. J'arrivais pas à 
                            les traiter le jour. Donc j'étais obligée 
                            en me cachant d'emporter ça le soir ou le week-end 
                            ; j'arrivais pas à le traiter de week-end. 
                            Pareil, j'en pleurais de rage aussi. C'est pas une 
                            incapacité cognitive, puisque je comprenais 
                            ce que j'avais à faire, mais je ne pouvais 
                            pas m'y mettre. Et donc, ça m'a tenu… 
                            et ensuite j'ai créé une boite, je suis 
                            journaliste, et j'ai commencé à traiter 
                            des dossiers. Donc je devais produire toujours pareil, 
                            mais là… des piges, des articles de communication, 
                            des choses comme ça, et je suis restée 
                            encore inhibée une bonne dizaine d'années, 
                            jusqu'à mes trente ans. Avec toujours ces crises 
                            de pleurs, et donc je ne pouvais travailler que la 
                            nuit. La journée j'étais bloquée, 
                            je faisais des crises de boulimie aussi, toute la 
                            journée pratiquement. J'étais totalement 
                            désociabilisée, puisque je travaillais 
                            chez moi. Et j'arrivais à travailler la nuit, 
                            pour rattraper tout ça. Ça m'a nécessité 
                            un effort dingue, pour arriver quand même à 
                            produire quelque chose. Et ça s'est arrêté 
                            curieusement dans les années où j'ai… 
                            alors moi, je pensais que c'était moi qui étais 
                            comme ça et j'avais pas forcément fait 
                            le lien avec l'inceste et dans les années où 
                            j'ai connu mon mari ; lui, étant médecin, 
                            a commencé à me mettre sur la voix que 
                            tous mes troubles, qu'ils soient d'ordre, enfin, de 
                            travailler, de fournir, ou de drogue, boulimie ou 
                            alcoolémie, tout ce que j'ai pu avoir, il m'a 
                            bien tout relié à l'inceste ; mon psy, 
                            non, alors que j'étais en psychothérapie 
                            mais c'était un psy qui parlait peu, dans la 
                            bonne lignée des psy qui ne mettent pas vraiment 
                            les trucs à plat. Et quand j'ai pris conscience 
                            que c'était pas moi qui étais comme 
                            ça, que j'étais pas débile… 
                            ah! oui, chose importante aussi comme quoi ; c'est 
                            lui qui a émis la première fois l'hypothèse 
                            que j'avais peut-être une espèce de dépression 
                            masquée qui traînait depuis mes douze 
                            ans, et donc, c'est la première fois - je ne 
                            sais pas pourquoi mon psy a pas fait ça - en 
                            tous cas, lui, m'a mise sous anti-dépresseurs 
                            pendant de longues années, et ça s'est 
                            arrêté. 
                          Delphine : Ton mari ? 
                          Virginie : Mon mari. Et ça 
                            s'est arrêté quand j'ai pris les anti-dépresseurs. 
                            Et là, je ne veux pas me lancer des fleurs, 
                            mais je suis hyper efficace. Du moment que j'ai un 
                            truc à faire, je le fais, je n'ai aucun problème 
                            de mémorisation, je suis hyper rapide, je suis 
                            capable d'être sur un mail, au téléphone, 
                            en train de répondre à une troisième 
                            personne. Tout va bien, je suis contente. 
                          Le modérateur : est-ce 
                            que quelqu'un… 
                          Annabel : j'ai oublié 
                            le sous-thème, là. 
                          Le modérateur : mémorisation 
                            et aprentissage. 
                          Annabel : ah oui! Bien moi, ça 
                            m'a tout de suite, dès que vous avez évoqué 
                            ça, j'ai pensé à quand j'étais 
                            en seconde, je devais avoir quinze ans, justement 
                            mes larmes et mon désespoir. J'étais 
                            intéressée, je voulais travailler, surtout 
                            sur les verbes grecs, les conjugaisons grecques. Je 
                            m'acharnais littéralement, et ça ne 
                            rentrait pas ; et il y avait d'autres matières, 
                            mais je sais pas pourquoi, c'est sur le grec, là 
                            où je me revois. Et les larmes, aussi, en disant, 
                            mais pourquoi ça rentre pas, pourquoi j'y arrive 
                            pas ; et donc, la corrélation, c'est les mauvaises 
                            notes, c'est l'échec scolaire, c'est les reproches 
                            des parents, c'est la mauvaise image de soi. Impossible 
                            d'apprendre ; j'ai jamais passé mon bac, ça 
                            me terrorisait complètement. Et j'ai toujours 
                            souffert de pas avoir fait d'études, et en 
                            même temps, chaque fois que j'y pensais, je 
                            me disais, mais pour moi, c'est pas possible, parce 
                            que je n'arrive pas à apprendre, je ne retiens 
                            pas. Et au fur et à mesure de la vie, je voyais 
                            bien que je tenais la route dans les conversations, 
                            que je m'étais cultivée, donc que j'avais 
                            retenu des choses que j'avais lues, alors c'était 
                            vraiment le contexte lié à l'école 
                            qui me mettait dans un état d'impossibilité. 
                            Alors, de comprendre, aussi ; de retenir. Ça 
                            va aussi avec, si tu comprends pas, tu retiens pas. 
                            Et l'apprentissage, bah par exemple, je pense au permis 
                            de conduire, je l'ai passé trois fois. Les 
                            deux premières fois, j'ai eu ni le code ni 
                            la conduite, et donc je me suis dit, je vais le passer 
                            cent fois, mais je finirai par l'avoir. Et j'ai eu 
                            les deux, la troisième fois, et là, 
                            je me suis dit : bon, si je suis arrivée à 
                            apprendre ce truc de code, là, et à 
                            non seulement à le retenir pour répondre 
                            aux questions mais à l'appliquer en conduisant, 
                            je ne suis pas… j'ai pas une case en moins. 
                            Ça aurait pu le faire. Et du coup, ce que j'en 
                            ai déduit, jusqu'à ce que je fasse une 
                            analyse, mais après cinquante ans - les carottes 
                            étaient un peu cuites pour ma vie - c'était 
                            que, c'est très bête ce que je vais dire, 
                            c'était qu'il y avait un truc qui allait pas 
                            en moi, mais comme je ne pouvais pas le maîtriser, 
                            je m'étais dit, je vais prendre une stratégie 
                            : dès que ça me rapproche de l'école, 
                            d'un truc un peu scolaire, examen ou quoi, il faut 
                            que je fasse des tangentes. Il faut que je fasse des 
                            détours. Il ne faut pas que je me mette dans 
                            ces situations de ressentir… parce que. Bah 
                            par exemple, c'est comme ça que j'ai réussi 
                            professionnellement, parce que au départ, les 
                            entretiens d'embauche, pour moi, c'était comme 
                            de passer le bac. Donc c'était absolument impossible. 
                            Et en me disant que ça n'a aucun rapport, que 
                            c'est comme si j'allais voir un ami pour faire de 
                            la peinture sur soie, c'est idiot mais je me retirais 
                            de la tête ce rapport à la mémoire, 
                            à l'apprentissage et au jugement qu'on peut 
                            avoir là-dessus, et tac, ça marchait. 
                            Ça marchait au point que n'ayant pas de diplôme, 
                            j'ai été recrutée à des 
                            postes de cadres où on ne prenait que des diplômés. 
                            Donc ça marchait très bien, mais il 
                            reste quand même que mon rapport à l'apprentissage 
                            et à la mémoire a été 
                            catastrophique, et ça s'arrange à peine 
                            aujourd'hui, et je vais quand même avoir 52 
                            ans. 
                          Delphine : ce que disait Virginie, 
                            ça me parle beaucoup. Pas sur apprendre très 
                            vite, mais sur l'impossibilité de s'y mettre. 
                            C'est horrible, horrible, et j'arrive juste, c'est 
                            tout frais de ces semaines ; c'est la première 
                            fois que j'arrive à être prête 
                            pour une présentation huit jours avant le truc. 
                            D'habitude, c'est la première fois… mais 
                            vous vous rendez pas compte de ce que ça veut 
                            dire pour moi… ça veut dire que j'ai 
                            réussi à m'y mettre chaque jour, parce 
                            que ça ne se fait pas en deux heures, chaque 
                            jour plusieurs heures. Et c'est la première 
                            fois de ma vie que j'ai pu… bon, alors je me 
                            suis fait la bronchite, le tour de reins et l'arythmie 
                            cardiaque, mais quand même j'ai pu, et d'habitude, 
                            je ne peux pas ; je ne peux pas m'y mettre, quoi qu'il 
                            se passe. Donc je ne m'y mets pas, donc je fais le 
                            truc en retard, n'importe comment, je ne respecte 
                            pas mes échéances. Et ça m'embarrasse 
                            bien. Et toute ma scolarité, c'et pour ça 
                            que je suis devenue nulle à l'école. 
                            C'est que quand on est petit, j'avais pas besoin de 
                            faire quoi que ce soit, et puis il n'y avait pas de 
                            devoirs, et écouter, a suffisait. 
                          Virginie : c'est quand il faut 
                            vraiment bosser à la maison que ça devient 
                            impossible. 
                          Delphine : impossible de s'y 
                            mettre. Impossible de m'asseoir au bureau, des fois. 
                          Virginie : moi c'est pareil, 
                            alors que j'aime bien apprendre, j'ai des souvenirs 
                            de quand j'étais petite, que j'adorais comprendre, 
                            j'étais perfectionniste, j'aime le travail 
                            bien fait, etc. mais tout se passe comme si ce plaisir 
                            là, qui pourrait être un espèce 
                            de plaisir harmonieux sur la durée, etc., je 
                            me l'interdis, et donc, finalement, pendant toutes 
                            ces années, j'ai réussi à travailler 
                            quand même parce qu'il fallait que je bouffe, 
                            mais tout se passe comme si toute production de ma 
                            personne devait être enfantée dans la 
                            douleur. Il fallait que ce soit fait la nuit, je prenais 
                            même des amphétamines dans certaines 
                            circonstances, pour pas dormir deux jours de suite 
                            et pour pouvoir tout boucler. Et il fallait que ce 
                            soit quelque chose de douloureux, que ce soit pas 
                            gratifiant comme ça aurait pu l'être 
                            si ça avait été fait dans l'harmonie. 
                            Comme si c'était malgré moi que… 
                            alors est-ce que c'est parce que j'ai une mauvaise 
                            image de moi que je ne peux pas, ou je ne sais pas 
                            quoi qui fait que je n'imagine pas pouvoir produire 
                            des choses correctement ; il faut que ce soit malgré 
                            moi, dans une espèce de sursaut vital, parce 
                            qu'un client va réclamer… en y réfléchissant, 
                            je réfléchis en parlant, je crois que 
                            c'est quand même lié à la mauvaise 
                            estime, parce que je sais que ces choses là 
                            se sont quand même beaucoup arrangées 
                            dernièrement, depuis que j'ai un peu repris 
                            confiance en moi, tout simplement. Ça fait 
                            un peu Marie-Claire de dire ça, mais parce 
                            que, en fait, mon travail, je l'ai appris sur le tas, 
                            j'ai jamais fait d'école, évidemment, 
                            j'ai jamais fait de fac ni rien. Et donc, ce que j'ai 
                            appris, je le faisais bien, mais jusqu'à longtemps, 
                            jusqu'à 39 ans par là, ça m'a 
                            tenu longtemps, je me suis toujours dit que j'avais 
                            appris au pif ; quand les clients me disaient que 
                            c'étaient bien, je me disais ; j'avais une 
                            sensation - comme j'avais pas cette justification 
                            des études - je me disais, non, non, ils se 
                            sont trompés, ils vont s'en apercevoir un jour 
                            que je suis nulle. Et en fait, j'ai fini par faire 
                            un stage dans un grand quotidien parisien pendant 
                            huit mois, qui m'a libéré, qui m'a rassuré. 
                            Parce que j'ai vu que j'étais aussi bonne que 
                            les autres, voir meilleure, et maintenant, j'arrive 
                            à travailler mieux.  
                          Le modérateur : merci. 
                          Lise : Sur la mémorisation, 
                            donc, j'ai le souvenir que, enfant, même petite 
                            et jusqu'à la fin de mes études à 
                            dix-sept ans, j'ai tout appris par cœur. D'abord, 
                            c'était un peu l'obligation, mais, pour le 
                            plaisir, j'apprenais des poésies par cœur. 
                            Je montais sur une chaise, je les récitais, 
                            et je savais tout, tout par cœur. On faisait 
                            du théâtre enfant, le jeudi, et j'avais 
                            toujours des rôles à apprendre, très 
                            très longs ; mes difficultés d'apprentissage, 
                            ça a été ; tout ce qui était 
                            français, les mots, je retenais tout, l'orthographe 
                            tout de suite ; dès toute petite je ne faisais 
                            pas de fautes. La difficulté, ça a été 
                            au niveau arithmétique, ça a été 
                            assez vite. Un souvenir douloureux, ça a été 
                            les premières divisions. Je savais faire addition, 
                            multiplication, mais les divisions, ça a été 
                            l'os. Ça a été un mystère, 
                            et un jour, il y a eu un déclic, mais peut-être 
                            à treize ans, j'ai su faire une division. Et 
                            je me souviens qu'on en avait en devoir du soir et 
                            je cherchais toujours dans les corrections des jours 
                            et des mois précédents, s'il n'y avait 
                            pas la même division qui avait été 
                            proposée, pour - même les plus simples 
                            - j'y arrivais pas. Au niveau difficulté à 
                            se mettre au travail ; alors que le français 
                            est ma meilleure matière, j'y suis à 
                            l'aise ; j'avais de la peine à rédiger. 
                            Quand c'était rédigé, c'était 
                            toujours bien, j'avais des bonnes notes, mais une 
                            fois je suis restée jusqu'à minuit, 
                            deux heures du matin, pour une rédaction à 
                            faire. Et j'avais pleuré parce que je n'arrivais 
                            pas à aligner quelques lignes. J'ai passé 
                            brillamment le CAP et lebrevet commercial puisque 
                            c'était la filière que j'avais suivi, 
                            la filière la plus économique pour travailler 
                            tout de suite. Et j'ai passé le permis de conduire 
                            trois fois ; j'ai eu le code à la deuxième 
                            fois, à la troisième fois j'ai raté 
                            ; et contrairement à ce que j'ai entendu, moi 
                            j'ai dit : maintenant c'est fini, j'en suis incapable. 
                            Et j'ai dit, je le passerai à la retraite, 
                            et la retraite est arrivée, et je ne l'ai pas 
                            passé, j'ai encore reculé. Donc maintenant 
                            c'est trop tard. Et il y a encore une chose que je 
                            voulais… et oui, là, les problèmes 
                            de robinet qui coule, les trains qui se décalent, 
                            tout ça, quand il fallait faire des règles 
                            de trois, c'était à la perfection. Dans 
                            les jeux téléphoniques, même à 
                            la télé, encore, les réponses, 
                            je les ai tout de suite. Mais c'est le par cœur 
                            qui revient, c'est systématique, je n'ai pas 
                            à réfléchir. Pas à toutes 
                            les questions mais presque. Je lisais beaucoup à 
                            la bibliothèque à partir de dix-sept 
                            ans, je retenais tous les titres, les auteurs, des 
                            phrases entières de livre. C'était une 
                            technique que je m'étais fabriquée, 
                            sans doute. Mais la difficulté, c'est au niveau 
                            des maths, dès qu'il y avait un texte… 
                            dès la première année où 
                            j'ai fait des maths, je devais avoir quatorze ans, 
                            je n'ai pas su. Je n'ai jamais su. Et toutes mes notes, 
                            c'était toujours "1" sur "20", 
                            et le prof ajoutait : pour indemnité d'écriture. 
                            Je n'ai jamais pu. Et quand je rendais un devoir à 
                            peu près correct, c'était une élève 
                            qui me l'avait passé en douce et je recopiais 
                            ce qu'elle avait mis. 
                          Le modérateur : Merci. 
                            Est-ce que quelqu'un a quelque chose a rajouter ? 
                          Annabel : Je remonte, je peux 
                            prendre un exemple, en seconde, mais dans le primaire, 
                            assez rapidement, sur les problèmes ; parce 
                            qu'en calcul, on fait des problèmes… 
                            c'est là où j'ai eu le sentiment d'être 
                            abrutie, quoi, d'être vraiment idiote. C'était 
                            vraiment hyper dur à vivre et rapidement, mes 
                            parents m'ont fait donner des leçons particulières, 
                            et je revois la dame qui était très 
                            gentille, l'air… vous savez, accablée. 
                            Elle me disait ça, elle disait, "mais 
                            lis l'énoncé, c'est dedans, la réponse 
                            est dedans". Et là, c'était une 
                            telle menace, je sentais une telle menace, c'était 
                            abominable, quoi. Je ne pouvais pas lire, donc je 
                            pouvais rien, et donc, j'ai toujours eu des notes 
                            épouvantables. Mais ce qui est terrible, c'est 
                            que j'ai re-projeté ça sur mes enfants. 
                            C'est-à-dire, j'ai tellement souffert de cet 
                            échec scolaire et de cette impossibilité, 
                            soit à apprendre, soit à comprendre, 
                            que j'avais très très peur qu'ils souffrent 
                            de la même chose. Donc en fait, je projetais 
                            beaucoup sur eux. J'étais beaucoup à 
                            crier dessus : travaillez, il faut travailler, enfin 
                            bon… notamment, mon dernier fils ; comme moi, 
                            je travaille sur moi-même, et lui, de son côté 
                            aussi, bon, j'ai arrêté un peu les projections 
                            et je m'occupe plus de moi que de lui, et je vois 
                            que scolairement, il évolue très positivement, 
                            et que le dernier bastion, c'est les maths. Et je 
                            pense que c'est pas un hasard, je pense que c'est 
                            le dernier lien avec notre tragédie familiale, 
                            que lui n'a pas vécue. Il n'a pas connu non 
                            plus l'agresseur, parce que mon père est mort 
                            avant qu'il naisse. 
                          Le modérateur : Merci… 
                          Gaétan : Moi, en ce qui 
                            concerne les apprentissages, ça a été 
                            une catastrophe. Le primaire s'est plutôt bien 
                            passé, j'ai redoublé le CM2, en 6ème, 
                            j'étais parti sur de bonnes dispositions, et 
                            en fait, c'est pareil, je ne sais pas si c'est une 
                            histoire de mémoire, je ne sais plus à 
                            quel âge exact j'ai été abusé. 
                            Je pense, entre dix et douze ans, et arrivé 
                            en 6ème, donc ça correspondrait à 
                            peu près, ça a été la 
                            catastrophe ; les maths, ça a toujours été 
                            des difficultés. Pareil, j'avais des notes, 
                            c'était la catastrophe, je n'y arrivais pas 
                            du tout, je ne comprenais rien. Et à l'époque, 
                            autant en primaire c'était des choses plutôt 
                            concrètes, autant en 6ème, on arrivait 
                            dans l'abstraction, et là, j'y arrivais plus 
                            du tout, et je ne comprenais rien. Alors, je voulais 
                            comprendre, et le prof, ou la prof, avait dit : "mais, 
                            il faut pas chercher à comprendre, il faut 
                            juste apprendre". Et moi, je ne pouvais pas apprendre. 
                            Et j'ai triplé la 4ème, et ça 
                            a été… en fait, je ne m'en suis 
                            jamais vraiment sorti, et par la suite, je me suis… 
                            j'ai essayé de passer des examens, et je n'ai 
                            pu passer aucun examen, je n'ai pas le permis de conduire 
                            ; j'en suis incapable, de toutes façons, peut-être 
                            un problème de motricité ; et donc… 
                            mais c'est aussi un garde-fou, le fait de ne pas avoir 
                            le permis. Parce que bon, voilà. ET j'ai malgré 
                            tout… alors, je n'ai aucun diplôme, j'ai 
                            malgré tout voulu aller entreprendre une formation 
                            de travail social ; de formateur d'éducateur, 
                            et j'ai été dans l'incapacité 
                            d'écrire. J'arrivais pas à écrire 
                            ; il y a un certain nombre de travaux à rendre, 
                            et impossible, donc je pensais que c'était 
                            probablement lié à une formation que… 
                            j'avais fait une formation de typographe, et c'était 
                            pas une formation que je voulais faire, ça 
                            ne m'intéressait pas, et on m'avait forcé, 
                            parce que j'étais bon en français, etc. 
                            Et pendant cette formation, ben j'arrivais pas à 
                            écrire et j'avais cette impression que c'était 
                            parce que je ne comprenais pas, et je participais 
                            à des ateliers d'écriture au sein du 
                            centre, et la formatrice me disait : "mais vous 
                            n'avez pas de problèmes d'écriture". 
                            Et elle m'avait même dit "après 
                            votre diplôme, surtout ne vous arrêtez 
                            pas, continuez ; allez en faculté. Vous n'êtes 
                            pas fait pour être sur le terrain, vous êtes 
                            fait pour chercher". Et donc ça aurait 
                            dû au contraire me booster, etc, et non, ça 
                            a été… et encore aujourd'hui, 
                            la mise au travail, bien j'ai beaucoup de mal ; parce 
                            que je suis très perturbé. J'ai besoin 
                            de l'urgence. Je ne peux agir que dans l'urgence. 
                            Par rapport aux exigences que je peux avoir dans le 
                            cadre professionnel, il y a des fois, j'arrive même 
                            plus à parler, j'ai peur de ne pas comprendre 
                            ce qu'on me demande, j'ai des problèmes avec 
                            les messages ; envoyer des messages, je percute pas 
                            du tout. Des fois, je pense que je suis un idiot, 
                            un imbécile congénital ; et puis des 
                            fois je me trouve, je dirais pas brillant, mais intelligent, 
                            je percute vite certaines choses, je fais vite des 
                            relations entre les choses. Et c'est à désespéré 
                            parce que… là, je voudrais changer de 
                            boulot, parce que j'en ai mare de ce que je fais actuellement, 
                            et je suis dans l'incapacité de mettre les 
                            choses en route. J'ai fait un bilan de compétences, 
                            j'ai des compétences, néanmoins, le 
                            changement me fait très peur, et je mets toujours 
                            beaucoup de temps à passer à l'action, 
                            à agir. Je ne peux pas. Je me mets plein de 
                            barrières. Enfin, je ne sais pas si je me les 
                            mets ; j'ai l'impression que je suis totalement désorganisé 
                            dans ma tête, ma pensée est désorganisée. 
                            Mais je me soigne! 
                          Isabelle : Pour moi, tout allait 
                            bien jusqu'à l'âge de sept ans ; je pense 
                            que c'est entre six et sept ans où j'ai été 
                            abusée sexuellement par mon oncle par alliance 
                            ; et à partir de là, je suis rentrée 
                            dans un rapport de force assez phénoménal 
                            avec tout ce qui était, à mon sens, 
                            "pouvoir", "éducation nationale", 
                            etc, y compris mes parents. Je mettais un point d'honneur 
                            à ne pas être bonne. A être la 
                            dernière. J'en arrivais à un point où 
                            je faisais des concours avec mon meilleur ami à 
                            qui serait le plus nul des deux.  
                          Virginie : En classe ? 
                          Isabelle : En classe. Et arrivée 
                            au bac, j'étais pas élève de 
                            l'Education Nationale, j'étais dans le privé. 
                          Virginie : Comment t'es arrivée 
                            au bac ? 
                          Isabelle : C'est pas difficile, 
                            il y a des moyens. Donc je navigue, et je navigue 
                            aujourd'hui encore dans la vie sociale entre rapport 
                            de force et rapport de séduction, qui est aussi 
                            un rapport de force ; qui m'a permis, très 
                            longtemps, de sortir… de ne pas me fatiguer, 
                            quoi. De me sortir de situations ; ça m'évitait 
                            de travailler, je savais que j'avais une puissance 
                            mentale, mais l'utiliser, quelque part, c'était 
                            faire plaisir à des gens qui ne m'avaient pas 
                            protégée au moment où c'était 
                            leur rôle. Et j'ai aussi un problème 
                            au niveau des [inaudible], tout ce qui est organisation. 
                            Et je ne prépare pas ; c'est-à-dire, 
                            mentalement, je me fais suffisamment confiance. Il 
                            faut que je sois au bord du précipice pour 
                            faire, pour dire. 
                          Le modérateur : Alors 
                            le temps est écoulé sur ce premier sous-thème, 
                            mais vous allez voir qu'avec les autres sous-thèmes, 
                            on va pouvoir rebondir. Juste une petite question 
                            avant qu'on passe au sous-thème suivant : est-ce 
                            que certains parmi vous ont fait une différence 
                            au niveau mémorisation, entre mémorisation 
                            à court termes et une mémorisation à 
                            long terme ? Plus de difficultés à mémoriser 
                            par exemple sur une courte période, et par 
                            contre, une bonne mémorisation à long 
                            terme, ou l'inverse. 
                          Gaétan : Je crois que 
                            je me rappelle de choses très lointaines, très 
                            très lointaines ; je fais des recherches sur 
                            mes origines, et donc je retrouve des choses très 
                            lointaines. Par contre, la mémoire à 
                            court terme, c'est problématique. Les collègues, 
                            des fois, me disent : "oh, t'as oublié 
                            ça", et si, j'ai oublié ; mais 
                            c'est vraiment, je vais poser des questions, et on 
                            en a parlé deux minutes avant, et j'ai oublié. 
                            Par contre, j'ai une excellente mémoire des 
                            noms ; c'est vraiment sur le court terme, je percute… 
                            même qu'on peut pousser la réflexion, 
                            sous forme de boutade, mais : "attends, Gaétan, 
                            c'est pas un Elzeimer qui se déclare ?" 
                            parce que c'est vraiment problématique. 
                          Delphine : (à une nouvelle 
                            participante qui vient d'arriver) Tu connais le principe 
                            de l'atelier, ou peut-être qu'on peut… 
                          Zoé : non, ça va, 
                            c'est bon. 
                           
                            2) Problèmes d'orientation 
                            au niveaux spatial et territorial  
                             
                            Le modérateur : Nous allons donc passer au 
                            sous-thème suivant, puisque, si vous avez vu 
                            les sous-thèmes qui étaient annoncés 
                            sur le site, on en a changé un peu l'ordre. 
                            On vient de parler de "mémorisation et 
                            apprentissage", et on va donc maintenant appréhender 
                            le deuxième sous-thème qui est "les 
                            problèmes d'orientation", essentiellement 
                            au niveau spatial et territorial ; le troisième 
                            sera donc "passer un examen", et le quatrième 
                            "le syndrome du perroquet". Donc, sur le 
                            problème d'orientation spatiale et territoriale, 
                            est-ce que c'est quelque chose… 
                          Virginie : Oui, moi je veux bien 
                            dire, mais ça va être résumé 
                            en deux mots : c'est une catastrophe. Pour rajouter 
                            au club des gens qui ont passé leur permis 
                            trois fois, j'ai aussi passé trois fois mon 
                            permis ; que j'ai fini par avoir, mais je pense que 
                            l'examinateur était un peu lassé. Et 
                            de toutes façons, je pense que si j'avais eu 
                            une voiture entre les mains, que j'ai eue juste quelques 
                            mois avant de la revendre : je ne pouvais pas me diriger. 
                            Je n'ai absolument aucun sens de l'orientation. Et 
                            c'est à tel point que dans mon travail, pour 
                            la communication visuelle, depuis le web, on me demande 
                            de travailler sur trois dimensions, finalement, sur 
                            l'espace, et j'en suis incapable. Je sous-traite cette 
                            partie du travail parce que je suis incapable de raisonner 
                            dans l'espace. C'est vraiment un gros handicap. 
                          Delphine : Et ça te fait 
                            plus de souci en trois qu'en deux dimensions ? 
                          Virginie : Oui, les deux dimensions, 
                            c'est très bien, mais trois, ça me pose 
                            un gros problème. Donc je pense que j'ai maintenant 
                            une certaine habitude du métier, mais je ne 
                            peux tout simplement pas réfléchir quand 
                            je suis en trois dimensions. Et je pense que si j'avais 
                            conduit, c'était pareil. Par contre, c'est 
                            juste un problème d'orientation, mais pas de… 
                            alors, qu'est-ce que je fais en général, 
                            je retiens assez bien les endroits parce que je mémorise. 
                            Mais dès que je sors de ma rue et qu'il s'agit 
                            de faire un travail dans la tête : est-ce que 
                            c'était à droite ou à gauche 
                            qu'il fallait aller, dans un cas sur deux, je fais 
                            l'inverse. 
                          Delphine : Je vais dire un mot 
                            pour moi : je n'ai absolument aucun, aucun souci d'orientation 
                            ; je sais à peu près toujours où 
                            je suis : même dans la forêt, je ne me 
                            perds pas 
                          [changement de face] 
                          par contre, je voudrais parler 
                            pour deux absentes : je ne suis pas chargée 
                            de le faire mais ça me frappe beaucoup : l'une 
                            c'est ma sœur, qui ne sait parfois pas sa gauche, 
                            ni sa droite. Elle sait absolument pas s'orienter, 
                            le permis a été un drame personnel pour 
                            elle ; elle vient de l'avoir mais elle a commencé 
                            à essayer de le passer à dix-huit ans 
                            et elle a 38 ans, et elle l'a eu l'an dernier au prix 
                            de souffrances inouies; Et l'orientation, c'est un 
                            problème, mais même, lorsqu'elle emménage 
                            quelque part, il lui faut des mois pour savoir où 
                            est le boulanger, pour arriver à le retrouver. 
                            Et le boulanger, on est à Paris, donc il n'est 
                            jamais à plus de deux ou trois coins de rue. 
                            Et une autre personne, que j'ai été 
                            très admirative de rencontrer, qui était 
                            encore plus mal orientée ; en rencontrant ma 
                            compagne, qui, au début, quand elle est venue 
                            chez moi : j'habite à Saint-Germain des prés, 
                            et pour redescendre sur le boulevard Saint-Germain, 
                            non seulement c'est tout droit mais c'est en pente 
                            ; le boulevard est juste en bas. Et bien il lui a 
                            fallu au moins une quinzaine de visites chez moi pour 
                            que… à chaque fois elle me redemandait 
                            où était le métro, qui était 
                            donc à 50 mètres et 5 minutes à 
                            pied. Donc, ça, c'était chez moi, je 
                            me disais, c'est normal ; mais même chez elle, 
                            elle ne se repérait pas très bien. 
                          Lise : Il faut peut-être 
                            préciser qu'elle est victime d'inceste… 
                          Delphine : Oui, oui. Et par exemple, 
                            ma sœur et elle ont déjà discuté 
                            de ça, et échangé ensemble des 
                            conversations sur le thème : et toi, est-ce 
                            que tu sais retrouver la voiture quand tu te gares 
                            quelque part ? Et non. Et des fois, ma sœur est 
                            obligée de noter l'endroit où elle a 
                            garé la voiture, parce que sinon, elle ne la 
                            retrouve pas. Elle ne sait plus la retrouver. Je ne 
                            comprends pas cette difficulté de se représenter 
                            où on est, tu sais, quand c'est dans le même 
                            pâté de maison. 
                          Annabel : Moi, j'ai aucun sens 
                            de l'orientation. Par exemple, si je dois aller travailler 
                            en banlieue, il faut que je regarde le plan dix fois, 
                            que je le tire sur Mapi-l'ordinateur, que je l'apprenne 
                            par cœur ; je pars des heures en avance et j'arrive 
                            à me perdre… même si c'est un trajet 
                            que j'ai fait de nombreuses fois, parce que je dois 
                            y retourner : à chaque fois, c'est quasiment 
                            pareil. Et si je suis pas dans un état de vigilance 
                            absolue, je suis quasiment sûre que je vais 
                            sortir au mauvais endroit. Et c'est très très 
                            pesant. Si par exemple, il faut choisir une route 
                            ; par exemple, ça m'est déjà 
                            arrivé de nombreuses fois de prendre le train, 
                            d'arriver en province et d'aller chez un client qui 
                            est à cinq dix minutes à pied de la 
                            gare. Donc j'écris toutes les indications qu'il 
                            me donne, je demande à peu près à 
                            quatorze passants, et je finis par y arriver. Le problème, 
                            c'est pour retourner à la gare : c'est absolument 
                            atroce, et par contre, ce qui est incroyable, c'est 
                            qu'à chaque fois, je crois savoir la bonne 
                            route, et je pars exactement dans l'autre sens. Et 
                            je ferais mieux de savoir que je ne sais pas ; mais 
                            non, je m'embarque toujours dans la mauvaise direction. 
                          Delphine : Mais tu te retrouves 
                            toujours… 
                          Annabel : bah c'est-à-dire 
                            que je vois bien que je ne vois pas de gare, donc 
                            je demande ; les gens me disent : "ah non, c'est 
                            derrière vous", et voilà, c'est 
                            ça. Je n'ai aucun sens de l'orientation, et 
                            quand je crois que je l'ai, c'est à l'envers, 
                            toujours. Et ça c'est chiant, c'est très 
                            pénible. 
                          Virginie : Oui, moi, ce côté 
                            aussi d'être persuadée mordicus que j'ai 
                            bien… mon mari qui me dit : "non, non, 
                            c'est exactement de l'autre côté", 
                            "arrête, c'est pas de l'autre côté". 
                          Annabel : Voilà, c'est 
                            très… et la voiture, ça ne m'arrive 
                            plus mais ça m'est arrivé pendant très 
                            très longtemps, où j'écrivais 
                            le nom de la rue, ou la boutique devant laquelle j'étais 
                            garée ; ça m'arrivait de tourner en 
                            me disant mais qu'est ce que j'ai fait de cette bagnole, 
                            où je l'ai mise , dans les parking. Et l'orientation, 
                            donc c'est un truc incroyable mais, à la maison 
                            : faut quand même être très tarée 
                            ; chez soi-même. C'est pas que je ne sais pas 
                            où je suis, je ne peux pas dire ça comme 
                            ça, mais il y a des moments où j'ai 
                            un sentiment de me sentir perdue : perdue dans un 
                            endroit familier. Alors, ça peut se traduire 
                            par : je ne sais pas où sont les trucs, alors 
                            qu'il n'y a pas cent endroits possibles pour les ranger. 
                            Je perds énormément de choses, mais 
                            en fait, je ne les perds jamais, elles sont toujours 
                            là et je les retrouve, mais je me tape des 
                            angoisses… alors les clés, évidemment, 
                            carte bleue, tout ça ; des dossiers, au moment 
                            où on doit partir, le machin a disparu, donc 
                            maintenant, je fais mon cartable la veille ou deux 
                            jours avant. Parce que c'est une souffrance, c'est 
                            pas des petits trucs anecdotiques un peu embêtant. 
                            Tout ça est lié à une angoisse, 
                            une confusion mentale effroyable. 
                          Delphine : mais quand tu es perdue 
                            chez toi, ça t'angoisse ? 
                          Annabel : Bah plutôt! 
                          Delphine : Parce que ça 
                            peut durer ? C'est pas juste un moment ? 
                          Annabel : Non, c'est fugitif, 
                            fugace, mais ça m'angoisse horriblement, parce 
                            que derrière, il y a une confusion. Alors depuis 
                            que l'amnésie s'est levée, depuis que 
                            je suis en analyse, c'est moins douloureux parce que 
                            je relis ça. Mais avant, c'était épouvantable. 
                          Zoé : Le sens de l'orientation, 
                            je ne l'ai pas du tout non plus, quoi. C'est-à-dire, 
                            pour moi, je suis sure qu'il faut que j'aille à 
                            droite, et en fait non, c'est l'inverse, faudrait 
                            aller à gauche. Faut que je fasse des… 
                            Donc je passe du temps à tourner, à 
                            chercher, c'est pas clair, quoi. 
                          Delphine : et ça te fait 
                            ça dans des endroits familiers, aussi, ou c'est 
                            que quand tu découvres ? 
                          Zoé : C'est quand je découvre. 
                            Les endroits familiers… mais c'est vrai que 
                            j'ai remarqué que je me sentais bien dans les 
                            petits espaces. Là, je vis dans 14 mètres 
                            carrés, et c'est bien : j'ai tout sous la main, 
                            je sais où sont rangées mes choses; 
                            Ma mère habite dans un appartement beaucoup 
                            plus grand au moment où j'étais chez 
                            elle, et je posais une chose là, une autre 
                            là-bas, et je ne les trouvais plus, elles étaient 
                            perdues. Mais des fois, j'ai l'impression de faire 
                            exprès de me perdre, de m'induire en erreur 
                            ; genre, je vais être dans une rue, je vais 
                            chercher un numéro, c'est un numéro 
                            impair, et je vais m'installer du côté 
                            des numéros pairs, en me disant, c'est bizarre, 
                            je le trouve pas. 
                          Annabel : Ah oui, ça, 
                            ça m'arrive. 
                          Zoé : Je me dis, il n'y 
                            est pas, il n'y est pas ; donc je fais des zigzags, 
                            je tourne en rond, c'est catastrophique.  
                          Virginie : Mais le truc de la 
                            direction opposée de celle où on devrait 
                            aller, moi, ça me parle vachement parce que, 
                            par exemple, dans les correspondances du métro, 
                            toujours, je pars bille en tête que je sais 
                            où je vais, que je maîtrise tout, etc, 
                            et je prends très - anormalement souvent - 
                            la mauvaise direction opposée de là 
                            où je dois aller, donc effectivement, je rechange. 
                            C'est un grand classique, ça m'arrive très 
                            souvent. 
                          Delphine : Tu veux dire, pour 
                            aller chez le psy ou pour aller ailleurs ? 
                          Virginie : Pour aller partout, 
                            c'est vraiment le grand classique. Le côté 
                            : c'est vraiment l'opposé. Pareil quand on 
                            cherche le numéro d'une rue, et donc voilà, 
                            je dois aller au 150, je regarde que je suis au 100, 
                            donc normalement, je dois aller dans le sens où 
                            ça augmente. Pareil, je mets très longtemps 
                            avant de m'apercevoir qu'en réalité 
                            ça redescend, et j'en suis à un état 
                            troublant parce que je me dis : est-ce qu'il faut 
                            que j'additionne, ou pas ? Et c'est une espèce 
                            de paralysie, brouillard dans la tête. Tellement 
                            j'étais persuadée que j'étais 
                            au bon endroit, que j'allais dans le bon sens. J'ai 
                            un effort mental énorme à faire pour 
                            tout déconstruire ce que je m'étais 
                            mise en tête, et tout refaire. 
                          Delphine : Ben c'est ça 
                            que ma sœur appelle les crises d'imbécillité 
                            : par exemple, ce genre de truc, quand tu sais plus, 
                            quand tu es au numéro 50 et que tu dois aller 
                            au 100, tu vas vers le 49, 48 et tu sais plus. Ma 
                            sœur dit qu'elle pense que si tu lui demandes 
                            son nom à ce moment, là, elle ne peut 
                            pas le dire, elle ne le sait plus non plus. 
                          Annabel : Moi, je me souviens 
                            d'un dîner, avec des proches de mes parents, 
                            et j'étais petite, j'avais pris mon bain, j'étais 
                            en robe de chambre et je venais dire au revoir ; et 
                            il y avait un ami de papa qui était absolument 
                            adorable et qui m'a fait cette petite blague bien 
                            innocente : quelle est la couleur du cheval blanc 
                            d'Henri IV ? Et là, je… je… c'était 
                            atroce, je me disais : mais je ne sais pas, mais je 
                            ne sais pas, et je voyais la tête de tout le 
                            monde disant "mais" et répéter 
                            "du cheval blanc d'henri IV", et tout, et 
                            donc, c'était horrible. Je sentais que n'importe 
                            quel abruti aurait trouvé la réponse 
                            et moi, je ne l'avais pas, et je ne voyais pas comment 
                            on pouvait trouver la réponse, et je ne sais 
                            même plus comment ça s'est fini. Et je 
                            me souviens avoir dit ; et ça avait fait rire 
                            jaune "… gris clair", des essais de 
                            couleur de chevaux qui pouvaient me venir à 
                            la tête, et je me disais : mais pourquoi il 
                            me demande la couleur du cheval blanc d'Henri IV ? 
                           
                          Delphine : Tu zappais que c'était 
                            blanc ? 
                          Annabel : Oui, et je crois que 
                            ça a été la première fois, 
                            cette fois là, où j'ai su ce que c'était 
                            que d'être atteinte par une crise d'imbécillité, 
                            et la souffrance que c'était, et l'étiquette 
                            que tu prends auprès de ta famille, aussi. 
                          Virginie : Oui, ça fait 
                            un peu Mongol… 
                          Lise : A sept ans, c'était 
                            la deuxième classe de l'école primaire, 
                            et la maîtresse avait écrit à 
                            la craie sur le mur blanc, à la craie rouge 
                            : ouest, nord, enfin bon, les quatre points cardinaux, 
                            pour qu'on apprenne. Et je ne sais pas pourquoi je 
                            n'ai jamais pu comprendre ; elle avait mis le "O" 
                            à l'ouest, le "S" en bas, etc ; et 
                            je n'ai jamais pu ; ça, c'est comme les maths, 
                            ce n'est jamais entré. J'ai pu m'orienter après, 
                            parce que j'ai fait de la randonnée, et j'avais 
                            la boussole autour du coup, et ainsi, j'ai pu savoir… 
                            en même temps, j'ai appris mais assez tard, 
                            par une amie avec qui je randonnais, que le soleil 
                            se couchant à l'ouest ; lorsqu'il était 
                            à tel endroit vers 5h du soir, c'était 
                            forcément l'ouest. Et ça, ça 
                            a été très tardif, ça 
                            a été un éblouissement, un soulagement, 
                            parce que c'était une torture de ne pas savoir 
                            où était le nord, est, sud, même 
                            quand c'était écrit sur le mur. Et je 
                            me souviens, il y a cinq six ans, sur la place de 
                            la Nation, j'avais regardé sur mon plan, et 
                            je me dis : une petite rue inconnue, à l'est. 
                            Et je me suis servie du soleil pour retrouver la rue, 
                            et j'ai réussi… c'était récemment, 
                            j'allais chez un pédicure. 
                          Annabel : Lise va chez le pédicure 
                            à la boussole, c'est normal…  
                          Lise : non, je n'avais pas la 
                            boussole mais j'ai réussi toute seule à 
                            voir le soleil couchant, et à deviner que c'était 
                            l'ouest. Ça a été un éblouissement. 
                            Et je voulais dire quelque chose ; quand je suis arrive 
                            à paris, à 17, 18 ans, et même 
                            après, quand j'y suis revenue à 35 ans, 
                            je ne savais pas trop comment me diriger, et dans 
                            le bus, comme dans le métro, je ne voulais 
                            pas qu'on sache. Je ne voulais pas qu'on sache. Et 
                            je regardais toujours le plan du bus, la ligne de 
                            bus, mais d'un œil : en me disant, faut pas qu'on 
                            me voit, faut pas qu'on me voit. 
                          Delphine : tu voulais pas qu'on 
                            sache quoi ? Ou t'allais ? 
                          Lise : Non, que je ne sache pas. 
                            Il fallait pas qu'on voit que je ne savais pas. Je 
                            voulais cacher mon ignorance de ne pas savoir. Ça, 
                            mais c'était vraiment, c'était la honte, 
                            quoi : la honte. J'avais honte, j'imaginais que les 
                            gens se dirigeaient dans le bus un petit peu magiquement, 
                            quoi. Et ma désorientation était telle 
                            que pour moi, c'était sans doute un effet magique 
                            de savoir dans quelle direction aller. Et je vais 
                            finir avec lorsque j'ai été en voiture 
                            avec Delphine l'année dernière, deux 
                            ou trois fois, j'étais admirative, parce qu'elle 
                            savait tourner à la bonne rue ; et ça 
                            confirme ce que tu as dit tout-à-l'heure. Et 
                            ça se voyait, et j'étais stupéfaite, 
                            qu'on sache. 
                          Virginie : ah oui, moi ça 
                            me paraît supra-normal que les gens arrivent 
                            à tourner comme ça en voiture. 
                          Gaétan : Moi, je suis 
                            un très mauvais co-pilote. Réellement 
                            un très très mauvais co-pilote. Autant 
                            je crois que je me repère bien dans Paris, 
                            j'ai pas de problèmes d'orientation dans Paris. 
                            Par contre, c'est vrai que si je suis co-pilote, même 
                            ne serait-ce que si c'est quelqu'un qui me ramène 
                            chez moi : je suis pas fichu de lui donner le chemin. 
                            J'y arrive pas. Et ce qui est dramatique pour le pilote, 
                            c'est qu'il fait des kilomètres supplémentaires. 
                          Delphine : Tu veux dire, toi, 
                            tu sais, mais tu peux pas le transmettre ? 
                          Gille : je ne peux pas le transmettre, 
                            j'y arrive pas. Et pourtant, c'est des choses que 
                            je pourrais faire au quotidien, mais j'y arrive pas. 
                            En fait, j'ai l'impression que j'ai du mal avec l'objet… 
                            tu parlais de boussole, c'est impossible pour moi 
                            d'utiliser une boussole, un plan. Pourtant, c'est 
                            pas très compliqué, quand je vois les 
                            autres personnes. J'y arrive pas, je suis… par 
                            contre, à pieds, il n'y a aucun problème. 
                            Je peux marcher très longtemps, et je me retrouve 
                            tout le temps, j'arrive toujours à retrouver 
                            mon chemin, et tout, mais : à pied. Je peux 
                            même prendre des raccourcis, j'arrive à 
                            me repérer. Mais c'est vrai que sur des plans, 
                            j'ai envie de dire, c'est presque des barrières 
                            que je me mets ; c'est probablement ça. C'est 
                            parce que je vois tous les gens que tu peux connaître, 
                            ils ont aucun problème, et moi, d'emblée, 
                            j'ai peur de pas m'y retrouver, en tous cas, sur un 
                            plan. Mais c'est marrant, parce que ça me fait 
                            penser : problème d'orientation, je crois que 
                            c'est aussi le problème du sens, et il y a 
                            plusieurs sens au sens : le sens giratoire, le sens/la 
                            direction ; et le sens des mots. Pour moi, c'est très 
                            lié. Et j'ai un peu l'impression que c'est 
                            la même chose, les problèmes d'orientation 
                            et les problèmes de la signification des mots. 
                            Je fais le lien sans bien cerner, mais aussi, c'est 
                            quand on parle d'orientation, c'est aussi, enfin - 
                            pour parler de moi - l'orientation de ma vie. C'est 
                            dans quel sens je vais, et avec quel sens. C'est toujours 
                            pareil, le sens giratoire, la signification du mot, 
                            des mots, de l'histoire, de mon histoire ;tout ça 
                            est très lié. 
                          Isabelle : Non, moi, j'ai juste 
                            une difficulté à lire un plan, mais 
                            je crois que c'est une question de précision. 
                            Je ne suis pas sure que ce soit un problème 
                            d'orientation. Il y a trop de choses, c'est tout petit 
                            et il y a trop de choses. Et ça me demande 
                            d'être concrète.  
                          Delphine : Et un gros plan ? 
                          Isabelle : C'est pareil, il y 
                            a plein de choses. Ça me demande de m'arrêter. 
                            Sur quelque chose, et je zappe, je zappe. 
                          Virginie : C'est la concentration… 
                          Isabelle : Oui. 
                          Delphine : je peux dire un truc, 
                            mais ça a pas à voir ? ça a à 
                            voir avec tout-à-l'heure. 
                          Le modérateur : Oui 
                          Virginie : Non. bon… vas-y. 
                          Delphine : ça a à 
                            voir avec la mémorisation. Ça m'est 
                            revenu, je me suis rappelé. Je sais maintenant 
                            pourquoi je peux travailler, j'arrive à m'y 
                            mettre. Je m'en suis souvenue tout-à-l'heure, 
                            après. C'est que maintenant ; en fait, je me 
                            suis rendu compte que maintenant, j'arrive à 
                            m'y mettre parce que j'arrive à laisser venir 
                            ce qui doit venir… et en fait, tout ces derniers 
                            temps, j'ai réussi à rendre mon travail 
                            à temps parce que je laisse venir ; et ce qui 
                            vient en premier, c'est mon grand-père qui 
                            me viole et des cauchemars atroces. Avant, je ne pouvais 
                            pas ; je ne pouvais pas laisser venir ça, donc 
                            je ne laissais rien venir, donc je ne pouvais pas 
                            travailler. Mais maintenant, alors c'est pour ça 
                            que c'est très dur et que ça s'accompagne 
                            de nausées, machins, crises de larmes, je sais 
                            pas comment ça se passe mais en tous cas apparemment, 
                            ça cède, et ce qui vient en premier, 
                            c'est des cauchemars atroces et des souvenirs, et 
                            après, je peux travailler. 
                          Gaétan : Ce que tu viens 
                            de dire, ça me fait penser à autre chose, 
                            l'histoire du plan. En fait, je viens de me rendre 
                            compte que le plan, c'est aussi… du mal à 
                            lire un plan, c'est aussi du mal à… par 
                            exemple, je me rappelle ; le problème, quand 
                            je devais écrire dans le cadre de mes études, 
                            c'est justement que je n'arrivais pas à faire 
                            de plans. Donc il y a plein d'idées qui me 
                            venaient, et que c'était complètement 
                            désordonné, et j'arrivais pas à 
                            organiser. Et en fait, c'est pareil, c'est l'histoire 
                            du sens des mots. Je m'interroge beaucoup sur les 
                            mots. Pour en revenir aux apprentissages, j'applique. 
                            En fait, tout ce que j'ai pu apprendre, c'est grâce 
                            aux livres, parce que je lisais beaucoup, et je continue 
                            à lire énormément, et… 
                            comment expliquer ça. Je pense que si - bien 
                            sûr, avec des "si", on peut tout - 
                            mais j'ai envie de dire que j'ai été 
                            un bon élève qui a été 
                            contrarié. Parce que je me rends compte que 
                            quand je parle dans d'autres cadres, les gens sont 
                            toujours très intéressés par 
                            ce que je dis. On me dit, même, qu'on me trouve 
                            très intelligent, et bon, enfin, c'est juste 
                            quelque chose en apparté. 
                          Le modérateur : Merci. 
                            Bon, il est quatre heure moins le quart, on va faire 
                            une pause maintenant, et on reprend après pour 
                            les deux autres sous-thèmes. Une pause de dix 
                            minutes. 
                          (PAUSE) 
                          Isabelle : j'ai une question 
                            ; j'ai une question : est-ce que la difficulté 
                            de lire un plan ne peut pas venir du refus de suivre 
                            les règles imposées par quelqu'un d'autre 
                            ? 
                          Le modérateur : Un élément 
                            important ; dans le cadre de ces ateliers, quand vous 
                            posez une question, et s'il y a une réponse, 
                            ou une proposition de réponse, elle est de 
                            toutes façons donnée uniquement entre 
                            les particpants. En l'occurrence, ni par moi, ni par 
                            les gens qui accompagnent aujourd'hui. 
                          Delphine : Moi j'ai une idée 
                            de réponse, mais je te la dirai, on y reviendra 
                            tout-à-l'heure dans le syndrome du perroquet. 
                            Je te dirai… 
                          Isabelle : Bon, c'est pas des 
                            questions au modérateur… 
                          Delphine : non, c'est nous autres 
                            entre nous. 
                          Le modérateur : Oui, mais 
                            par rapport à la question qui vient d'être 
                            posée, est-ce que quelqu'un a quelque chose 
                            à apporter ? 
                          Gaétan : Oui, mais répète 
                            la, ta question, parce que je crois que… 
                          Isabelle : En ce qui me concerne, 
                            j'entends, est-ce que la difficulté de lire 
                            un plan ne vient pas du fait que ce soit des règles 
                            à suivre imposées par quelqu'un d'autre 
                            ? 
                          Gaétan : Moi, ça 
                            me renvoie effectivement à quelque chose, j'ai 
                            beaucoup de problèmes avec les règles. 
                            C'est pour ça que justement, j'ai pas de réponse 
                            mais ce que tu dis me touche. 
                          Lise : Moi, la réponse 
                            qui me vient, c'est que si par exemple, la rue que 
                            je dois atteindre est de l'autre côté 
                            de la Seine, il faut absolument que je prenne le pont. 
                            Il n'y a pas moyen, je ne peux pas aller à 
                            la nage de l'autre côté, donc je suis 
                            la règle du plan ; c'est ce qui me vient tout 
                            de suite comme réponse. 
                          Delphine : Et puis ça 
                            ne te dérange pas ? 
                          Lise : Non, je préfère 
                            prendre le pont que de traverser à la nage. 
                            Mais je sais bien que - je sais pas si c'est fondamental 
                            dans l'existence - mais c'est quelque chose de solide 
                            de traverser le pont pour aller de l'autre côté 
                            d'un fleuve, par exemple. Je bifurque comme çà 
                            mais voilà ma réponse par rapport à 
                            ta question. 
                          Zoé : J'ai visité 
                            Auxerre, il n'y a pas très longtemps, et ils 
                            ont fait une chose très bien avec un plan, 
                            avec un plan et des choses marquées au sol, 
                            donc tu peux pas te tromper, et tu peux pas te perdres 
                            : tu commences par le numéro 1 et tu vas jusqu'au 
                            numéro untel, et voilà. Et bizarrement, 
                            je suis sortie, le numéro 1 était à 
                            côté, et j'ai pris le dernier numéro. 
                            Et j'ai fait toute la visite à l'inverse; Et 
                            j'ai galéré parce que c'est pas bien 
                            indiqué dans ce sens là, mais ça 
                            m'a… et à un moment, je me suis dit : 
                            je vais reprendre le parcours normal, et bah ça 
                            m'a ennuyé, quoi. Donc je me suis dit, je vais 
                            recommencer comme je faisais, je vais repartir à 
                            l'envers. Et c'est vrai que ça me plaisait 
                            plus.  
                          Virginie : Quand j'ai parlé 
                            du décalage entre ce qu'on est capable de faire 
                            et l'éventuelle "capacité à", 
                            c'est - je sais pas si c'est dans le thème 
                            - mais c'est mon problème avec les machines 
                            en général. J'ai remarqué qu'il 
                            y avait des tas de gens à qui ça arrivait, 
                            et des gens qui avaient pas forcément été 
                            incestés, et qui pigeaient rien aux machines. 
                            Mais je voulais dire, dans mon truc, c'est visiblement 
                            apparemment quelque chose qui est pas dû à 
                            mes capacités, puisque je suis incapable de 
                            faire marcher un magnétoscope, au pire, un 
                            réveil matin non plus, et j'ai toujours pensé 
                            que j'étais débile là-dessus. 
                            Et un jour, on m'a fait remarquer que : pourquoi dans 
                            ces cas là, je maîtrisais parfaitement 
                            mon Mac, j'arrivais à changer une carte-mère, 
                            j'étais pro, je dépanne souvent mes 
                            copains graphistes. Donc visiblement, c'était 
                            pas le rapport à la machine qui n'allait pas, 
                            c'était encore une fois une inhibition, un 
                            refus que je m'imposais, devant la machine. L'histoire 
                            du magnétoscope, ça a été 
                            très grave, c'est qu'en fait j'avais rendu 
                            service à un ami, et il m'avait offert un magnétoscope 
                            pour me remercier. Et le blocage était tel 
                            que ce magnétoscope est resté dans le 
                            carton pendant six ans. J'ai pas réussi déjà, 
                            à ouvrir le carton. Je déménageais, 
                            je transportais ce carton, je n'arrivais déjà 
                            pas à l'ouvrir, pressentant qu'il fallait s'y 
                            mettre. Et finalement, je ne l'ai pas ouvert, j'ai 
                            demandé à mon frère de le mettre 
                            en place, de l'installer. Et quand je l'ai installé, 
                            c'est effectivement un truc super compliqué, 
                            programmable etc. et donc, je ne m'en sers que pour 
                            mettre une cassette dedans, ce que j'ai énormément 
                            de mal à faire. Et dans la mesure où 
                            je n'ai aucun souci pour réparer un ordinateur 
                            - parce qu'on peut dire, c'est les nanas, elles sont 
                            pas bricoleuses - mais j'ai décidé qu'il 
                            fallait que l'ordinateur, je le maîtrise à 
                            fond, et là, je suis très douée 
                            : je dépanne mes copains, même des hommes. 
                          Delphine : Non… 
                          Virginie : Donc ce qui va pas, 
                            c'est le décalage. Encore, je serais douée 
                            en rien. Mais c'est le décalage entre ce que 
                            à un moment donné, on a décidé, 
                            donc visiblement, le potentiel y est, et l'inhibition 
                            dans d'autres domaines. 
                          Le modérateur : Quelqu'un 
                            a quelque chose à ajouter à cette question 
                            ? 
                          Virginie : Ben il y a peut-être 
                            un peu ça aussi, c'est le fait qu'il y a des 
                            choses qui sont imposées, et d'autres choses 
                            que l'on décide, finalement. Et en fait, le 
                            magnétoscope avec son existence compliquée, 
                            son mode d'emploi etc, m'agresse, parce que je suis 
                            obligée de rentrée dans le rang pour 
                            apprendre. Alors que le Mac, j'ai décidé. 
                          3) Passer un 
                            examen 
                          Le modérateur : On va 
                            rebondir sur ce que dit Virginie, pour passer au troisième 
                            sous thème, par rapport à ce principe 
                            d'imposition, qui était "passer un examen". 
                            Alors passer un examen, c'est au sens large. Ça 
                            peut être aussi une échéance après 
                            dans le cadre professionnel, c'est pas forcément 
                            l'examen au sens stricto sensu de ce qu'on peut connaître 
                            dans le monde scolaire. 
                          Zoé : Moi, en matières 
                            d'examens, et même de quoi que ce soit, je me 
                            suis toujours arrangée pour choisir des niveaux 
                            qui sont inférieurs au mien; comme ça 
                            au moins j'étais sûre d'être acceptée 
                            et de pas avoir trop d'effort à fournir. Enfin, 
                            sans me le dire à l'avance, mais je me suis 
                            rendue compte de ça. Par exemple, j'étais 
                            auxiliaire vétérinaire, c'est un niveau 
                            CAP-BEP, et j'ai un niveau Bac, j'aurais pu faire 
                            un autre métier, avec les compétences 
                            que j'ai. Je me suis arrangée pour faire des 
                            choses pour lesquelles je ne devais pas en faire beaucoup. 
                           
                          Delphine : C'est parce que tu 
                            ne veux pas être en échec ? Ou comme 
                            ça, t'es sûre de l'avoir, le truc ? 
                          Zoé : Ouais, c'est pour 
                            être sûre que je serai pas en échec, 
                            et pour être sûre que j'aurai pas beaucoup 
                            d'effort à fournir, pendant la formation, ou 
                            pendant le métier. Mais ça ne veut pas 
                            dire que je ne me suis pas donnée du mal pour 
                            faire mon année d'école ; je me suis 
                            rendue compte de ça il n'y a pas longtemps. 
                          Delphine : ben moi, j'adore ça, 
                            passer des examens ; des diplômes, des trucs 
                            comme ça, j'adore ça. Je voulais passer 
                            les plus hauts, dans les meilleures écoles 
                            avec la meilleure mention, j'a-do-re ça. Après, 
                            je me sens légitime, c'est important. Je ne 
                            sais pas. J'ai toujours aimé ça. J'ai 
                            bien aimé avoir le bac, j'ai bien aimé 
                            avoir la suite, j'ai même entamé d'autres 
                            cursus, j'aime ça. 
                          Lise : mais est-ce que tu peux 
                            expliquer ? Ou non ? ça va tout seul et c'est 
                            comme ça ? 
                          Delphine : Non, mais je travaille… 
                            mais c'est que j'aime bien les avoir, après, 
                            les diplômes. J'aime bien avoir des diplômes. 
                          Annabel : mais moi aussi j'aurais 
                            bien aimé avoir des diplômes. Mais c'est 
                            même pas qu'on n'a pas réussi ; c'est 
                            qu'on était tellement inhibée et bloquée 
                            que on n'a même pas pu aller jusqu'au bac. Donc 
                            on peut se poser la question… 
                          Virginie : Je pense que d'une 
                            façon générale, dans les effets 
                            de l'inceste, une chose et son contraire sont souvent 
                            les mêmes choses. Peut-être qu'elle veut 
                            maîtriser à tous prix, etc.  
                          Delphine : C'est pas une question 
                            de maîtrise, c'est une question de légitimité. 
                            Je vous assure que dans ce que je raconte, j'ai mal 
                            à la tête pareil et je suis cinglée 
                            pareil, mais c'est pas la même chose d'être 
                            docteure de Sciences-Po que d'être rien du tout 
                            pour parler. C'est une position légitimante. 
                            Une fois que t'as ton étiquette "haut 
                            fonctionnaire", je me sens bien avec ça. 
                           
                          Annabel : Mais ça veut 
                            dire que t'avais pas cette inhibition, cette impossibilité 
                            de… 
                          Virginie : C'est peut-être 
                            à cause de l'amnésie ? 
                          Annabel : Je l'ai eue aussi… 
                           
                          Delphine : Ecoute, pour moi, 
                            c'était la survie. C'était une idée 
                            fixe depuis que je suis petite, de bien réussir 
                            l'école, la sortie par les études et 
                            par les diplômes les plus hauts et les plus 
                            forts, c'était la survie. J'avais l'intuition 
                            de ça, c'était la seule chose. 
                          Lise : Pour reprendre ce que 
                            dit Delphine, on a eu des échanges récents 
                            par mail, donc Delphine a dit à peu près 
                            : moi, je ne me suis jamais sentie… parce que 
                            moi, je me suis toujours sentie la petite à 
                            côté du grand, et des exemples dans ma 
                            vie ; j'ai eu trois grandes difficultés, entre 
                            autre, en dehors de l'inceste qui en est à 
                            l'origine. Je me suis retrouvée en face d'un 
                            évêque, et comme… et j'ai dit quelque 
                            chose de pas bien à l'évêque. 
                            Et c'était un évêque, et moi, 
                            toute petite, quoi. C'est arrivé aussi avec 
                            le chef du service de psychiatrie où je travaillais, 
                            bien c'était : moi j'étais la petite 
                            secrétaire, et c'était le grand chef 
                            de service, et encore une autre occasion, c'était 
                            encore un grand chef et moi toute petite. C'est-à-dire 
                            que je me suis toujours, dans les échecs, considérée 
                            comme la petite merde, mais en même temps à 
                            ma place, j'en voyais pas d'autre. Je m'y suis installée, 
                            et c'était normal. Et j'ai été 
                            surprise mais en bien, et là, je retrouve Delphine 
                            me disant… c'était par rapport au conseiller 
                            CCP… qui lui était une grosse merde… 
                            non, mais je veux dire la situation, c'était 
                            encore le conseiller. Ce que je veux dire, c'est que 
                            je ressens l'inverse de ce que vient de dire Delphine. 
                            Ma position a toujours été dans l'inverse 
                            que celle que Delphine exprime. 
                          Virginie : Moi, par rapport aux 
                            examens, je crois que j'ai toujours gardé une 
                            position un peu ado, un peu "anar". Les 
                            quelques examens que j'ai passés, c'est effectivement, 
                            je refuse d'entrer dans le rang et de faire ce qu'on 
                            me dit de faire. Par exemple à vingt ans, quand 
                            je me suis inscrite pour cet entretien d'embauche, 
                            ils demandaient "bac + 2", j'avais pas le 
                            + 2, et je me suis dit, je vais essayer quand même, 
                            pour voir. Par rapport au bac, je me suis faite virer 
                            en première, et donc, j'ai arrêté 
                            d'aller à l'école ; et à un moment 
                            donné, j'ai atterri dans un foyer de délinquants 
                            et puis bref, là-bas, le mec a dit "écoute 
                            vas-y, essaie de passer ton bac" et donc j'y 
                            ai été un peu en reculant parce qu'on 
                            me forçait à y aller, plus ou moins, 
                            et je voyais pas trop à quoi ça allait 
                            me servir. Et donc, là, je me souviens très 
                            bien que je suis arrivée aux différentes 
                            épreuves, et… pareil, je me suis dit, 
                            ça passe ou ça casse, je vais voir. 
                            C'était un bac A, du coup, comme j'avais pas 
                            fait d'études, donc… et en philo, il 
                            y avait une dissert' à rendre et le prof de 
                            l'école m'avait mis dans ce foyer, et m'avait 
                            dit surtout, il faut faire plein de citations. Et 
                            donc, j'ai surtout fait aucune citation, et je m'en 
                            faisais un point d'honneur, complètement le 
                            côté ado-anar. Je me faisais un point 
                            d'honneur à faire zéro citations. Apparemment, 
                            j'ai eu du bol parce que je me suis quand même 
                            tapée 16/20 et que ça m'a permis d'avoir 
                            le bac avec les coéficients, machin… 
                            mais c'est toujours ce côté "je 
                            ferai pas comme tout le monde". Alors autre type 
                            d'examen, le passage des ceintures en sport de combat, 
                            bon bah pareil, ce coup-ci, j'ai pas eu ma ceinture 
                            parce que le prof m'a dit : "écoutez, 
                            ça fait des années que je vous répète, 
                            les passages de ceinture, il s'agit pas de casser 
                            tout le monde, vous ne vous contrôlez pas assez", 
                            et il l'a refusée pour absence de contrôle. 
                            Et là, c'est pareil, je sais ça, et 
                            je me dis toujours : il faut que je fasse un détour, 
                            et que voilà… je veux pas faire ce qu'on 
                            me dit de faire. Pour moi, l'examen, c'est vraiment 
                            "pisser là où on me dit" et 
                            je garde ce côté complètement 
                            ado, non, je ferai pas, et tant pis si j'ai pas l'examen. 
                          Annabel : Alors que en tous cas, 
                            moi, ce que j'ai toujours ressenti avec les examens, 
                            c'est : on va voir à quel point je suis une 
                            merde. Une pauvre conne, une abrutie, et c'est ça 
                            qui me terrorise, c'est plutôt l'image que tout 
                            le monde va le voir, quoi. C'est pour ça que 
                            c'est difficile. 
                          Delphine : Moi c'est le contraire, 
                            c'est qu'après, ça permet d'accéder 
                            à la position de celui qui fait passer les 
                            épreuves. 
                          Annabel : mais là, tu 
                            rationalises, je ne peux même pas y aller. 
                          Delphine : Oui, mais moi, c'est 
                            comme ça que j'ai passé tous mes trucs. 
                          Le modérateur : On va 
                            juste essayer, dans ces cas là, de permettre 
                            à la personne qui intervient de terminer ses 
                            phrases. C'est important. 
                          Delphine : Oui, bah voilà, 
                            c'est ça. Je ne sais pas si c'est raisonné 
                            ou pas, mais j'ai pas l'impression de faire ce qu'on 
                            me dit de faire, j'ai l'impression que c'est une étape, 
                            d'abord, le bac, après, le machin, après 
                            le truc, et je ne sais pas, c'est presqu'un truc à 
                            l'envers ; je serai plus forte que tous ces gens là 
                            qui me donnent des devoirs ou des examens à 
                            passer. Après, c'est moi qui pourrai discuter, 
                            parce que c'est moi qui ferai les règles.  
                          Virginie : Tout ça pour 
                            dire que passer l'examen sans passer par les règles 
                            du jeu, c'est aussi une manière de le foirer 
                            de toutes façons. Parce qu'après tout, 
                            autant essayer. Enfin, c'est une manière de 
                            ne pas être confrontée à l'échec 
                            aussi, peut-être. Parce que finalement, si j'arrive 
                            en retard, et si je ne rends pas ma feuille fermée 
                            comme il faut, c'est sûr que là, ça 
                            ne sera pas de ma faute. 
                          Lise : Mais là, ce que 
                            je voudrais demander, par exemple le point de vue 
                            de Delphine et celui de Virginie ; par exemple, rattacher 
                            quelque chose à ce que tu as vécu, il 
                            y a certainement un lien… 
                          Delphine : c'est que… je 
                            ne suis pas folle. C'est que… ma tête 
                            est entière. On ne peut pas me nier complètement, 
                            on peut pas me détruire complètement. 
                            Et ce que je pensais, que ça ne me plaisait 
                            pas, que ça me faisait mal et que j'avais pas 
                            envie que mon grand-père me fasse ça 
                            : mon avis compte. C'est la même chose : mon 
                            avis, mon point de vue est le bon. Et je poursuis 
                            ce truc là dans les études, même 
                            dans le métier que je fais, quoi. Mon point 
                            de vue est défendable, et mon point de vue 
                            vaut. Et je pense que… ma sœur devait venir, 
                            mais elle est pas là… mais à ma 
                            sœur, mon grand-père qui était 
                            mon agresseur la torturait autrement ; mon grand-père 
                            et mon père disaient tout le temps à 
                            ma sœur qu'elle était bête, qu'elle 
                            était nulle, qu'elle comprenait rien, qu'elle 
                            était vraiment abrutie, donc décliné 
                            toute la journée depuis qu'on était 
                            bébé jusqu'à ce qu'on ne ce soit 
                            plu vu, mon grand-père parce qu'il est mort, 
                            et mon père parce qu'on ne l'avait plus vu. 
                            Et moi je pense que j'ai survécu en voyant 
                            dans les yeux de ma sœur que… parce que 
                            elle, elle voyait tout ce qui se passait, et donc 
                            je lisais dans ses yeux que ce qu'on vivait, c'était 
                            bien la réalité, donc j'ai tenu grâce 
                            à son regard. Elle, je pense qu'on lui renvoyait 
                            tout le temps, en l'écrabouillant en lui disant 
                            qu'elle était bête, parce qu'elle était 
                            témoin et que sa parole ne devait rien valoir. 
                            "les crises d'imbécillité", 
                            ce mot là, c'est ma sœur qui appelle ça 
                            comme ça ; et que sa parole ne vaille pas, 
                            ou les problèmes d'orientation, tout ça, 
                            le permis de conduire, tout ça, ma sœur 
                            a longtemps vécu… elle a fait des années 
                            d'analyse pour sortir de ce truc où ce qu'elle 
                            disait, ce qu'elle pensait, ça valait rien, 
                            quoi, puisqu'elle était conne et nulle et abrutie. 
                            Et on s'est construites… c'est les deux faces 
                            du même truc. Moi je savais que mon point de 
                            vue était bon, je savais qu'elle était 
                            intelligente et très forte et très brillante, 
                            et voilà, on était embringuées 
                            toutes les deux d'un côté et de l'autre 
                            du machin. 
                          Le modérateur : Annabel, 
                            tu voulais réagir un peu tout à l'heure 
                            sur le côté rationalité… 
                          Annabel : Oui, parce que j'avais 
                            l'impression qu'elle rationalisait, mais là, 
                            elle s'est expliqué sur ça ; c'est une 
                            réponse à cette question. Parce que 
                            j'avais l'impression que tu oubliais cet aspect blocage 
                            inhibition. Mais c'est pas le cas, je vois très 
                            bien ce que tu veux dire. 
                          Virginie : Moi, je voulais quand 
                            même dire, par rapport à cette histoire 
                            de connerie de bac, c'est qu'en fait, effectivement, 
                            j'ai tout fait pour saboter. Parce que refuser de 
                            citer quoi que ce soit, c'était évident. 
                            Et pour moi, j'étais persuadée que je 
                            l'avais pas ; je me souviens que c'était mon 
                            directeur, prof de philo qui m'a téléphoné 
                            pour me dire, c'était en province, pour me 
                            dire "vous l'avez". Donc je pense que c'était 
                            plutôt une conduite de sabotage. 
                          Delphine : Tu ne t'étais 
                            même pas déplacée ? 
                          Virginie : Non. Non, donc effectivement, 
                            c'est le seul examen que j'ai passé de ma vie, 
                            mais heureusement, je pense que 'est pas la peine 
                            d'en faire d'autres. Je suis à peu près 
                            persuadée que je ne collerai pas la feuille 
                            comme il faut, je ferai en sorte de ne pas être 
                            jugée, pensant que de toutes façons, 
                            je suis nulle. 
                          Le modérateur : Et le 
                            fait de la réussite ? 
                          Virginie : Bien, à l'époque, 
                            ça m'a fait cette impression qui m'a tenue 
                            pendant très longtemps, qui est "c'est 
                            pas moi c'est l'autre", c'est-à-dire une 
                            manière schizo de me voir moi-même, genre 
                            il y a erreur, ils vont s'en rendre compte. Ils ne 
                            se sont pas trompés ? Qui m'a tenue longtemps, 
                            avant de finir par comprendre que je n'étais 
                            pas nulle au boulot; C'était toujours, le jour 
                            où ils vont se réveiller, ils vont se 
                            rendre compte de l'escroquerie, de la supercherie. 
                            Ou bien, "oh, les pauvres, ils n'ont pas connu 
                            mieux". Pareil le prof de philo, je me suis dit, 
                            mais pourquoi il a fait ça… c'est une 
                            sensation de ne pas être dans le bon rôle, 
                            qui est effectivement celui de la débile. Donc 
                            je me dis, ils vont s'en apercevoir. 
                          Delphine : mais quand tu fais 
                            une campagne de communication qui est saluée 
                            et reconnue par tout le monde comme quelque chose 
                            de formidable, faut bien que ça lâche 
                            ? 
                          Virginie : Ben il a fallu que 
                            ça arrive vachement souvent et que ça 
                            me rentre dans la tête, que c'était… 
                            très longtemps, quand c'était salué, 
                            comme ça, et que tout le monde disait, c'était 
                            bien… la légitimité dont tu parlais, 
                            justement, d'avoir le titre est très important, 
                            parce que je n'ai pu accepter les compliments, même 
                            liés à mon job - que je n'ai pas appris 
                            pas des diplômes mais sur le tas - c'est ça, 
                            la difficulté ; comme ça n'a pas été 
                            validé par un diplôme, j'ai jamais considéré 
                            que je valais ça. Donc ça a été 
                            suite à ce travail en quotidien national, j'étais 
                            dans un grand journal. Et quand je me suis rendue 
                            compte que je savais tout autant faire les choses, 
                            c'était comme une validation diplômante, 
                            et là, j'ai pu accepter, après, les 
                            compliments. Mais effectivement, la notion de légitimité 
                            est importante. Je pense que je ne serai pas passée 
                            par ce journal, c'était impossible pour moi 
                            d'imaginer, il y avait toujours erreur sur la personne… 
                            et à tel point que je n'arrivais pas à 
                            facturer mon travail. J'ai un gros problème 
                            pour facturer mon travail, parce que je me dis, ils 
                            vont recevoir la facture… et 'est du pipo, quoi. 
                          Le modérateur : Quelqu'un 
                            a envie de prendre la parole ? 
                          Lise : Quelque chose m'est venu 
                            en écoutant Virginie. Donc moi, mes examens, 
                            je vais revenir sur les examens scolaires. J'ai passé 
                            le certificat d'études, le brevet commercial 
                            et CAP de sténo-dactylo, et pour le certificat 
                            d'étude… voilà les résultats 
                            que j'ai entendus. Donc, pour le certificat d'études, 
                            j'étais la première de la ville de Tour, 
                            au niveau notes. Et quelqu'un a trouvé le moyen 
                            de me dire : oui, mais tu n'est pas la première 
                            du département. J'ai eu mon CAP avec mention 
                            bien, et option anglais, parce que c'était 
                            facultatif, et mon brevet commercial, je l'ai eu aussi 
                            haut la main. Et quelqu'un, dans la famille, m'a dit 
                            : oui mais tu l'as pas eu la première fois. 
                            Ben , je dis, "non, non, non, je l'ai eu du premier 
                            coup". Et on a pas voulu me croire. C'est dans 
                            ma famille, une de mes sœurs qui a passé 
                            le même examen mais une année plus tard, 
                            l'a passé mais l'a obtenu en re-passage. Mais 
                            elle m'a dit "mais oui mais toi, tu ne l'avais 
                            pas eu non plus." Or, je l'avais eu avec mention. 
                            Et je peux vous dire dans quel contexte ; c'était 
                            des examens qui avaient une validité pour travailler. 
                            C'est tout… C'est peut-être un lien avec 
                            l'idée que moi-même, je devais me situer 
                            en bas de l'échelle. 
                          Isabelle : Moi, c'est toujours 
                            la même chose. C'est la difficulté de 
                            donner à l'autre le pouvoir, c'est toujours 
                            une histoire de pouvoir. C'est de… au bout d'un 
                            moment, j'y vais et je regarde l'autre, et je me dis, 
                            "mais attends, qui il est…" et donc, 
                            je pars. J'ai besoin de planter l'autre là, 
                            quelque part. 
                          Delphine : faut que tu gagnes… 
                          Isabelle : Oui, faut que je gagne. 
                            Et j'aime pas ça. Et ça me ramène 
                            à l'inceste, c'est toujours la même problématique. 
                            J'ai l'impression d'être regardée sous 
                            toutes les coutures, et je… et ce que j'ai à 
                            gagner n'est pas suffisant pour que je fasse l'effort 
                            de plier, en fait. C'est quelque part lui dire : "je 
                            n'ai pas besoin de toi". Parce que je sais que 
                            derrière, même si on me le demande, je 
                            peux mentir, je peux dire que je l'ai, je peux argumenter, 
                            de façon à faire croire à l'autre 
                            que oui, et l'autre va y croire. Donc voilà, 
                            c'est la difficulté de dire à l'autre 
                            "je te reconnais pour que tu puisse me donner 
                            ça". 
                          Annabel : Est-ce que ça 
                            t'a porté préjudice ? dans ta vie professionnelle 
                            ? 
                          Isabelle : Non, parce que les 
                            gens me donnent souvent un niveau supérieur 
                            à ce que j'ai, et je laisse croire. 
                          Virginie : Mais t'as pas eu le 
                            problème de la légitimité, justement 
                            : ok je sais faire, mais c'est pas marqué sur 
                            un papier. 
                          Isabelle : Ah non, je ne peux 
                            pas dire les choses comme ça. 
                          Virginie : Non mais toi, tu le 
                            dis comment ? 
                          Isabelle : Bah moi, je peux m'en 
                            convaincre ; c'est-à-dire que je me prépare 
                            mentalement à l'entretien et donc quand j'arrive, 
                            c'est ok. Il n'y a pas de… même une fois, 
                            j'avais bluffé. J'avais bluffé parce 
                            que… elle était assez perverse, celle-là. 
                            Elle était clinicienne, d'ailleurs. Elle m'avait 
                            demandé la photocopie des diplômes, homologués. 
                            Et je l'avais pas. Et je lui ai fait un coup de théâtre. 
                            Je lui ai dit "écoutez, il y a quinze 
                            personnes dehors, si vous voulez, vous restez là, 
                            et je fais rentrer les quinze personnes dans votre 
                            bureau et je vous fais une démo". Et je 
                            savais absolument pas comment faire, je savais pas 
                            préparer une consultation, je savais rien. 
                            Et en fait, je l'ai mise dans sa propre peur, parce 
                            que je savais qu'elle était phobique. Donc 
                            je l'ai mise face à sa propre peur, ce qui 
                            m'a permis moi de me sortir de la situation. Elle 
                            m'a dit, non, c'est bon. Mais elle tremblait. Elle 
                            m'a dit, c'est bon. C'est bon. Et… elle-même 
                            ne s'est pas assumée. Donc voilà. J'ai 
                            joué sur sa faille pour sauver la mienne, en 
                            fait. 
                          Annabel : C'était un coup 
                            de poker, en fait. Un coup de bluf. 
                          Isabelle : J'ai un sens pour 
                            détecter la faille chez les gens. 
                          Delphine : Tu savais ce que tu 
                            faisais, quoi. 
                          Isabelle : Oui, mais c'était 
                            pas rationalisé. C'était… on parlait 
                            tout à l'heure de situation d'urgence, et là, 
                            il me le fallait, peu importe le moyen. 
                          Le modérateur : est-ce 
                            que quelqu'un a quelque chose à ajouter ? 
                          Gaétan : Pour les examens, 
                            je sais que moi, ce que j'ai mis en place… à 
                            un mois du CAP, d'un CAP de micromécanique, 
                            puisque j'ai une formation initiale de micromécanique, 
                            je ne me suis pas présenté. 
                          Annabel : T'es tranquille, là… 
                          Gaétan : J'avais dix-huit 
                            ans, je ne me suis pas présenté. Au 
                            départ, très tôt, vers treize 
                            quatorze ans, j'avais un désir, c'était 
                            d'aller jusqu'au bac. Et vu que j'étais nul, 
                            mais vraiment, nul de nul en maths, on m'a dit, non, 
                            tu pourras pas aller au bac. Par contre, tu peux être 
                            un bon micro-mécanicien, tu es habile. Donc 
                            tu seras micro-mécanicien. Donc j'ai fait une 
                            formation en micromécanique… je voulais 
                            aller jusqu'au bac, et, en parallèle, je voulais 
                            être éducateur spécialisé, 
                            pareil, très tôt, parce que j'ai grandi 
                            en institution et je voulais être éducateur 
                            spécialisé. Et bien des années 
                            plus tard, j'ai fait une formation. J'arrivais donc 
                            là où je voulais aller, et je le voulais 
                            très très fortement. Mais dès 
                            la première année ; autant je m'en sortais 
                            plutôt bien oralement, autant, au niveau de 
                            l'écrit, je n'y arrivais pas du tout. Et j'ai 
                            fait quatre ans au lieu de trois, et je n'ai pas été 
                            au diplôme. Mais je crois que… c'est marrant 
                            parce qu'il y a un mot qui résonne bien chez 
                            moi, c'est légitimité. Pour revenir 
                            un peu en arrière, c'est que je ne suis pas 
                            un enfant légitime. Donc quelque part, ça 
                            fait le lien, du coup. Est-ce que je m'autorise, est-ce 
                            que j'ai le droit de… Voilà, est-ce que 
                            j'ai le droit de… Et quelque part, c'était 
                            ne pas me donner. Ne pas m'autoriser. Et donc c'est 
                            aussi le refus de la légitimité. Et 
                            au début, je disais que j'avais passé 
                            un bilan de compétences, et par rapport à 
                            mon travail, j'ai une échéance, c'est 
                            que là, je… je ne peux plus, il n'y a 
                            plus de sens, j'y arrive plus. Et j'ai envie de faire 
                            quelque chose. Je sais ce que je veux faire ; le problème, 
                            c'est que ça a été posé 
                            sur papier, sur un bilan, c'est formalisé. 
                            Maintenant, je ne peux pas passer… j'ai du mal 
                            à passer à l'acte. Et du coup, je suis 
                            en train de me mettre dans la situation où 
                            je demande à mon employeur de me licencier… 
                            Je ne peux pas partir, de moi-même. Je suis 
                            donc obligé de demander à mon employeur 
                            de me licencier, non pas pour avoir un parachute, 
                            mais que ce soit lui qui me force. 
                          Virginie : tu peux pas partir… 
                          Gaétan : Non, parce que 
                            j'ai peur du lendemain. Je ne peux pas me projeter. 
                            Et je fonctionne par cycles. J'ai été 
                            dix ans comme éducateur spécialisé 
                            bien que n'ayant pas le diplôme, j'ai passé 
                            dix ans dans le poste que j'occupe aujourd'hui dans 
                            mon travail. Et voilà. Et je me dis, mais est-ce 
                            qu'il va falloir maintenant que j'attende dix ans 
                            avant de… et je crois que l'histoire du permis 
                            de conduire, bah c'est pareil, c'est un passage d'examen. 
                            Et je suis en train de me poser la question pour les 
                            examens, au sens large. J'ai des problèmes 
                            de santé, et ça se retrouve même 
                            ici, parce que j'ai des examens à faire et 
                            que je retarde au maximum, je me fais des idées, 
                            j'ai la peur du résultat de ces examens. C'est 
                            marrant parce que c'est des mots qui me font rebondir. 
                            Examen, je penserais presque examen de conscience 
                            ; alors après c'est à moi de creuser 
                            tout ça, pour voir ce que ça peut avoir 
                            comme sens. Je crois que je me suis installé 
                            ; je me considère comme un looser, et je ne 
                            vois pas des lendemains qui chantent. Et en même 
                            temps, tout en étant bien lucide, je voudrais 
                            essayer de sortir de ce cercle dans lequel je me sens 
                            enfermé. 
                          4) Le syndrome 
                            du perroquet 
                          Le modérateur : est-ce 
                            que quelqu'un veut ajouter quelque chose ? … 
                            écoutez, je vous propose donc de passer au 
                            quatrième sous-thème : "le syndrome 
                            du perroquet". Je vous explique un petit peu 
                            à quoi correspond le "syndrome du perroquet". 
                            Le syndrome du perroquet, c'est quand on est dans 
                            cette situation où finalement, on ne peut répondre 
                            que quelque chose qu'on a appris. Quelque chose qu'on 
                            vous a enseigné. C'est-à-dire qu'on 
                            a peu d'autonomie, ou des problèmes d'autonomie, 
                            ou une absence d'autonomie dans le cadre d'émettre 
                            des avis. D'émettre ses propres avis. C'est-à-dire 
                            qu'on a toujours tendance à avoir un espèce 
                            de positionnement sur des lieux communs, ou sur des 
                            points de vue généraux. C'est-à-dire 
                            des points de vue partagés par, au moins une 
                            communauté, ou une personne de référence, 
                            ou qu'on référencie par rapport à 
                            une certaine légitimité. Voilà 
                            ce qu'on appelle le "syndrome du perroquet" 
                          Delphine : Moi, je ne peux avoir 
                            que mon point de vue. Je pense que c'est pour ça 
                            que longtemps, j'ai pas pu retenir ou apprendre. Je 
                            ne crois pas le point de vue des autres. Tout le monde 
                            m'a menti depuis toute petite, tout le monde m'a raconté 
                            n'importe quoi, puisqu'on ne m'a pas protégée. 
                            N'importe quoi, du genre ; la famille…, nanana, 
                            le truc. Je vivais bien, au quotidien, que c'était 
                            pas vrai. Et mon point de vue, j'y croyais. Et donc, 
                            je ne peux pas non plus suivre les règles ; 
                            aucune forme d'autorité n'est supportable. 
                            C'est à moi de faire les règles. C'est 
                            long, mais je ne suis pas pressée. C'est pas 
                            une question de contrôle, c'est une question 
                            de ce que je ne crois pas, en tous cas, pas a priori, 
                            ce que disent les autres. Et juste, après, 
                            je laisse la parole ; là maintenant, je parle 
                            au nom de Bérénice, qui voulait dire, 
                            à propos du syndrome du perroquet, qu'elle 
                            est encore là-dedans. Notamment pour passer 
                            les examens, elle peut retenir, c'était une 
                            bonne élève, elle a fait des études 
                            pour devenir conservatrice du patrimoine, elle a fait 
                            des années, je ne sais pas combien de temps 
                            ça dure, mais elle n'a pas pu présenter 
                            son mémoire de fin d'étude. Elle l'avait 
                            fait, mais elle ne pouvait pas le dire, cela ne pouvait 
                            pas venir d'elle ; elle ne pouvait pas dire quelque 
                            chose qui lui appartenait. Et elle dit que ça 
                            a été à peu près toujours 
                            le cas, elle peut pas faire valoir son avis. Elle 
                            ne peut que répéter le truc des autres. 
                          Virginie : Moi, ça me 
                            parle vachement, ça, parce que je suis une 
                            caricature de ça. J'ai zéro avis. J'ai 
                            absolument zéro avis. Je suis une éponge. 
                            C'est pour ça que ça m'aide dans mon 
                            métier, finalement, parce que finalement, j'absorbe 
                            assez bien l'air du temps, ce que je vois, etc. Jusqu'au 
                            point où j'arrive très facilement à 
                            percuter des choses, enfin, à intégrer 
                            des choses qui ne viennent pas de moi, très 
                            très rapidement, souvent, même plus rapidement 
                            que prévu. Je me souviens, moi qui étais 
                            nulle en maths, une fois, dans le cadre d'une actualité 
                            sur des implants dentaires, il a fallu se taper une 
                            thèse sur l'oxydoréduction, et la passivation 
                            des implants et tout ; j'ai résumé la 
                            thèse du mec et le médecin qui l'a écrit 
                            il m'a dit : est-ce que vous pouvez me faire passer 
                            votre truc, que je m'en serve pour vendre ma thèse, 
                            parce que c'est mieux résumé. Parce 
                            que je l'avais bien intégrée. Et dans 
                            des domaines que je ne connais pas, je pompe, et je 
                            suis vraiment une éponge. Mais je suis vraiment 
                            incapable d'avoir un avis. Et souvent, ça même 
                            très loin ; j'imite même la manière 
                            de parler. Par exemple, mon mari fait souvent des 
                            discours sur les sciences sociales, et je finis par… 
                            alors là, je répète ses mots, 
                            j'utilise ses mots, sa manière. Je me suis 
                            tellement bien imprégnée de sa réflexion 
                            qui est alors lui, purement originale, elle est même 
                            souvent des fois un peu délirante ; je suis 
                            tellement bien imprégnée de ça 
                            que je suis parfois capable de parler à sa 
                            place. Je peux le faire, je suis persuadée 
                            que je pourrais tenir des discours. Et souvent, d'ailleurs, 
                            je lui coupe la parole ; il est médecin, et 
                            on lui pose des questions, c'est lui qui est autorisé, 
                            et pareil avec des ordonnances, je dis bah tiens, 
                            tu prends ça, et ça. Il me regarde et 
                            me dit : ça va, c'est moi le médecin. 
                            Mais je l'ai tellement entendu parler d'ordonnances, 
                            j'ai intégré. Je pense que c'est pas 
                            idiot, ce que je finis par dire à l'arrivée. 
                            Mais pour moi, c'est le vide total. Et parfois, j'ai 
                            des gens me confient leurs soucis et me disent qu'est-ce 
                            que t'en penses, et là, je n'en pense rien. 
                            Je ne pense rien. Souvent, je téléphone 
                            à mon mari, pour lui demander ce qu'il pense, 
                            et donc, je rebalance ce qu'il pense. J'intègre 
                            assez rapidement, une fois qu'on me l'a dit. Mais 
                            j'ai un blanc total au niveau de la… c'est comme 
                            si j'étais abrutie, totalement, au niveau de 
                            la réflexion. Il me faut une base pour la recracher. 
                            Donc du coup, ça aide dans mon métier, 
                            parce que je dois re-résumer des choses que 
                            les gens ne savent pas faire parce qu'ils sont souvent 
                            trop techniques. Et j'arrive à les rendre compréhensibles. 
                            Mais pour ce qui est d'avoir un point de vue, une 
                            idée originale, ou une idée tout court, 
                            c'est le blanc, comme si j'étais un sac vide 
                            et qu'il n'y avait rien dedans. 
                          Gaétan : j'ai un peu cette 
                            même impression, d'être vide intérieurement, 
                            et je suis entre deux façons d'être. 
                            A la fois, un buvard, dans l'incapacité d'avoir 
                            un avis, et de tout absorber. Et en même temps, 
                            quand j'ai un avis, je suis incapable de l'expliquer, 
                            ou de l'argumenter, en tous cas, d'argumenter. Et 
                            à partir du moment où quelqu'un d'autre 
                            va me contredire, je le vis très très 
                            mal. Alors à choisir, je préfère 
                            être un buvard, que plutôt… parce 
                            que quelqu'un qui va penser différemment de 
                            moi, j'entends pas que c'est un avis. Son avis à 
                            lui, et que ça ne m'engage à rien. Mais 
                            du coup, je me sens… ma parole n'est pas entendue. 
                            Donc ça me met dans une situation de désarroi, 
                            de colère, de ce qu'on veut. L'impression de 
                            ne pas être entendu. Quitte à choisir, 
                            autant être entendu. 
                          Delphine : mais tu fais quoi, 
                            alors ? Tu adoptes le point de vue de l'autre ou tu 
                            te refermes ? 
                          Gaétan : Ce que je fais 
                            ? ça peut… j'ai du mal, parce que moi, 
                            je vais essayer de parler, de donner mon avis, et 
                            je ne m'entends pas, je ne vois pas comment je parle. 
                            Et bien souvent, l'autre, ou les autres me renvoient 
                            : "mais t'énerve pas". Et plus on 
                            me dit "mais t'énerve pas", et plus 
                            ça me titille, parce que j'entends, ce que 
                            je comprends, c'est qu'on ne m'entend pas, du coup. 
                            Et ça peut aller très loin dans la discussion, 
                            jusqu'à un claquage de porte, ou après, 
                            je suis dans la situation où je suis vachement 
                            mal et je vais m'excuser. Parce que j'ai dépassé, 
                            où j'ai l'impression d'avoir dépassé 
                            les bornes ou les limites. Et j'ai l'impression du 
                            coup, d'avoir blessé l'autre, alors qu'il me 
                            dit, "mais t'énerve pas, c'est pas la 
                            peine de te mettre dans ces états là". 
                            Je me prends les choses en pleine poire. Jamais aucun 
                            recul. Je suis à fleur de peau. C'est pour 
                            ça que je lis beaucoup. D'où cette impression 
                            de vide. Pas : qui je suis ? mais : qu'est-ce que 
                            je pense ? Je ne sais pas ce que je pense. C'est ça. 
                            Et le syndrome du perroquet, c'est ce que j'entends. 
                            Des fois, c'est ce que je disais à ma thérapeute, 
                            je vais prendre ce que je lis pour argent content. 
                            Parce que je suis tellement perturbé que j'ai 
                            du mal à avoir un avis. Et ça m'a joué 
                            des tours, parce qu'au bout du compte, il y a toute 
                            une période où les gens ne voulaient 
                            plus me parler. 
                          Virginie : Moi, je me suis demandée 
                            si c'était pas quelque chose de l'ordre de 
                            rentrer dans l'autre, dans sa pensée. Si c'était 
                            pas quelque chose du domaine ou d'un problème 
                            de fusion ; de ne pas avoir bien intégré. 
                            L'autre ayant fait infraction physique, est-ce que 
                            il y aurait quelque chose de l'ordre de l'altérité, 
                            de l'autre, de soi et d'autrui, la cassure n'ayant 
                            pas été bien faite, ce qui fait que 
                            je me fusionne avec trop de facilité dans ce 
                            que pense l'autre, pour le restituer enfin; Tout en 
                            étant moi-même consciente d'un vide intérieur. 
                            Mais ça c'est aussi dû à ce problème 
                            d'individu, de l'individualité qui ne s'est 
                            pas faite, quelque chose de cet ordre là. Et 
                            ça va même, cette notion de fusion ; 
                            une fois, je sais que j'avais mon chat sur les genoux, 
                            j'étais comme ça, et je fusionnais complètement 
                            avec lui. Et à un moment, je lui ai même 
                            léché la tête, je me suis prise 
                            pour la mère chat. Et je pense que c'est ça, 
                            le moteur qui fait que je m'imprègne de ce 
                            que dit l'autre. Par exemple, aussi, quand les gens 
                            ont un accent autour de moi ; ça m'énerve, 
                            parce que je prends l'accent dans les cinq minutes 
                            qui suivent. Je prends le même accent, que ce 
                            soit un accent marocain ou anglais. Je suis incapable 
                            ensuite de garder mon accent français. Dans 
                            les cinq minutes qui suivent. C'est le perroquet, 
                            je m'entends parler. 
                          Zoé : C'est vrai que… 
                            mon avis. Et d'une, déjà, j'arrive pas, 
                            quand j'ai un avis, j'arrive pas à le dire. 
                            Ou parfois, ça arrive que j'arrive à 
                            exprimer ce que je veux dire. Mais il suffit que la 
                            personne en face me sorte un argument que je pourrais 
                            balayer, bien je vais me mettre… je vais être 
                            finalement de l'avis de la personne qui est en face 
                            de moi. Je me dis, "vu comme ça, en fait, 
                            c'est vrai". Et j'y crois. 
                          Delphine : et tu crois plus à 
                            ce que tu croyais avant. 
                          Zoé : Non, voilà. 
                            Et je me suis rendue compte que comme ça, ça 
                            n'allait pas, et du coup, maintenant, ça me 
                            pose problème parce que je me mets beaucoup 
                            en retrait. Je suis assez solitaire. Rencontrer des 
                            gens, voir des gens, je vais être avec eux. 
                            Déjà, d'une, je vais pas oser donner 
                            mon avis. Ou alors, je vais prendre, mais j'ai pas 
                            envie de prendre l'avis des autres. Donc du coup, 
                            je me mets en retrait, et voilà. Et même 
                            comme ça, j'ai des difficultés à 
                            avoir des amis. Il faut que je réfléchisse 
                            au pour, au contre, avant de me dire, voilà, 
                            c'est ça. Et pareil, comme toi, quand il y 
                            a quelqu'un qui va avoir un accent, je vais avoir 
                            l'accent aussi. Ou si je fréquente quelqu'un 
                            assez longtemps, je vais adopter sa gestuelle. 
                          Virginie : C'est flippant parce 
                            que qu'on se dit : on n'est rien, tout est pompé 
                            sur les autres. 
                          Annabel : moi, les moments de 
                            perroquet, parce que c'est pas tout le temps, surtout 
                            que ça va de mieux en mieux, parce que je me 
                            soigne. Donc je peux avoir des avis, je peux tout-à-fait 
                            en avoir. Mais il y a des situations, je ne sais pas 
                            trop lesquelles, où je cherche qu'est-ce que 
                            les gens veulent que je leur dise, pour qu'ils m'aiment. 
                            Parce que j'ai peur qu'ils ne m'aiment plus. Tout 
                            d'un coup, ça me prend, mais ça prend 
                            de façon paniquante. Et donc, je suis tout 
                            à fait capable, par exemple, de dire à 
                            Gaétan, sur un point : "ouais, ouais, 
                            t'as complètement raison", et Lise me 
                            dit le contraire, et cinq minutes après, je 
                            dis à Lise "ah ouais, ouais… "et 
                            à chaque fois j'y crois, qu'elle a complètement 
                            raison. Et donc mes enfants ont souffert de ça. 
                            Et donc, voilà, je commence par chercher ce 
                            qui leur ferait plaisir, frénétiquement, 
                            donc moi, je n'existe plus. Et quelques fois, dans 
                            des situations qui ne sont pas familiales ou affectives, 
                            plus professionnelles ou quelque chose comme ça 
                            ; je cherche la méthode. Qu'est-ce qui faut 
                            faire ? Donnez moi une méthode. Donc je cherche 
                            frénétiquement une méthode. 
                          Delphine : je ne comprends pas. 
                          Annabel : ben si j'ai une méthode… 
                          Delphine : mais de quoi ? 
                          Annabel : de pensée, d'opération, 
                            de traitement du truc. Quel est le mode d'emploi, 
                            quelle est la marche à suivre, dites-moi ce 
                            qu'il faut faire pour que vous soyez contents. C'est 
                            ça qui est derrière. Et c'est pas moi 
                            qui pense le truc. Et neuf fois sur dix, quand je 
                            suis dans cet état là, ça ne 
                            va pas. Quand je suis en état normal, de pensée, 
                            d'appréciation de situation, ça marche. 
                            Mais quand ça me prend, le perroquettage, je 
                            ne m'en rends pas compte, donc je suis dedans ; c'est 
                            qu'après, que je comprends que je me suis plantée. 
                            Ou c'est les autres, qui me renvoient… et je 
                            me dis, qu'est-ce que c'est encore que je fais… 
                            mais le problème, c'est qu'on identifie pas 
                            quand tout d'un coup ça nous prend. 
                          Virginie : Oui, c'est vrai, parce 
                            que ce que tu dis ; de faire plaisir, ou de ne pas 
                            oser s'interposer. Dans le cadre de l'association, 
                            on reçoit des mails des fondatrices de l'association 
                            qui donnent toujours leur avis. Parce qu'on essaie 
                            que chacune ait un avis, et que ce soit démocratique. 
                            Alors en principe, je reçois un premier mail 
                            de l'avis de Lise, mettons, qui me dit : "moi 
                            je pense que…" je suis complètement 
                            d'accord avec elle, je renvoie un mail et je dis, 
                            "je suis complètement de ton avis". 
                            Il se trouve qu'après, Delphine renvoie un 
                            autre mail où elle émet un avis différent, 
                            et là, je suis mal, parce que je suis aussi 
                            de l'avis de Delphine, et que pourtant, c'est pas 
                            le même avis que Lise. Et là, j'ai envie 
                            de répondre à Delphine : "je suis 
                            d'accord avec toi", et là, il y a problème 
                            puisqu'elles ne sont pas d'accord entre elles. Et 
                            réellement, je crois que je suis d'accord avec 
                            elles. Et là, je suis obligée de faire 
                            cet effort et de me dire qui suis-je, et que pensé-je 
                            réellement ? Moi. Ensuite, je vais répondre 
                            moi, mon avis, mais en m'excusant d'exister. Et là, 
                            avec la trouille, parce qu'en plus je ne veux pas 
                            que quelqu'un soit mécontent. Après, 
                            c'est le compromis. Il faut arriver à trouver 
                            une manière. 
                          Annabel : Sur le fond du traitement, 
                            de faire des choix, et tout, c'est pas ça qui 
                            me… je suis capable de les faire. Mais c'est 
                            le truc… je veux que les autres m'aiment, quand 
                            je suis dans cet état là. Et donc, je 
                            suis capable de déraper complètement 
                            par rapport à la question posée, ou 
                            je suis capable de manipuler, de mentir ; on est au-delà 
                            du compromis, quand même. Parce que la chose 
                            la plus importante, c'est surtout, que la personne 
                            avec laquelle je suis en relation 
                            m'apprécie. 
                          Zoé : Virginie, quand 
                            tu disais tout-à-l'heure Lise va avoir un avis, 
                            Delphine un autre avis, moi je vais être au 
                            milieu, et puis je voulais dire, souvent, je me retrouve 
                            dans un rôle de médiateur. Trouver un 
                            terrain d'entente, et ne pas avoir un avis neutre, 
                            des choses. Je me suis rendue compte, même dans 
                            les choix que je faisais, face à… dans 
                            les choix sur mes lieux de travail, ou quand je sortais 
                            en discothèque, c'est toujours des gros trucs 
                            un peu anonymes, où tu sais qu'il y aura du 
                            monde, et où… comment dire, et où 
                            il n'y a pas d'âme. Et il n'y a que dans ces 
                            endroits là que je me plaisais. C'est pas très 
                            clair ce que je dis. 
                          Annabel : Tu peux te noyer dans 
                            le monde… 
                          Zoé : oui, dans un endroit 
                            où à la limite, t'as pas d'avis à 
                            donner, faut juste remplir l'espace. Mais je me suis 
                            rendue compte, à un moment donné, que 
                            ce n'était pas moi, quoi.  
                          Virginie : Il y a aussi un truc 
                            par rapport à cette impossibilité d'avoir 
                            une opinion, c'est que c'est hyper stressant. Le problème, 
                            c'est comme je disais, soit je suis l'opinion de mon 
                            mari, soit celle de Delphine, si elle a parlé 
                            en dernier. Mais si mon mari me dit, non, elle se 
                            plante, alors là, c'est très flippant, 
                            je me dis : lequel des deux est faux. Alors là, 
                            il y a un moment d'angoisse, il y en a un qui a tort. 
                            Et là, c'est hyper angoissant. Et donc, par 
                            rapport à ça, j'ai besoin d'avoir l'avis 
                            de la majorité. C'est-à-dire, ce que 
                            tu [NDLR - le modérateur] disais tout à 
                            l’heure, l'avis officiel. Et ça, ça 
                            va très loin. C'est par exemple, même 
                            quand il sort un film qui fait un best-seller comme 
                            Titanic, je me fais un devoir d'aller le voir, même 
                            si je déteste ce genre de films, mais je me 
                            dis "c'est un film qui a extrêmement bien 
                            marché, et il est important d'aller voir tout 
                            ce que tout le monde aime". Pour me rassurer. 
                            Et je ne peux jamais aller voir un film d'art et essai 
                            et le trouver bien, c'est pas possible. Donc je ne 
                            vais voir que des choses qui ont été 
                            plébiscitées. Il faut que ce soit de 
                            l'avis général. Parce que comme je n'ai 
                            pas d'avis, si je suis l'avis de quelqu'un, je peux 
                            me dire : si ça se trouve, ce mec là 
                            est complètement fou, et donc c'est flippant, 
                            parce que je n'ai aucune sécurité. Et 
                            je tiens énormément aux statistiques. 
                            Alors là, s'il y a plus de 50 % des gens qui 
                            pensent quelque chose, c'est hyper rassurant pour 
                            moi, et c'est la majorité. 
                          Annabel : je voudrais revenir 
                            sur ce que disait Gaétan. On a l'impression 
                            d'être le perroquet parce qu'on n'est pas entendu. 
                            Et de toutes façons, on ne sera pas entendu. 
                            Ils en ont rien à foutre, au fond, de ce qu'on 
                            pense. Et là, ça me met dans des états 
                            de rage, de pulsion, de colère où j'ai 
                            envie de hurler et de tout casser… et le truc 
                            "calme toi"… a marqué de nombreuses 
                            années de ma vie, où ça me rendait 
                            folle, parce que je me disais, mais ils n'entendent 
                            pas sur le fond. Et tout ce qu'ils trouvent à 
                            me dire, c'est calme-toi. Donc ce qu'ils veulent, 
                            c'est que je me taise. Evidemment, ça me renvoyait 
                            à ce sur quoi je m'étais tue, qui était 
                            absolument abominable. Mais quand il s'agissait de 
                            vider la poubelle ou de ranger sa chambre ou de prendre 
                            son bain, par exemple avec les gosses, c'était 
                            un déplacement total. Et quand ils me regardaient, 
                            les trois, comme ça, en disant : "mais 
                            calme-toi"… mais je crois qu'ils m'auraient 
                            tapé avec des fouets, c'était pas pire. 
                          Lise : bah, pour aller dans le 
                            syndrome, je dirais que je pense comme Gaétan, 
                            Virginie, et comme Zoé. Et, c'est pas l'accent, 
                            que j'aurais pris, mais à un moment, je me 
                            suis remise à lire des classiques comme Britanicus, 
                            Horace, et tout ça, et bien je me suis mise 
                            à parler en alexandrins. C'est venu comme ça, 
                            ça venait comme ça. Je ne pouvais pas 
                            faire une petite phrase, et puis ça rimait, 
                            c'était du passé du subjonctif, et puis 
                            c'était tout ça. Et parfois, j'ai tendance. 
                            Donc j'entre en plein dedans. 
                          Delphine : Et toi, t'as pas ça 
                            ? 
                          Isabelle : J'ai pas ça 
                            parce que je fusionne et je défusionne une 
                            fois que je suis seule. 
                          Annabel : Comment tu défusionnes 
                            ? 
                          Isabelle : bien c'est-à-dire, 
                            si la personne en face m'impressionne suffisamment, 
                            si la personne a un certaine aura, je vais être 
                            complètement avec la personne. Mais deux heures 
                            après, je vais me dire "mais c'est pas 
                            moi qui pense ça". Donc je ne me reconnais 
                            pas trop là-dedans. Et je n'ai pas envie d'être 
                            aimée, j'ai pas envie de plaire si j'ai pas 
                            un objectif derrière. 
                          Virginie : oui mais en même 
                            temps, tu disais tout-à-l'heure que t'étais 
                            dans la séduction. 
                          Isabelle : Oui, mais quand il 
                            y a un objectif derrière. Ou si c'est un moyen 
                            de défense. 
                          Annabel : parce que la séduction, 
                            ça peut ne pas être pour se faire aimer, 
                            mais pour dominer. 
                          Delphine : Mais vous après, 
                            quand vous rentrez chez vous, vous avez un avis ? 
                            Ou vous oubliez, une situation inconfortable ? dans 
                            les exemples que vous avez donnés, de la majorité 
                            ou du dernier qui parle, soit médiation ? Est-ce 
                            qu'ensuite, quand vous êtes en dehors de la 
                            situation, vous y repensez et il y a un moment où 
                            vous avez un avis , ou est-ce que non. 
                          Zoé : moi, mon avis, ce 
                            serait la médiation. 
                          Delphine : Tu ne te refais pas 
                            le film pour avoir un avis ? 
                          Zoé : non, je me le fais 
                            pour arriver à la médiation. Alors des 
                            fois, j'ai la tête comme ça, mais… 
                            je ne tranche pas. 
                          Lise : la question que je me 
                            pose, parce que des fois, je suis consciente de faire 
                            ça, et je me dis stop ; il faudrait que je 
                            pense autrement… ça vous dit quelque 
                            chose, ce que je dis ? c'est pas tout le temps, quoi. 
                          Delphine : oui, ou tu as un peu 
                            de recul dessus. 
                          Virginie : Non, moi je suis tellement 
                            persuadée d'être tarée que j'ai 
                            peur que si j'ai un avis, il risque d'être taré, 
                            pathologique. Donc j'ai passé ma vie à 
                            harceler mon psy pour qu'il me donne son avis, mais 
                            il disait qu'il n'était pas là pour 
                            donner son avis. Mais je pensais que c'était 
                            une légitimité : moi, malade ; lui, 
                            psy, donc non-malade, donc lui allait me dire quoi 
                            faire. Bon, évidemment, c'est pas ce qu'ils 
                            veulent faire. Et moi, ça me laisse après 
                            dans un état d'angoisse terrible, pour répondre 
                            à ta question. Je suis terriblement angoissée, 
                            et j'ai besoin d'une béquille psychologique. 
                            Donc en général, c'est mon mari qui 
                            sert à ça, pour me remettre les pendules 
                            à l'heure. Je lui expose le problème, 
                            et donc, comme il me connaît suffisamment, il 
                            ne me donne pas son avis, il me donne mon avis : il 
                            dit, je pense que pour toi, c'est mieux ça. 
                            Mais en fait, je lui mets un rôle de béquille, 
                            de personne à penser à ma place, me 
                            connaissant et sachant ce que j'aurais fait dans cette 
                            circonstance là. Et si je l'ai pas lui sous 
                            la main, je vais appeler Delphine, qui me connaît, 
                            pour qu'elle me dise : oui, bah pour toi, c'est peut-être 
                            mieux ça. C'est quand même toujours des 
                            gens… c'est une démarche un peu thérapeutique 
                            : je suis la folle, ils doivent dire… 
                          Annabel : est-ce que c'est des 
                            gens en qui t'as confiance ? Est-ce que le rapport 
                            de confiance est important ? 
                          Virginie : Totalement. C'est 
                            pour ça que je cite Delphine, ou mon mari ; 
                            je vois à la limite, même, personne d'autre. 
                            Il faut absolument en fait, que ce soit un autre moi. 
                            Et là, on est encore dans la fusion. Comme 
                            si c'était une tête de raccordement, 
                            une autre tête. Un double. 
                          Gaétan : Moi, j'ai peur 
                            de ma subjectivité. Je crois que c'est ce qui 
                            fait que je ne peux pas, ou j'ai des difficultés 
                            à avoir un avis, ou à le défendre, 
                            en ayant, quand même, peu de distance. Je pense 
                            que je me vis comme pas normal, de toutes façons. 
                            C'est difficile d'avoir un avis. En bout de course, 
                            je voudrais être parfait. Donc comme ça 
                            n'est pas possible ; c'est le poids, probablement, 
                            de mon éducation, je voudrais être parfait. 
                            Donc je suis… on parlait il n'y a pas très 
                            longtemps dans la confusion - et je suis dans une 
                            parfaire confusion. Mais j'ai… j'ai un avis, 
                            pour te répondre. Mais en même temps, 
                            il n'est pas légitime. Je me sens disqualifié. 
                          Virginie : J'arrête pas 
                            de prendre la parole ; je pensais que j'avais rien 
                            à dire à cet atelier, et en fait. Il 
                            me semble que en fait, ce qui ne va pas, et ce que 
                            j'ai pu ensuite comprendre au cours de ma vie, c'est 
                            que les gens, il me semble qu'ils ne se posent pas 
                            la question de savoir si c'est légitime ou 
                            si c'est normal. Ils vivent juste en se disant : "est-ce 
                            que j'en ai envie, est-ce que c'est bien pour moi, 
                            ou pour d'autres". Alors est-ce que c'est lié 
                            à l'inceste, parce qu'effectivement, ce qu'on 
                            nous a fait, c'est parce qu'on a eu envie de nous 
                            le faire ; on ne s'est pas posé la question 
                            "est-ce que c'était un droit, est-ce que 
                            c'était normal , on l'a fait juste par envie". 
                            Et cette espèce d'obsession maintenant, de 
                            ma part, de vouloir ne vivre que ce qui est du bon 
                            droit de ce que pense la majorité, vu la déviance 
                            initiale. Je ne sais pas ce que ça a avoir. 
                            Parce qu'en fait, je sais que mon psy me disait plusieurs 
                            fois : "mais arrêtez de vous poser la question 
                            de si c'est normal ou pas, vous êtes ce que 
                            vous êtes, et ce qui compte, c'est que vous 
                            soyez heureuse et équilibrée". 
                            Ce qui comptait, c'était mon bonheur. Et ça, 
                            j'ai du mal à intégrer : mon bonheur 
                            et mon avis ne comptent pas, il faut que ce soit : 
                            le droit. Donc, comme je ne suis pas dans le droit, 
                            parce que je suis malade, je suis tarée, je 
                            n'ai pas de légitimité. Il y a une obsession 
                            de la normalité. J'ai tellement peur, que je 
                            sais pas si c'est sous prétexte que j'ai eu 
                            une histoire d'inceste, je suis de toutes façons 
                            pas normale et irrecevable. 
                          Le modérateur : Annabel, 
                            tu voulais dire… 
                          Annabel : oui, parce que je pensais 
                            ; nous pensons, je m'associe, que les autres sont 
                            dans la légitimité, ont le droit. Donc 
                            en fait, on se considère quand même à 
                            la marge. Et moi, j'ai éprouvé quand 
                            même ce sentiment toute ma vie, sans comprendre 
                            pourquoi je me sentais pas comme tout le monde. Sans 
                            comprendre pourquoi je me sentais assez dégueulasse, 
                            d'ailleurs, je ne voyais pas. J'ai compris. Et je 
                            pense que c'est lié. Si on se sent comme ça, 
                            c'est sûr, pour redonner son avis, pour se sentir 
                            agréer, c'est pas facile. 
                          Le modérateur : il est 
                            cinq heures ; est-ce que quelqu'un a quelque chose 
                            à dire ? 
                          Lise : Oui, je voulais juste 
                            dire, par rapport à ce que j'ai entendu ; Virginie 
                            l'a assez bien résumé à la fin, 
                            et ce qu'a dit Gaétan, moi, jusqu'à 
                            maintenant, et jusqu'à il y a quelque temps, 
                            je me disais, je suis malade. Partout où je 
                            me présentais. Et depuis quelque temps, je 
                            ne me dis plus : je suis malade. Et je pense que AREVI, 
                            je ne veux pas faire de compliments… je ne voulais 
                            pas dire ça parce que j'avais peur d'avoir 
                            l'air de faire des compliments à AREVI, mais 
                            je ne me dis plus, je suis malade, maintenant. Dans 
                            ma famille aussi, et puis d'ailleurs, on m'a dit : 
                            toi, t'es malade. Mais maintenant, je ne dis pas, 
                            je suis moins malade, je ne le dis plus. 
                          Virginie : Bah l'avantage, c'est 
                            qu'on s'aperçoit qu'on est une bonne majorité, 
                            déjà… 
                          Lise : Oui, mais je crois que 
                            j'ai évolué, et je suis contente de 
                            penser ça. 
                          Annabel : Moi, ce que m'a apporté 
                            l'association, c'est justement, le fait de découvrir 
                            que les autres personnes qui ont vécu le même 
                            truc horrible, moi je trouve que c'est des gens très 
                            bien. Donc ça me renvoie une autre image de 
                            moi. Quand j'avais que ça, à porter 
                            mon fardeau moi toute seule avec les autres dehors, 
                            je me sentais vraiment à la marge. Mais depuis 
                            que je peux en parler avec d'autres personnes, que 
                            moi, je trouve intelligentes, formidables, ça 
                            me renvoie aussi une image très positive de 
                            moi, donc je me sens mieux au dehors. 
                          Le modérateur : est-ce 
                            que quelqu'un a quelque chose à ajouter ? 
                          Delphine : C'était une 
                            bonne idée de faire AREVI, Virginie. 
                          Le modérateur : On termine 
                            cet atelier. Je vous remercie tous, pour ces expressions 
                            sur cette thématique qui est était un 
                            peu interrogeante de par son thème général 
                            "des crises d'imbécillité", 
                            mais effectivement, au vu de ce qui a été 
                            dit, on a bien vu qu'il y avait beaucoup de choses 
                            à dire. Je ne sais pas si la prochaine date 
                            a été arrêtée ?  
                          Delphine : Elle sera début 
                            février, et on la mettra sur le site. 
                               |